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Une possible prolongation de l'exploitation des carrières du Salève ravive la polémique

Polémiques autour de l’avenir des carrières du Salève (vidéo)
Polémiques autour de l’avenir des carrières du Salève (vidéo) / La Matinale / 5 min. / le 26 juillet 2022
Un demi-million de tonnes de roches calcaires est extrait chaque année du Salève. Alors que les habitants de Genève dénoncent depuis plusieurs années les activités du site, ses exploitants souhaitent au contraire prolonger à nouveau leur concession. L'annonce a fait réagir jusque sous la Coupole fédérale, où une motion a été déposée.

Depuis près de 200 ans, de la roche calcaire est extraite du flanc du Salève directement orienté du côté de Genève. Si les critiques ne sont pas nouvelles, elles se sont intensifiées avec l'extension de la ville. Les carrières de la montagne sont régulièrement décrites comme des "verrues" ou des "cicatrices". Les riverains dénoncent également des nuisances provoquées par les machines et la poussière.

Le gros de la polémique semblait pourtant enterré: des mesures ont été prises pour limiter ces nuisances et une date de fin de la concession d'exploitation a été fixée pour 2033. Un programme de remise en état a en outre déjà débuté sur certaines parties du site. Mais, récemment, les exploitants ont fait part de leur intention de demander un renouvellement de la concession.

Une volonté de prolongation qui passe mal

Grâce à de nouvelles technologies de cartographie de la roche, il a été découvert que le site recèle plus de matières à extraire qu'initialement prévu. Pour les exploitants, il s'agit d'aller au bout du gisement, plutôt que de l'étendre. "Il y a environ 500'000 tonnes extraites chaque année, livrées dans un périmètre de 13 kilomètres autour de la carrière. Si nous existons, c'est qu'il y a un besoin", a estimé Bernard Chavaz, codirecteur de la société du même nom qui exploite le site depuis sept générations, mardi dans La Matinale.

En cas de fermeture du gisement, les matériaux devraient être récupérés dans des zones plus éloignées. "Dans ce cas, pour livrer une tonne de cailloux, le camion ferait 200 kilomètres aller-retour. En termes de CO2 et de décarbonation, il n'y a pas mieux que les industries de proximité", a argumenté le patron, qui rappelle aussi que plus de 170 emplois sont liés à son entreprise.

De son côté, l'Association pour la sauvegarde du Salève (ASSAL) s'offusque des fausses promesses sur le dossier. Elle assure que d’autres solutions sont envisageables.

"Ces carrières sont un oreiller de paresse. On pourrait utiliser plus de matériaux de recyclage et des solutions plus écologiques, comme le ferroviaire qui est en développement dans la région", a avancé Henri Roth, membre du comité de l'association. Il évoque également l'étude d'autres sites relativement proches.

Les autorités genevoises limitées

Face à la volonté de prolonger l'exploitation, l'ASSAL demande aux autorités genevoises d’agir pour empêcher le renouvellement de la concession. Mais celles-ci n'ont pas leur mot à dire sur cette affaire: bien que les carrières du Salève se situent à moins de 500 mètres du canton de Genève, la montagne - malgré son surnom de "montagne des Genevois" - est intégralement sur territoire français. La décision de renouveler ou non la concession appartient donc aux autorités françaises.

A Genève, on suit malgré tout le dossier de près. Des députés se sont rendus sur place il y a quelques semaines, accompagnés du conseiller d'Etat vert Antonio Hodgers. Pour lui, l'important est d'obtenir une date butoir.

"Nous sommes conscients que le site ne sera pas fermé pour 2033, mais il faudrait qu'il le soit dans la décennie suivante, et que le Salève soit remis en état d'ici là. Peu à peu, l'impact de la carrière va diminuer pour atteindre une restitution complète de la montagne autour de 2040, ou 2050 au plus tard."

Genève profite des carrières non seulement en utilisant la roche, mais aussi en y exportant une partie de ses remblais, souligne encore Antonio Hodgers.

Le Conseil fédéral saisi

L'affaire ravivée par les velléités des exploitants est remontée à Berne. Le conseiller national socialiste Christian Dandrès a déposé en juin une motion au Parlement, qui demande au Conseil fédéral d’agir auprès des autorités françaises "pour garantir la fin de l'exploitation et la réhabilitation définitive du site".

Le Genevois affirme qu'il existe des mécanismes permettant à la Suisse d'intervenir dans le cadre des procédures que la France va devoir lancer pour renouveler la concession. Christian Dandrès suggère notamment de rappeler, lors de discussions bilatérales, que la Suisse ne serait pas favorable à une prolongation de l'exploitation.

"Le climat est suffisamment bon dans les rapports entre la Suisse et la France pour que le message puisse passer auprès de la Préfecture de Savoie. C'est important de marquer le coup et de montrer que la Confédération se préoccupe de la qualité paysagère du bassin genevois", a estimé le conseiller d'Etat.

La motion n’a pas encore été traitée. Mais quelle que soit la décision française, des décennies seront nécessaires pour que le Salève retrouve, à l'endroit du site, son visage d'antan.

Valentin Emery/iar

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