Une "rupture de confiance" à l'origine de l'éviction de la présidente de l'Aéroport de Genève
Dans un arrêt daté du 2 mars, le Conseil d'Etat genevois a nommé de manière unanime à la présidence de l'Aéroport international de Genève (AIG) Pierre Bernheim, jusqu'alors vice-président. Pour le gouvernement, l'affaire se résume à une "rupture du lien de confiance". La formule a été lâchée mercredi par Serge Dal Busco, magistrat de tutelle de l'aéroport et président de l'exécutif genevois.
Lors d'une séance avec le conseil d'administration de l'institution, le ministre a rappelé le rôle particulier de la présidence, qui doit faire le lien entre le conseil d'administration et le gouvernement.
Or, avec Corine Moinat, cette liaison était devenue chaotique, au point que la collaboration n'était plus possible. L'exécutif a toutefois reconnu qu'aucune faute n'a été commise par l'ancienne présidente, qui est toujours membre du conseil d'administration.
Mais Serge Dal Busco a fini par admettre une incompatibilité entre lui et Corine Moinat. "La question de la confiance est aussi une notion de ressenti personnel", a-t-il déclaré au micro de la RTS.
Plusieurs demandes de démission
La raison invoquée a provoqué la sidération, notamment parmi le conseil d'administration de l'aéroport. A en croire le Conseil d'Etat, l'éviction de Corine Moinat aurait pu ou dû survenir avant, mais la pandémie de Covid-19 a freiné les ambitions du gouvernement, qui a affirmé que la priorité durant ces deux dernières années était de sauver l'aéroport et ne pas le déstabiliser pendant la crise sanitaire.
L'exécutif a assuré avoir tenté plusieurs tentatives de conciliation, sans succès, avant de demander à l'ancienne présidente de démissionner à de nombreuses reprises. Il a également affirmé lui avoir fait des propositions "élégantes et généreuses" pour mettre un terme à son mandat, ce qu'elle a toujours refusé.
Contactée par la RTS, Corine Moinat n'a pas souhaité faire de commentaire. Nommée par l'ex-conseiller d'Etat Pierre Maudet, l'ancienne directrice du centre commercial de Balexert présidait le Conseil d'administration de la régie publique autonome depuis 2015. Son mandat de présidente devait officiellement se terminer en novembre 2023.
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La Cour de justice saisie
Cette décision représente un véritable coup de tonnerre. Il est très rare qu'une présidente ou un président d'un établissement public autonome soit débarqué de la sorte. Dans le cas de Corine Moinat, aucun juste motif n'a été invoqué, en-dehors de la mésentente avec Serge Dal Busco.
La manière de procéder interroge également. Avec ce licenciement par la bande, le Conseil d'Etat contourne en quelques sorte les règles prévues en matière de bonne gouvernance. Pour certains observateurs, le gouvernement a ainsi ouvert la voie à de futures décisions arbitraires.
De son côté, Corine Moinat n'accepte pas sa démission et a d'ores et déjà fait recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice genevoise. Pour le conseiller d'Etat Mauro Poggia, cette démarche est la preuve que l'ancienne présidente fait passer ses intérêts avant ceux de l'institution.
Dans la foulée du point presse du gouvernement mercredi, le conseil d'administration de l'aéroport a diffusé un communiqué. Il ne prend pas position sur le fond de l'affaire tant qu'une procédure judiciaire est en cours, mais il réaffirme "son entière confiance en Corine Moinat".
Mohamed Musadak/iar avec l'ats