Pierre Maudet aurait conclu un accord secret avec la plateforme Uber
En mai 2015, trois dirigeants d'Uber et le conseiller d'Etat en charge du dossier, Pierre Maudet, se seraient réunis afin de conclure un marché confidentiel, selon la Tribune de Genève, qui se base sur les "Uber Files", une fuite de plus de 120'000 documents libérés par un ancien lobbyiste de la firme américaine. Car l'implantation d'Uber au bout du lac n'était pas gagnée d'avance.
Deux mois plus tôt, les services de Pierre Maudet avaient ordonné l'interdiction d'Uber, puisque son modèle économique était jugé illégal. En effet, il ne répondait pas à la loi cantonale genevoise, plus restrictive qu'ailleurs en Suisse. Pourtant, après cette réunion, Uber a pu s'implanter dans le canton.
Dans les colonnes de la Tribune de Genève, Pierre Maudet ne donne pas sa version des faits: il dit être tenu par le secret de fonction. Contacté par la RTS, l'ancien conseiller d'Etat estime que cet article n'amène aucune révélation et souligne le contexte, soit celui des élections cantonales.
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Un dossier épineux à Genève
Ces révélations ont une résonance particulièrement forte à Genève, parce que le dossier Uber est le sujet épineux qui occupe depuis plusieurs mois la conseillère d'Etat en charge de l'Economie et de l'Emploi Fabienne Fischer. Elle a dû mettre en conformité le système d'Uber avec la loi cantonale.
Contactée par la RTS, Fabienne Fischer assure ne pas avoir eu connaissance de l'accord décrit par l'article de la Tribune de Genève. Ce dernier ne changera rien à sa mission: faire appliquer la décision du Tribunal fédéral (TF).
Début juin, le TF a statué sur le fait que les chauffeurs Uber doivent être considérés comme des salariés et non pas comme des indépendants. Cette démarche avait été entreprise par le successeur de Pierre Maudet, Mauro Poggia.
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Du côté des taxis genevois, la réaction ne s'est pas faite attendre: "C'est à la fois un soulagement, mais c'est aussi extrêmement choquant. Aujourd'hui, je suis outré", explique leur avocat Jacques Roulet dans Forum.
"Ce deal secret devait laisser croire aux taxis que Monsieur Maudet continuait de tout faire pour empêcher cette société d'être active à Genève. C'est ce qui est particulièrement grave", commente encore Jacques Roulet.
Des révélations "préoccupantes"
Cette affaire est qualifiée de "navrante" par Bertrand Reich. Selon le président du PLR genevois - ancien parti de Pierre Maudet -, ce double discours "n'est pas ce que l'on attend d'un conseiller d'Etat", explique-t-il.
Pour la présidente des Verts genevois Delphine Klopfenstein, ces révélations sont "préoccupantes" en matière de gouvernance et montrent que la volonté politique de Pierre Maudet était d'autoriser Uber, à qui il a offert un boulevard, "tolérant le travail au noir" et faisant fi des conditions de travail des chauffeurs.
Parmi les soutiens de Pierre Maudet, une personne figurant sur sa liste électorale, mais qui souhaite garder l'anonymat, estime "que ça ne fait qu'augmenter sa réputation" auprès des gens qui le soutiennent. Selon cette personne, cet article est un faux procès. "Ce qu'on reproche à Pierre Maudet? D'avoir seulement effectué son travail", indique-t-elle à Forum.
Un nouveau dégât d'image
Cette enquête pose donc à nouveau des questions sur la gouvernance de Pierre Maudet. Cela pourrait encore affaiblir sa campagne pour les élections cantonales de 2023, alors même que le Tribunal fédéral l'a reconnu coupable d'avoir accepté un avantage pour son voyage offert à Abu Dhabi. Ce voyage constituait "un avantage indu", a estimé la cour dans un arrêt daté du 31 octobre.
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Le timing est d'autant plus mauvais pour Pierre Maudet, que, selon les informations de la RTS, l'ancien conseiller d'Etat organise lundi sa soirée de campagne et de récolte de dons.
Gabriela Cabré et Julie Rausis
Adaptation web: vajo/jfe