En Suisse, chaque canton a ses stéréotypes, ils sont souvent de nature géographique. En Valais, on est de la plaine ou de la montagne. À Neuchâtel, du haut ou du bas du canton. Et à Genève, on habite soit la rive gauche soit la rive droite. Mais ce clivage, à l'allure de cliché, s'immisce aujourd'hui dans la politique cantonale. Aucune opposition frontale, mais des intérêts différents à défendre.
Récemment une résolution a été votée dans la plupart des communes de la rive droite. Ces localités demandent à être davantage prises en compte dans les décisions de développement du canton.
Considérer les deux rives
Sébastien Fabbi, président du PLR Rive droite, à l'origine de la résolution, souhaite sensibiliser l'ensemble des députés genevois et le Conseil d'Etat afin de considérer l'ensemble du territoire. "On ne va pas déplacer les trains, on ne va pas déplacer l'aéroport, on ne va pas déplacer les infrastructures existantes. Par contre, on souhaite participer au développement futur de notre rive, sans avoir à en subir l'ensemble des conséquences."
Le canton, par la voix du magistrat Antonio Hodgers, a récemment répondu. Le conseiller d'Etat vert souligne notamment que la rive gauche n'est pas dénuée d'infrastructures. Si ce cliché de zones de villas chics et des lieux culturels persiste, ce n'est évidemment pas l'entière réalité.
Dans sa réponse, Antonio Hodgers cite aussi des infrastructures côté rive gauche telles que des établissements pénitentiaires ou des aires d'accueil pour les gens du voyage. La majorité des futurs logements seront construits sur la rive gauche. Mais le conseiller d'Etat reconnaît néanmoins que les deux rives ont leurs particularités.
Une différence historique
Le clivage entre les deux rives est historiquement enraciné. Il faut s'imaginer qu'au Moyen-Age, la Ville de Genève se situait presque exclusivement sur la rive gauche. L'historien Bernard Lescaze explique que le canton de Genève s'est constitué avec les anciens territoires protestants, et les nouvelles zones, plutôt catholiques, avec logiquement davantage de place.
"La rive droite s'est développée, notamment au 19ème siècle, et c'est là que vont se concentrer les industries genevoises", poursuit Bernard Lescaze. "Cela va pousser les ouvriers à habiter sur la rive droite, ce qui a permis la création des premiers quartiers populaires comme les Charmilles, la Servette, Châtelaine ou les Avanchets."
C'est aussi là qu'au 20e siècle se sont développées les infrastructures de mobilité comme la gare Cornavin, l'aéroport ou l'autoroute. A l'époque, il semblait plus logique de construire sur la rive droite, elle avait davantage de terrains à disposition et était mieux reliée au reste de la Suisse.
Rive droite discriminée?
Sur le plan politique, le Grand Conseil genevois est composé d'une grande majorité d'élus de la rive gauche. C'est d'ailleurs le cas pour la nouvelle législature, fraîchement élue. Le député socialiste Romain de Sainte-Marie, habitant de la rive gauche, dit comprendre le sentiment de la rive opposée de se sentir lésée.
"La rive gauche et la rive droite n'ont pas les mêmes infrastructures, surtout en terme de mobilité. La rive droite, malgré les avantages de ses infrastructures de transports, a les désavantages du développement de zones d'activités et, par conséquent, une certaine densification. Alors que la rive gauche n'a pas ce niveau de développement, et c'est aussi un désavantage pour ses habitants", observe Romain de Sainte-Marie.
Difficile alors de parler de discrimination à l'encontre la rive droite. Cependant, se pencher sur l'histoire du développement du canton et de ses deux rives éclaire les enjeux d'un canton-ville qui ne cesse de croître sur un territoire qui, lui, ne bouge pas.
Sujet radio: Tania Sazpinar
Traitement web: Thibaut Clémence