C'est une rencontre organisée par un groupe d’études du Département de langue et de littérature françaises modernes avec l'universitaire parisien Eric Marty qui a suscité l'ire d'une trentaine de personnes, qui ont débarqué au bâtiment des Bastions et provoqué l'annulation de la conférence.
Le 30 avril, plusieurs personnes avaient déjà fait irruption dans ce bâtiment pour interrompre une conférence de deux psychanalystes françaises, elle aussi en lien avec la théorie du genre.
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Eric Marty, professeur à l'Université Paris Diderot, était invité pour parler de son dernier ouvrage, "Le Sexe des Modernes". Dans ce livre, il retourne aux sources françaises du structuralisme pour proposer une perspective différente sur la notion de genre, dont les bases actuelles s'appuient majoritairement sur les travaux de l'Américaine Judith Butler en 1990.
Versions divergentes
L'UNIGE affirme que les protestataires ont refusé le dialogue. Des personnes présentes sur place ont noté qu'il y avait de l'agressivité dans l'air. Quelques altercations ont eu lieu, et les notes de l'invité ont été déchirées.
Les versions divergent toutefois sur les faits précis. Les activistes soutiennent ne pas avoir initié d’altercation physique, mais qu'il y a eu "des assauts répétés" à leur encontre. La police a été appelée, mais pas par l'Université, qui a demandé aux forces de l'ordre de rester à l'extérieur car elle préférait régler le problème à l'interne.
Plainte pénale
Contactée par la RTS, une militante a expliqué qu'il est difficile pour les activistes de faire entendre leur voix d'une autre manière, notamment parce que les conférenciers et conférencières sont médiatisés et habitués à parler ou débattre en public. Un dialogue serait inéquitable, et interrompre les conférences serait donc un moyen de faire valoir leur liberté d'expression.
Mais l'Université ne l'entend pas ainsi. Elle annonce qu'elle va déposer une plainte pénale pour contrainte et violation de domicile. Par ailleurs, si des activistes étudient à l'université, ils risquent jusqu'à l'exclusion, a-t-elle averti.
L'institution souligne qu'il n'est pas tolérable qu'on ne puisse pas débattre sereinement dans le cadre académique, et qu'il est hors de question que les enseignantes et les enseignants soient contraints à une forme d'auto-censure (lire encadré).
Sujet radio: Anouk Pernet
Adaptation web: Pierrik Jordan/vic
"La liberté académique est mise à mal", selon le recteur Yves Flückiger
Interrogé mercredi soir dans l'émission Forum de la RTS, le recteur de l'Université de Genève Yves Flückiger a confirmé que l'établissement allait porter plainte cette fois-ci, alors qu'il ne l'avait pas fait lors de la première conférence interrompue. Il n'a en outre pas infirmé la possibilité d'une exclusion pour les éventuels étudiants ayant participé à l'action.
"D'une part, c'est une action qui a été reconduite, et d'autre part, la manière dont l'intervention s'est produite mercredi soir a franchi des limites que nous ne pouvons pas accepter", a-t-il expliqué. "Il y a vraiment un gros choc qui a été ressenti par les personnes affectées par cette intervention", a-t-il ajouté, précisant en avoir parlé avec elles.
A ses yeux, "ces interventions-là privent [les conférenciers invités] de liberté d'expression et portent atteinte à la liberté académique [...], un élément fondamental de la créativité, de la capacité à pouvoir développer des recherches qui aboutissent à des progrès pour l'ensemble de la collectivité. C'est cette liberté académique qui est mise à mal", déplore-t-il.