Le conseiller d'Etat genevois Antonio Hodgers prête son image à une boutique pour bébés
Une mère et un père qui regardent avec tendresse leur chérubin dans une lumière tamisée: la dernière campagne publicitaire d'une boutique zurichoise n'a rien de particulier.
Sauf que les deux modèles ne sont pas n'importe qui. Il s'agit du conseiller d'Etat genevois Antonio Hodgers et sa compagne. Ces photos ont été choisies par le magasin pour vendre le linge en laine d'alpaga qui enveloppe le nourrisson.
Des photos personnelles
A la demande de la photographe, une amie de la famille, Antonio Hodgers et sa compagne ont accepté, à condition que leurs noms ne soient pas donnés. L'une des photos, où on voit le conseiller d'Etat et son enfant, a même été partagée sur la page Instagram de la boutique, accompagnée d'un texte proposant une réduction de 30%.
Antonio Hodgers a lui-même repartagé la photo à la mi-mars, en ironisant sur son nouveau rôle de vendeur de produits pour bébés. Le conseiller d'Etat assume-t-il? Oui et non. D'un côté, il assume le fait d'avoir donné un coup de pouce à deux entrepreneuses indépendantes et à une marque qui promeut la durabilité.
De l'autre, il insiste sur le caractère personnel de ces photos. Ce sont les images utilisées pour le faire-part de naissance de leur enfant. Pour le conseiller d'Etat, il s'agit d'une décision familiale qui ne concerne pas le Conseil d'Etat.
La Chancellerie genevoise ne souhaite pas faire de commentaire. Elle estime que cette situation ne concerne pas un conseiller d'Etat dans l'exercice de ces fonctions.
Aucune rémunération
Un conseiller d'Etat a-t-il le droit de faire de la publicité? La réponse serait très claire s'il y avait eu une transaction financière. Car c'est strictement interdit. Mais dans le cas d'Antonio Hodgers, les limites sont plus floues.
Le magistrat n'a pas touché d'argent et aucune loi ne régit ce cas de figure. Cette éventualité semblait trop invraisemblable. D'ailleurs, les juristes contactés par la RTS ont été très surpris de la question.
Pour Antonio Hodgers, tout est une question de proportionnalité. Il rappelle qu'il s'agit d'une petite structure indépendante. Il ne voit pas en quoi cela est problématique en matière d'image ou de dignité de la fonction (lire encadré).
Incompréhension de la classe politique
Dans la classe politique genevoise, c'est la surprise, et surtout l'incompréhension qui prédomine. A droite, le président du PLR Bertrand Reich trouve la démarche problématique et indigne de la fonction de conseiller d'Etat.
Mais cette publicité dérange même au sein du propre parti d'Antonio Hodgers, Les Verts. La présidente Delphine Klopfenstein ne fait pas de commentaire politique, mais elle trouve - à titre personnel - que c'est de mauvais goût.
Mohamed Musadak/vajo
Pas conforme à l'image qu'on attend d'un conseiller d'Etat, selon Mauro Poggia
"C'est surprenant, parce que cela donne une image qui n'est pas celle qu'on attend d'un conseiller d'Etat", a réagi jeudi le conseiller d'Etat Mauro Poggia, interrogé dans La Matinale. "Il faudra qu'il nous donne les explications nécessaires", a ajouté le magistrat MCG.
Si on utilise l'image d'un conseiller d'Etat pour des produits, même s'il n'en retire aucun intérêt financier ou économique, on pourrait évidemment imaginer que cela pourrait être le cas, "et le simple fait qu'on puisse l'imaginer n'est jamais très bon", estime Mauro Poggia. Le collège aura une discussion à ce sujet, "mais sans en faire une affaire d'Etat", conclut l'élu genevois.
Une première en Suisse
Contacté par la RTS, Julien Rilliet, spécialiste en communication et conseiller communal socialiste à Vevey, estime qu'il s'agit d'une première à ce niveau politique en Suisse.
Selon lui, le cas n'est pas sans rappeler celui de la ministre déléguée chargée de la Citoyenne Marlène Schiappa, en France.
En janvier 2021, elle avait vanté les bienfaits d’un lissage brésilien d'un salon de coiffure parisien. L'affaire avait choqué, à raison, selon le spécialiste.