C'était un arrêt très attendu et sa lecture donne une image très négative de Pierre Maudet. Dans un jugement de 32 pages, la Cour de justice genevoise condamne l'élu à 300 jours-amende avec sursis pour son fameux voyage à Abu Dhabi payé par la couronne émiratie.
Pour mémoire, en octobre 2022, le Tribunal fédéral avait dit que Pierre Maudet devait être condamné pour acceptation d'un avantage et il avait alors renvoyé la cause devant l'autorité cantonale pour qu'elle fixe sa peine.
La Cour de justice a donc rendu ses conclusions ces derniers jours et elles ont été reçues ce mercredi matin par les parties à la procédure.
"Conséquences de la médiatisation"
En lisant l'arrêt, on apprend que Pierre Maudet avait requis une exemption de peine évoquant notamment "les conséquences subies du fait de la médiatisation de l'affaire", mais aussi "l'absence de jurisprudence claire, au moment des faits", en 2015.
Dans son arrêt, la Cour de justice balaie ces arguments en rappelant que, selon le Tribunal fédéral, "Pierre Maudet avait bien conscience du caractère indu de l'invitation particulièrement généreuse qu'il avait reçue en sa qualité de conseiller d'Etat", mais aussi que la médiatisation de l'affaire était liée "à son statut de personnalité publique".
Aux yeux du tribunal, sa faute est "sérieuse". "Il a agi par convenance personnelle, par goût du pouvoir et avec légèreté, l'estime qu'il avait de lui-même comme conseiller d'Etat et l'honneur personnel que représentait cette invitation l'ayant aveuglé."
Absence de prise de conscience
Les juges se montrent encore plus sévères lorsqu'ils écrivent que Pierre Maudet "a exprimé des regrets, dont il n'y a pas lieu de douter de la sincérité", mais qu'il n'a "toujours pas pris conscience, ne serait-ce que partiellement, du caractère pénal de ses actes, plaidant l'incertitude juridique pour échapper à toute sanction, voire une sanction réduite".
L'arrêt révèle encore que Pierre Maudet ne voulait pas verser 50'000 francs à l'Etat de Genève, un montant correspondant au coût du voyage à Abu Dhabi pour lui et sa famille, estimant que "la valeur marchande du voyage n'était pas déterminable" et que "le prononcé d'une créance compensatrice poursuivrait un but exclusivement punitif".
Pour le tribunal, et les mots sont très forts, "l'opposition de Pierre Maudet au principe de la créance compensatrice est le reflet de l'absence ou à tout le moins de la pauvreté de toute démarche introspective, puisqu'il en résulte qu'il n'est même pas ouvert à l'idée de restituer ce dont il a bénéficié illicitement". L'élu devra donc bel et bien verser 50'000 francs en faveur de l'Etat de Genève.
La Cour tient compte d'un "faux pas isolé"
Dans sa fixation de la peine, la Cour de justice précise encore qu'"il sera tenu compte du fait qu'il s'agit d'un faux pas isolé dans une carrière jusqu'à ce jour sans impair". Elle condamne donc Pierre Maudet à 300 jours-amende avec un sursis de deux ans, une peine inférieure à celle de 360 jours-amende requise par le Ministère public.
Contacté, l'avocat de Pierre Maudet, Grégoire Mangeat, se refuse à tout commentaire. Son client a 30 jours pour porter l'affaire devant le Tribunal fédéral.
Fabiano Citroni, Pôle Enquête de la RTS
Les acolytes de Pierre Maudet sont également condamnés
Le conseiller d’Etat genevois n’est pas le seul à être condamné par la Cour de justice dans cet arrêt du 26 mai dernier. Les trois hommes qui accompagnaient Pierre Maudet lors de son voyage aux Emirats sont également sanctionnés par la justice.
Son ancien chef de cabinet écope de 360 jours-amende avec sursis à 300 francs le jour pour acceptation d’un avantage, violation du secret de fonction et instigation à abus d’autorité. Il devra aussi s’acquitter d’une créance compensatrice de 10'000 francs auprès de l’Etat de Genève. Les juges estiment que sa faute est "importante". Il a notamment agi "par convenance personnelle, donnant la prééminence à la satisfaction de son bien-être ou au copinage, au détriment de ses devoirs et des institutions en général", écrivent-ils précisant que "sa prise de conscience est embryonnaire, dès lors qu'il a persisté à nier le caractère pénal de ses actes, allant jusqu'à invoquer son pragmatisme administratif et dire qu'il agirait de la même manière si c’était à refaire".
De leur côté, les deux entrepreneurs d’origine libanaise qui ont facilité l’organisation du séjour à Abu Dhabi sont condamnés respectivement à 240 jours-amende avec sursis à 1100 francs le jour pour l’octroi d’un avantage, et 180 jours-amende avec sursis à 30 francs le jour pour complicité d’octroi d’un avantage. Tous peuvent faire appel de ces condamnations.