Dominique Giroud "a été l’instigateur, au sens pénal du terme, des deux tentatives de soustraction de données" commises à l’encontre de deux journalistes de la RTS et du Temps en 2014. Ce sont les mots de la Cour de justice de Genève qui confirme, dans son arrêt du 8 avril transmis mardi aux parties, la condamnation de l’encaveur valaisan.
Pour le tribunal, "la faute de Dominique Giroud est importante. En agissant comme il l’a fait, il n’a pas seulement tenté de porter atteinte au droit des parties plaignantes de disposer de leurs données informatiques. Il s’en est également, certes en vain, pris à un aspect cardinal de la liberté de la presse, pilier de la démocratie: la protection de ses sources".
Déboires avec le fisc
L’affaire remonte à 2013. Le quotidien Le Temps et la RTS font alors état notamment des déboires du Valaisan avec le fisc. Quelles sont les sources des journalistes? Pour le savoir, Dominique Giroud, un détective privé, un informaticien et un ancien agent du Service de renseignements de la Confédération "discutent de la possibilité de hacker certaines cibles afin d’identifier l’auteur des fuites concernant l’affaire Giroud", écrit le tribunal.
Selon la Cour de justice, il est peu probable que cette idée vienne de Dominique Giroud. "S’il n’est pas possible de déterminer lequel a le premier évoqué la solution du hacking, il est à tout le moins hautement improbable que ce fut lui, qui n’appartenait pas, contrairement à ses comparses, au monde du renseignement et dont il n’est pas contesté qu’il est fort peu versé dans le domaine informatique", indiquent les juges.
Le verdict n’est pas "une absolution"
Mais Dominique Giroud a "donné le feu vert" pour le piratage et "a payé l’acompte de base de 10'000 francs", précise le tribunal. "Il a ainsi exercé une influence directe sur la formation de la volonté de l’informaticien d’accepter puis d’exécuter la mission".
Aux yeux de la Cour de justice, Dominique Giroud est donc coupable, mais il échappe aux six mois de prison avec sursis infligés en première instance. "Le choix de la peine pécuniaire paraît s’imposer, rien ne permettant de supposer que seule une peine privative de liberté serait suffisante pour faire saisir à Dominique Giroud la gravité de ses actes", écrit la Cour.
Les juges optent ainsi pour une peine de 180 jours-amendes, mais elle est complémentaire à trois autres du même genre prononcées à l’encontre du vigneron en 2014, 2017 et 2020 dans les cantons de Vaud et du Valais. Elle est donc ramenée à zéro pour ne pas dépasser le maximum légal de 360 jours-amendes.
Par le jeu du concours de peines, Dominique Giroud écope donc de zéro jour-amende. Mais il devra tout de même passer à la caisse. "Au regard de la gravité de la faute commise et afin que Dominique Giroud, dont on a vu que la prise de conscience n’est qu’ébauchée, perçoive que le présent verdict n’est pas une absolution et poursuive partant dans l’introspection, il s’impose d’assortir le sursis d’une amende", dit le Tribunal. Le Valaisan devra donc s’acquitter d’une amende de 10'000 francs.
"Le temps de la réflexion"
Pour Me Yannis Sakkas, avocat de Dominique Giroud, "le jugement de la Cour de justice est manifestement une victoire. Les juges ont refusé concrètement de prononcer la moindre peine de prison ou de jour-amende à l’encontre de Dominique Giroud. Ils ont dès lors annulé les six mois de prison retenus par la Tribunal de police, ce que l’on ne peut que saluer", fait-il savoir dans un communiqué de presse.
Jamil Soussi, avocat de la RTS, partie plaignante dans cette affaire, considère que ce jugement ne constitue "absolument pas une victoire pour Dominique Giroud. La décision est très claire, elle est très sévère à son égard. Elle retient une faute importante à sa charge et c’est très largement une confirmation de la condamnation de première instance".
L’affaire n’est peut-être pas terminée. Tant le Ministère public genevois que Dominique Giroud peuvent la porter devant le Tribunal fédéral. Le vigneron "se donne le temps de la réflexion pour décider" s’il le fera.
Fabiano Citroni