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À Genève, les violences scolaires ne s'aggravent pas mais changent de forme

Des élèves dans les couloirs d'un collège genevois. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
Le DIP présente un rapport sur les discriminations et violences dans les écoles genevoises / Le 12h30 / 2 min. / le 18 octobre 2022
Une vaste étude en deux volets dresse un diagnostic des violences en milieu scolaire à Genève. Les résultats sont plutôt rassurants, mais la violence verbale reste très présente. L'étude relève aussi un décalage entre les sujets présents dans les débats politiques et la réalité des préaux.

L'enquête, menée durant l’année scolaire 2021-2022, a été réalisée à travers deux angles complémentaires. D'une part, des élèves et le personnel scolaire ont été interrogés sur leurs expériences des discriminations et du climat au sein de leurs établissements. De l'autre, les directions des établissements ont pu communiquer leurs actions concrètes en matière de prévention et de lutte contre les discriminations.

Au total, l'étude a été menée sur 36 écoles primaires, 14 écoles du secondaire I et 20 établissements du secondaire II, représentant un total d'environ 6600 élèves et 1350 professionnelles et professionnels. Ses conclusions ont été révélées mardi dans une présentation du Département genevois de l'Instruction publique (DIP).

Les formes de violences évoluent

Il en ressort plusieurs constats. D'une part, les écoles genevoises prennent ces questions au sérieux, à travers des démarches de valorisation et de respect de la diversité mais aussi de prévention des discriminations. Malgré ces actions, les expériences de discrimination s'avèrent relativement fréquentes. La situation reste globalement stable, mais les violences changent de forme.

Une seconde étude a analysé en particulier cette violence scolaire, uniquement au niveau du cycle d'orientation (secondaire I). Il en ressort que la situation dans les établissements "ne semble pas s'être péjorée ces dernières années", à l'exception des questions de harcèlement et de cyberharcèlement, où la situation semble s'être détériorée. D'autant que le cyberharcèlement met beaucoup les établissements à contribution, "car ce sont parfois des situations invisibles", relève Marion du Trevis, collaboratrice au Service de la recherche en éducation, dans le journal de 12h30.

A noter par ailleurs que les violences physiques ne sont pas en augmentation, sauf chez les filles, qui y ont davantage recours. L'intensité et la gravité des violences physiques sont aussi plus importantes.

Des variations au fil de la scolarité

Selon la première étude, c'est à l'école primaire que l'on subit le plus de discriminations. Plus d'un tiers des élèves se sentent souvent discriminées ou discriminés. Ce pourcentage diminue toutefois légèrement au cours de la scolarité, une baisse qui peut s'expliquer par la distance qu'un jeune prend au fur et à mesure des années. Les classes sont aussi bien plus homogènes en secondaire II qu'en primaire, expliquent les auteurs de l'étude.

En parallèle, le pourcentage d'élèves qui disent n'avoir jamais subi de discrimination augmente au fil de la scolarité. En primaire, seul un élève sur cinq dit n'en avoir jamais été victime. Cette proportion passe à un sur quatre au cycle d'orientation, puis à près de 40% au secondaire II.

À noter encore qu'au niveau du secondaire II, environ 50% des élèves disent avoir été témoins de discriminations.

Dans l'ensemble, les actes les plus souvent cités - tant par les élèves que par le personnel scolaire - sont les moqueries, les remarques et les propos blessants. La notion de harcèlement revient en revanche rarement dans les actions citées pour illustrer la discrimination.

Source: DIP - Service de la recherche en éducation.
Source: DIP - Service de la recherche en éducation.

En outre, les filles ont tendance à rapporter plus d'actes de discrimination que les garçons. Le phénomène est particulièrement visible au cycle d'orientation. Une des hypothèses retenues par les chercheurs est que les filles ont peut-être une sensibilité plus développée aux discriminations que leurs camarades masculins.

Des débats politiques peu représentatifs

Par ailleurs, l'essentiel des discriminations ressenties sont basées sur le physique. Elles concerneraient un peu moins d'un élève sur deux sur l'ensemble des degrés observés. L'orientation sexuelle, réelle ou présumée, est aussi sujette à des remarques, moqueries ou insultes relativement fréquentes, en particulier en primaire: plus d'un quart des élèves disent en avoir déjà subi, dont 8% fréquemment.

>> Lire aussi : Genève sensibilise aux violences familiales liées à l'orientation sexuelle

D’autres caractéristiques sont également des sources fréquentes de discrimination, comme la tenue vestimentaire ou les résultats scolaires. En revanche, les discriminations basées sur la couleur de peau, la religion, le pays d'origine ou la langue parlée sont moins fréquentes qu'attendu. Les discriminations liées à la maladie ou au handicap sont également plutôt rares.

Source: DIP - Service de la recherche en éducation.
Source: DIP - Service de la recherche en éducation.

Ce constat a surpris aussi bien les auteurs et autrices du rapport que la conseillère d'Etat genevoise Anne Emery-Torracinta, en charge du DIP. Car les thématiques rencontrées au quotidien par les jeunes à l'école ne se retrouvent pas ou peu dans le débat politique. Il existe un réel décalage entre les préoccupations des adultes, qui s'inquiètent du racisme et de l'antisémitisme. "On voit que ce n’est pas ce que le jeunes ressentent le plus", relève-t-elle.

Prévention et prise en charge toujours essentielles

Du côté des établissements et du DIP, le travail se poursuit pour mettre en place un cadre scolaire plus sécurisé. Le département compte agir essentiellement sur les leviers de la prévention. Il s'est doté d'un plan d'action au niveau cantonal, mais aussi de formations du corps enseignant, notamment pour mieux identifier et faire cesser les cas de harcèlement.

Du côté des établissements, des ateliers sont parfois mis en place pour recevoir les élèves harceleurs et les élèves témoins en cas de problème, pour les amener à une prise de conscience ou à être plus réactifs pour désamorcer les situations problématiques ou aider les victimes.

Pour Sophie Zaccariotto, directrice d’un cycle d’orientation, les cas de harcèlement restent difficiles à quantifier, mais aucune situation problématique ne doit être laissée au hasard. "Un élève doit pouvoir se rendre à l’école en toute sécurité", dit-elle dans le 12h45, tout en soulignant que "tout ne peut pas être solutionné en deux ou trois jours".

>> Regarder le reportage de Camille Rivollet dans le 12h45 :

Le harcèlement scolaire dans les établissements genevois ne faiblit pas.
Le harcèlement scolaire dans les établissements genevois ne faiblit pas. / 12h45 / 1 min. / le 18 octobre 2022

Pierrik Jordan avec ats

Sujet radio: Mohamed Musadak

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