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Le conflit social entre Uber et ses chauffeurs s'enlise à Genève

L'appli Uber avait été momentanément inaccessible sur Genève après l'arrêt du TF. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
Les chauffeurs genevois rejettent l'accord négocié entre Uber et le canton / Le 12h30 / 2 min. / le 13 juillet 2022
La conciliation entre Uber et ses chauffeurs, devant la Chambre des relations collectives du travail de Genève, a échoué mardi après plusieurs audiences. Les syndicats réclament désormais que le canton fasse respecter la loi.

La conseillère d'Etat genevoise Fabienne Fischer (Département de l'économie et de l'emploi, DEE) avait saisi la Chambre des relations collectives du travail (CRCT) à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral qui reconnaît le statut de salariés aux chauffeurs d'Uber. Il fallait notamment régler la question des salaires.

>> Relire : Débouté par le Tribunal fédéral, Uber doit cesser son activité à Genève et se mettre en règle

Rien n'a vraiment changé dans ce dossier, ont constaté mercredi les syndicats Unia et SIT. Ces derniers réclament en conséquence que l'Etat de Genève fasse respecter la loi.

"L'autorité étatique doit reprendre le contrôle", a expliqué le secrétaire syndical du SIT Umberto Bandiera devant la presse. Il a rappelé l'existence d'un jugement fédéral "qu'il faut maintenant faire appliquer".

Le transfert à la société MITC en question

Car aujourd'hui, malgré l'arrêt du TF, Uber n'a toujours pas modifié son modèle et les risques économiques sont encore supportés par les chauffeurs, estiment les syndicats.

Le DEE avait toutefois passé le mois dernier un accord avec Uber afin que l'entreprise puisse reprendre ses activités à Genève conformément à l'arrêt du TF. Dans la foulée de cet accord, la multinationale a annoncé le transfert des chauffeurs qui obtenaient des courses grâce à son application à une société tierce partenaire (MITC Mobility SA). "Cette société prend en charge le paiement des salaires, des charges sociales et autres prestations sociales, tout en assurant au moins le respect du salaire minimum cantonal", affirme pour sa part Uber.

Mais selon les syndicats, les conditions de travail ne correspondent pas à du salariat. "Il n'existe ainsi aucun temps de travail garanti. Seul le temps des courses est payé par MITC. Le temps d'attente des chauffeurs n'est pas pris en compte. Les frais professionnels ne sont pas non plus pris en charge. L'entretien des véhicules et l'essence sont par exemple à la charge des chauffeurs", détaillent-ils. "Seuls 250 chauffeurs Uber ont accepté leur transfert, alors que 700 autres l'ont refusé", a par ailleurs avancé Umberto Bandiera (SIT) devant la presse.

Les chauffeurs satisfaits selon Uber

Dans un communiqué, le directeur d'Uber Suisse et porte-parole Jean-Pascal Aribot a indiqué que "la majorité des chauffeurs étaient satisfaits des efforts" qui ont été consentis par l'entreprise lors des réunions de la CRCT, "contrairement à ce que prétendent les syndicats et une minorité de chauffeurs".

Uber a par ailleurs précisé que plus de 1000 chauffeurs sont passés chez la société sous-traitante partenaire et sont "capables d'utiliser l'application et de générer des revenus avec celle-ci désormais en tant qu'employés de MITC Mobility SA, incluant un salaire minimum, des congés payés et des congés maladie".

Concernant les compensations rétroactives des chauffeurs, Uber a relevé que le travail est ardu. "Il s'agit d'un processus très complexe qui nécessite beaucoup d'analyses pour chaque cas individuel". Les syndicats, de leur côté, ont évoqué des arriérés de salaire et d'assurances sociales se chiffrant en millions de francs.

Le DEE confirme que des centaines de chauffeurs Uber sont désormais salariés de MITC. Toutefois, "il va falloir du temps pour se déterminer sur les modèles proposés, dans le respect des procédures", explique la porte-parole du DEE qui souligne qu'aucune validation n'avait eu lieu à ce stade.

Que chacun prenne ses responsabilités

Aux yeux des syndicats, il est donc temps que chacun prenne ses responsabilités. Uber est le bienvenu à Genève, à condition que les règles soient appliquées, a souligné Umberto Bandiera. De son côté, l'Etat doit obliger la multinationale californienne "à rentrer dans les clous", a ajouté Davide De Filippo, secrétaire général au SIT Genève.

D'ici là, les activités d'Uber et de MITC doivent être suspendues par le DEE, ont exigé les syndicats. Ces derniers ont aussi réclamé l'ouverture de négociations tripartites réunissant l'Etat, les syndicats et les représentants de l'entreprise, afin de déterminer les conditions de reprise des activités d'Uber.

Dans un communiqué, le syndicat Unia a également demandé une réaction au niveau national concernant les activités du géant californien. "Le SECO et les cantons doivent contraindre Uber à respecter la loi". Selon Unia, l'intervention des collectivités publiques se justifie, car "le modèle Uber repose sur du travail au noir illégal".

ats/vkiss

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"La position qui a été prise est correcte"

De son côté, Fabienne Fischer estime qu'il faut "remettre l'église au milieu du village". "La position qui a été prise est correcte, à savoir celle d'exiger le respect de la mise en oeuvre de l'arrêt du Tribunal fédéral. Tout le monde a l'air fâché et c'est peut-être le signe que les choses avancent", déclare la conseillère d'Etat mercredi dans Forum.

"Le TF n'a pas interdit à Uber d'exercer en Suisse, mais il a posé le cadre dans lequel l'entreprise peut exercer, plus particulièrement à Genève. J'ai pris et je prendrai mes responsabilités. J'attends de la part d'Uber comme de la part des syndicats et des chauffeurs qu'ils prennent les leurs", ajoute l'élue.

>> L'interview de Fabienne Fischer dans Forum :

Rupture de confiance entre l’Etat et Uber à Genève: interview de Fabienne Fischer
Rupture de confiance entre l’Etat et Uber à Genève: interview de Fabienne Fischer / Forum / 5 min. / le 13 juillet 2022