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Ouverture du procès du foyer des Tattes à Genève, huit ans après les faits

Viviane Luisier (à droite), membre de Solidarité Tattes, participe au recueillement en mémoire d'un requérant d'asile, mort dans l'incendie de 2014. [Keystone - Martial Trezzini]
Ouverture à Genève du procès de l’incendie du foyer pour requérants d'asile des Tattes / Le 12h30 / 1 min. / le 28 novembre 2022
Après avoir été repoussé le mois dernier en raison de l'absence de deux prévenus, le procès très attendu autour de l'incendie du foyer pour requérants d'asile des Tattes, à Vernier (GE), a enfin pu débuter lundi, huit ans après les faits.

Cet incendie accidentel survenu en 2014 avait coûté la vie à un résident. Après une instruction particulièrement longue, le procès doit déterminer les circonstances et la chaîne de responsabilité ayant mené au drame. Une vingtaine de parties plaignantes attendent des réponses.

D'après l'enquête, le drame a été déclenché par une plaque de cuisson d'appoint ou des cigarettes mal éteintes dans une poubelle, puis par une suite d'évènements dramatiques. Plusieurs personnes piégées par les flammes avaient dû sauter des étages, se blessant grièvement. L'une d'elles est aujourd'hui paralysée, tandis qu'un Erythréen de 29 ans est mort asphyxié, pris au piège par des portes coupe-feu fermées.

>> Lire : Cinq personnes poursuivies pour l’incendie des Tattes à Genève

Règlement ignoré

Le mois dernier, le procès avait dû être repoussé en raison de l'absence de deux des cinq prévenus, deux requérants d'asile. Le premier, un Algérien de 52 ans accusé d'avoir causé l'incendie, s'est présenté lundi matin. C'est dans sa chambre que le feu s'est déclaré. Une chambre où il fumait et cuisinait, violant ainsi les règles de sécurité du foyer.

Lors de son audition, la première du procès, il a fourni des réponses parfois confuses, mais avec une ligne claire: il n'y est pour rien. Interrogé par le président du tribunal Olivier Lutz, le prévenu a contesté les faits. Il a affirmé qu'à son arrivée au foyer, il n'a jamais été informé de l'interdiction de fumer et de cuisiner dans les chambres. Il a aussi déclaré être persuadé d'avoir débranché sa plaque de cuisson et éteint les mégots en quittant sa chambre.

L'autre requérant incriminé qui ne s'est pas présenté au tribunal est aussi un ancien occupant du foyer. Il s'est enfui sans donner l'alerte alors qu'il avait vu de la fumée sortir d'une chambre. Il sera jugé en son absence. Il avait déjà fait défaut une première fois. Le procès avait dû être renvoyé pour cette raison.

Erreurs et négligences fatales

Trois autres prévenus, deux agents de sécurité et l'ancien coordinateur de la sécurité de l'Hospice général, figurent également sur le banc des accusés. Il leur est reproché respectivement une succession de fautes qui ont empiré la situation et une négligence lors de l'élaboration du plan de sécurité.

Le responsable de l'Hospice général est même accusé d'homicide et de lésions corporelles par négligence. Selon l'acte d'accusation, il aurait omis de prendre des mesures suffisantes pour éviter qu'un départ de feu ne tourne à la tragédie.

L'homme de 57 ans sera interrogé mardi par le juge et les parties. Le procès est prévu de durer jusqu'à jeudi.

Les agents de sécurité contestent

Les deux agents de sécurité sont accusés d'avoir voulu éteindre l'incendie au lieu d'immédiatement procéder à l'évacuation du bâtiment. Selon le Ministère public, leur attitude aurait conduit à la propagation de la fumée dans les étages.

Les deux agents contestent les accusations. Muni d'un extincteur, l'un d'eux s'est rendu dans la chambre où le feu a éclaté pour voir si personne ne s'y trouvait. Il y avait plein de fumée, raconte-t-il. Eprouvant des difficultés à respirer, il est ressorti prendre l'air, avant de retourner dans le bâtiment avec son collègue.

Le feu paraissait très important, relève ce dernier. "Dans ces moments-là, avec le stress, on n'a pas beaucoup de temps pour réfléchir et prendre des décisions". A l'époque, âgé de 60 ans, il ne se sentait pas en état de monter au premier étage en apnée pour aller frapper aux portes des chambres et procéder à une évacuation.

Le procès doit normalement se poursuivre jusqu'à jeudi.

Mohamed Musadak/jop avec ats

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