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Antonio Loprieno: "Il faut prioriser les attentes" dans le choix d'un nouveau recteur d'université

Antonio Loprieno, recteur de l’Université de Bâle et président de la Conférence des recteurs d'universités suisses. [Gaetan Bally]
Refus de la nomination d’un recteur canadien à l’Université de Genève: interview d’Antonio Loprieno / La Matinale / 5 min. / le 19 janvier 2023
Aucun lacune n'est exclusive, mais certains critères requis ont un poids difficile à compenser: l'ancien président de Swissuniversities Antonio Loprieno défend la position du gouvernement genevois face à la candidature d'Eric Bauce au poste de recteur de l'Université de Genève (UNIGE).

Retour à la case départ à Genève pour trouver un nouveau recteur pour l'Université. Le Conseil d'Etat genevois n'a pas avalisé la candidature d'Eric Bauce. Le professeur québécois avait été désigné par l'assemblée générale de l'alma mater pour succéder à Yves Flückiger.

L'exécutif genevois ne veut pas d'un recteur trop âgé, mais surtout "hors sol", sans réseau politique ni connaissance approfondie du fonctionnement politique suisse.

>> Lire : Le Conseil d'Etat refuse de nommer le recteur choisi par l'Université de Genève

"La loi prévoit deux volets pour une élection: il faut tenir compte des attentes de l'Université, mais également des celles de l'autorité de tutelle. Il y a eu à mon avis trop peu de dialectique entre les deux contribuants", estime Antonio Loprieno, président des Académies des sciences en Europe et ancien président de la faîtière des recteurs des universités Swissuniversities.

"En déléguant une décision de cette envergure à une commission un peu plus restreinte, qui tienne aussi compte de l'avis de l'autorité de tutelle, on éviterait de présenter un nom au public sans avoir une certaine confiance que ce nom puisse être validé par l'organe appelé à juger et élire le futur recteur ou rectrice", fait valoir l'Italo-Suisse au micro de La Matinale de la RTS jeudi.

Il ne faut pas mettre l'autorité de tutelle dos au mur, devant un fait accompli, il faut prévoir les attentes.

Antonio Loprieno, président des Académies des sciences en Europe

En Suisse alémanique, le concept de double légitimation est bien implanté, observe celui qui a été aussi recteur de l'Université de Bâle. "On ne fait pas de proposition qui ne convienne pas à l'une des deux parties prenantes. (...) Il ne faut pas mettre l'autorité de tutelle dos au mur, devant un fait accompli, il faut prévoir les attentes."

Or, la conseillère d'Etat Anne-Emery Torracinta avait exprimé à l'assemblée de l'université son souhait d'avoir un candidat bien intégré dans le réseau suisse. "Le futur recteur doit pouvoir défendre la place des hautes écoles en Suisse et en Europe, surtout quand ces hautes écoles se trouvent sous pression comme c'est le cas actuellement", avait-elle fait valoir en expliquant la retenue face à Eric Bauce.

>> Revoir l'interview d'Anne Emery-Torracinta dans Forum :

Pas de recteur canadien pour l’Université de Genève: interview d’Anne Emery-Torracinta
Pas de recteur canadien pour l’Université de Genève: interview d’Anne Emery-Torracinta / Forum / 6 min. / le 18 janvier 2023

"La vache qui produit à la fois du lait, de la laine et des oeufs n'existe pas", image Antonio Loprieno. "Il faut prioriser des attentes sur une personnalité complexe. Dans le cas actuel, un recteur suisse qui n'ait pas de présence contextuelle est un vrai désavantage, qui requiert une compensation très forte dans d'autres aspects pour être un peu balancé. La raison donnée par le Conseil d'Etat genevois est la raison primaire, mais ne peut pas être considérée comme une qualité exclusive du futur recteur."

>> Relire à ce sujet : Le Conseil d'Etat genevois désapprouve le choix des candidats au poste de recteur de l'UNIGE

Ce refus n'a jamais été une question de nationalité, insiste encore l'ancien président de Swissuniversities. "(En Suisse), la moitié de nos professeurs viennent de l'étranger", rappelle-t-il. Si ce n'est pas une question de nationalité, c'est en revanche bien une question de contrôle du contexte qui contraint et façonne le milieu universitaire suisse. "Qu'il y ait un vrai encadrement dans notre réalité intellectuelle, académique et politique, est une attente compréhensible, quelle que soit la nationalité" de la personne, souligne Antonio Loprieno.

Propos recueillis par Valérie Hauert

Adaptation web: Katharina Kubicek

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