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Une vaste étude dresse un bilan plutôt positif de l'opération genevoise Papyrus

Les effets de l’opération de régularisation des sans-papiers "Papyrus" à Genève: interview d'Yves Jackson (vidéo)
Les effets de l’opération de régularisation des sans-papiers "Papyrus" à Genève: interview d'Yves Jackson (vidéo) / La Matinale / 4 min. / le 16 février 2023
L'Université de Genève a présenté mercredi les résultats de l'étude "Parchemins", long travail d'enquête sur la situation des personnes migrantes avant et après leur régularisation. Invité dans La Matinale, son coauteur Yves Jackson souligne un impact positif sur la santé.

"Parchemins" est une étude inédite au niveau mondial qui a suivi le parcours de près de 500 personnes sans papiers, dont la moitié ont entrepris la procédure de régularisation dans le cadre de l'opération "Papyrus" entre 2017 et 2018 (détails en encadré).

Ce travail de longue haleine a été mené par la sociologue Claudine Burton-Jeangros et le professeur assistant à la Faculté de médecine et aux HUG Yves Jackson.

Lancé comme un projet pilote à Genève, "Papyrus" avait permis de régulariser quelque 3000 personnes dans le canton.

>> Lire à ce sujet : L'opération Papyrus a permis de régulariser 2390 sans-papiers à Genève

Retrouver la légitimité de la citoyenneté

Globalement, il y a de grandes différences entre les régularisés et les non régularisés. Et la régularisation a des effets favorables dans différents domaines mais amène aussi son lot de difficultés, rapporte Claudine Burton-Jeangros, citée dans le communiqué de l'Unige. Parmi les améliorations notables, la plus citée est la liberté de mouvements.

"C'est l'un des bénéfices immédiats, le fait de pouvoir retrouver des amis ou de la famille restés au loin pendant une longue période", comme des parents âgés ou des enfants restés au pays, confirme Yves Jackson, invité jeudi dans La Matinale de la RTS.

"Mais plus largement, c'est retrouver le sentiment de légitimité et de normalité, redevenir un membre à part entière reconnu de la société, avec ses droits et ses devoirs d'agir comme tous les citoyens", poursuit-il.

Limiter les dégâts sur la santé

Ce médecin des HUG s'est intéressé à l'impact de la régularisation sur la santé des migrants et des migrantes. Or, plusieurs aspects ont été positivement affectés, en particulier la santé mentale, "qui s'améliore grâce à la diminution des facteurs de stress mais aussi des conditions de vie, avec une vie moins précaire et un accès au logement et à l'emploi qui se facilitent avec le temps".

La santé physique a aussi été évaluée. "Ce que l'on peut observer, c'est que la vie sans papiers pendant souvent dix ans ou plus a causé des dégâts qu'il sera difficile de rattraper. Quand vous avez été soumis à toutes sortes de situations de stress, vous vieillissez plus vite, vous développez des maladies chroniques à un âge plus précoce... Pas seulement pour les sans-papiers mais pour les gens défavorisés en général. Et à ce titre, malheureusement on observe un état de santé déjà dégradé", explique Yves Jackson.

"Néanmoins, on voit que le fait de pouvoir retrouver une marge de manoeuvre dans la vie quotidienne améliore les opportunités de prendre soin de soi-même, notamment d'accéder au système de santé et de pouvoir faire de la prévention. Ce sont plein de bénéfices qui vont porter leurs fruits à plus long terme."

Bilan plus mitigé en termes d'emploi

L'opération Papyrus devait aussi permettre de lutter contre le travail au noir et d'améliorer les conditions de travail des personnes régularisées. Sur cet aspect, l'étude relève un résultat mitigé, même si elle rappelle qu'elle a été réalisée durant la pandémie de Covid-19. D'une part, si les conditions d’emploi se sont souvent améliorées après la régularisation, les salaires horaires restent bas.

Par ailleurs, il est difficile de revenir sur le marché régulier de l'emploi. "Quand vous avez travaillé dix ans, quinze ans comme femme de ménage, c'est difficile de retrouver votre job d'infirmière que vous aviez dans votre pays", illustre Yves Jackson. "Un des constats de l'étude, c'est qu'il va falloir accompagner la requalification de ces personnes pour qu'elles puissent donner la pleine mesure de leurs compétences, pour leur propre bénéfice et celui de leur société d'accueil", souligne-t-il.

D’autres participants de l'étude ont été licenciés après que leur employeur a refusé de les déclarer.

Enfin, le chercheur relaie aussi un bénéfice pour les enfants, dont les perspectives s'ouvrent et les possibilités se multiplient en termes d'étude ou de formation. "Dans le fond, on permet à ces enfants de développer leur plein potentiel."

Propos recueillis par Karine Vasarino

Texte web: Pierrik Jordan

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Un projet d'ampleur

L’étude longitudinale "Parchemins", dont l'ampleur représente une première au niveau mondial pour étudier la régularisation des sans papiers, a recruté 468 participants lors de sa première vague en 2017-2018. Elle a été suivie par une seconde récolte de données en 2018-2019 (379 personnes), puis d'une troisième en 2020-2021 (317) et une quatrième en 2021-2022 (262).

En termes méthodologiques, elle combine des données quantitatives collectées sur la base de questionnaires standardisés et des données qualitatives issues d’entretiens approfondis. Son objectif était surtout d’évaluer les conditions d’existence, d’emploi et de santé des personnes régularisées, en comparaison de sans papiers non régularisés.

Au vu de l’ampleur de la tâche, un grand nombre de stagiaires et d’étudiant ou étudiantes ont participé à la collecte et l'analyse des données, notamment pour explorer des aspects spécifiques de la question.

Deux thèses de doctorat ont aussi été conduites dans ce cadre. Enfin, deux boursières d’excellence de la Confédération ont rejoint l’équipe de recherche à l’automne 2022 pour participer à l’analyse de cette masse de données.