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A Genève, la flambée du crack inquiète et engendre des tensions

Genève, confrontée au phénomène du crack. Cette drogue ultra addictive est en pleine flambée et engendre violences et tensions
Genève, confrontée au phénomène du crack. Cette drogue ultra addictive est en pleine flambée et engendre violences et tensions / 19h30 / 4 min. / le 19 juin 2022
La consommation du crack, une drogue ultra addictive, est en pleine augmentation à Genève. Le local de consommation de drogue Quai 9 est saturé et tire la sonnette d'alarme face aux tensions provoquées par ce manque de place.

Cette scène illustre toute la problématique et se répète de plus en plus souvent: au centre-ville de Genève, au milieu de l'après-midi, un homme vient d'acheter du crack. En pleine rue, sans prendre la peine de se cacher, il charge sa pipe, l'allume et se shoote.

La ville n'avait plus connu de scène ouverte de consommation de drogue depuis une vingtaine d'années, avant la création du local de consommation de drogues Quai 9, lorsque des toxicomanes se piquaient encore dans la rue. Aujourd'hui, le crack a remplacé l'héroïne. Peu chère, cette drogue est addictive et sa consommation compulsive.

"J'y touche depuis moins d'un an. J'ai attendu d'avoir 40 ans pour commencer", raconte à la RTS ce consommateur sur le trottoir, alors qu'il prépare sa pipe.

Sa dose lui a coûté 10 francs. Les effets psychostimulants que lui procure l'inhalation montent en quelques minutes et redescendent de manière tout aussi abrupte, après 5 à 10 minutes d'euphorie.

Facile et peu cher

Le crack inonde le marché genevois depuis environ un an et demi et met les acteurs de la prévention à rude épreuve. Le local Quai 9 est saturé et n'arrive plus à absorber tous les usagers. Des attroupements de consommateurs de crack se forment donc à l'extérieur du local vert, en particulier en fin de journée.

"En deux ans, les scènes ouvertes ont explosé, que ce soit autour de la structure mais aussi dans les points de vente de cocaïne, aux Pâquis et à Plainpalais", confirme Olivier Stabile, collaborateur socio-sanitaire à Première Ligne, l'association qui gère le centre.

Selon lui, la consommation est compulsive et très rapide. "Les gens ne veulent plus attendre une vingtaine de minutes pour entrer en salle".

Le jour de notre visite, les places d'injection étaient vides à l'intérieur de Quai 9. Celles d'inhalation, en revanche, toutes occupées. "Toutes les trente minutes, 8 places se libèrent. Les personnes viennent demander un ticket mais on est complet. On doit les faire patienter une trentaine de minutes environ", précise Olivier Stabile.

Plus de 100 inhalations par jour

Le crack, aussi appelé "caillou", est de la cocaïne basée, c'est-à-dire solidifiée pour être fumable. Quelques rares usagers le préparent encore eux-mêmes, mais aujourd'hui, les dealers le vendent déjà prêt à l'emploi. Cette accessibilité couplée à son faible coût contribue à cette progression fulgurante.

Chaque jour, Quai 9 enregistre plus d'une centaine d'inhalations et distribue une vingtaine de pipes à crack neuves, un matériel qui était très rarement demandé par les usagers il y a encore quelques mois.

Cette augmentation du nombre de consommateurs de cocaïne fumable engendre des tensions et violences entre usagers, mais aussi parfois envers les collaborateurs du centre. La police a notamment dû être appelée à plusieurs reprises pour des agressions au couteau.

Local d'injection Quai 9 à Genève. [RTS]
Local d'injection Quai 9 à Genève. [RTS]

"Ça met les équipes sous pression. C'est une population qui consomme énormément de produits stimulants. Avec le stress, les violences et l'insécurité que ça va engendrer, on perd complètement le lien avec ces personnes. En tant que professionnels, ça nous fait mal, parce que c'est la base de notre travail. Quand on perd le lien vis-à-vis d'un usager, c'est un constat d'échec", déplore le travailleur social.

Mélange explosif

Ce sentiment d'impuissance inquiète les professionnels. Car les usagers ne dorment plus, ne mangent plus, ne s'hydratent plus. Et aucun produit de substitution ne peut leur être proposé.

Vincent, toxicomane depuis 30 ans, est passé de l'héroïne au crack il y a quelques mois. Et cette consommation l'inquiète: "L'héroïne, on peut en prendre et attendre deux, trois, quatre heures avant de recommencer. Quand on fume ces cailloux, dès que ça redescend on a envie du suivant. Avant j'avais réussi à trouver un équilibre. Mais avec ça franchement, je vais moins faire les courses pour manger. La priorité, elle se décale".

Plus globalement, il observe avec inquiétude le développement de cette drogue à Genève : "C'est énorme, les gens ne contrôlent plus. En ce moment je les vois partir en cacahuète. Des amis qui arnaquent leurs amis alors qu'ils ne l'auraient jamais fait avant. T'en as tellement envie que, ce que tu ne faisais pas avant, tu le fais sans état d'âme. On se demande comment ça va se finir à la fin de l'été, les coups de couteau, les bagarres, ça fait peur."

A Quai 9, tout le monde craint l'arrivée de l'été. Chaleur, alcool et crack promettent un mélange explosif. Pour les travailleurs sociaux, une solution serait d'augmenter la capacité d'accueil du centre, voire de créer un espace dédié aux usagers de cocaïne fumée. Un groupe de travail mêlant acteurs de la prévention, de la santé et de la sécurité a été mis en place pour tenter de gérer au mieux l'expansion de cette drogue à Genève.

Flore Amos / fme

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