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Drame de Thônex: "Jamais je n'ai pensé qu'il allait perdre la vie ici, en Suisse"

Mise au point - Mineurs: une arme blanche en poche. [RTS]
Mineurs : une arme blanche en poche / Mise au point / 12 min. / le 9 juillet 2023
La maman du jeune homme poignardé fin mai à Thônex (GE) témoigne dans l'émission Mise au Point. Elle a accepté de parler, dans l'espoir d’éviter qu'un autre drame se reproduise, alors que le port du couteau chez les jeunes inquiète les autorités.

Maria* n'oubliera jamais la nuit du 28 mai: "Vers 2h30 du matin, la police est arrivée. Elle a sonné et tapé très fort à la porte. Les agents m'ont dit que mon fils avait eu un accident et qu'il était mort", raconte-t-elle en larmes.

Ce soir-là, Brandon, 18 ans, est de sortie avec sa petite amie, 16 ans, enceinte. Une bagarre éclate avec d'autres jeunes, pour une raison que l'enquête devra déterminer. Brandon reçoit un seul coup de couteau, mortel. Il décédera 20 minutes plus tard. "Le garçon qui a fait ça ne connaît pas mon fils. Il a été tué gratuitement. Deux familles ont été détruites, la mienne et la sienne aussi."

Pour autant, Maria dit ne pas avoir de colère contre celui qui a tué son fils: "Je n'ai pas d'esprit de revanche."

>> Lire aussi : Un jeune homme de 18 ans tué par un coup de couteau à Thônex (GE)

De plus en plus de couteaux chez les mineurs

Le port du couteau chez les jeunes inquiète les autorités en Suisse. D'autant que les violences à l’arme blanche augmentent: douze homicides en 2022, contre cinq en 2016. Et le port du couteau serait de plus en plus fréquent chez les jeunes. Deux événements récents sont venus faire écho au meurtre de Thônex.

Mardi 4 juillet, un drame a secoué le village de Penthaz dans le canton de Vaud. Un mineur de 17 ans a tué une jeune femme de plusieurs coups de couteau. L’enquête devra éclaircir les circonstances de cet acte dramatique. Dans le quartier des Acacias à Genève, une bagarre a dégénéré le 27 juin à l’occasion d’une soirée organisée par la maison de quartier. Un homme a aussi été blessé par un coup de couteau.

Campagne nationale lancée

Une campagne nationale vient d’être lancée en Suisse pour sensibiliser les mineurs aux armes blanches. Elle s'intitule "laisse ton couteau à la maison" et elle incite les jeunes à ne pas sortir le soir avec une arme blanche. Pour les polices cantonales, à l'origine de cette action, il est impossible d'interdire la possession de couteaux en vente libre. Tout passe par la prévention.

A Fribourg, par exemple, c'est la police de proximité qui va au contact des jeunes, pour établir le contact et le dialogue. Fribourg, depuis le début de l’année, a connu huit cas d'agressions au couteau perpétrées par des mineurs. Parfois pour des broutilles.

Pour Nicolas Boschung, le chef fribourgeois de la brigade des mineurs, les causes sont multiples. Mais les réseaux sociaux jouent un rôle certain: "On séquestre énormément de natels où il y a des milliers de vidéos de violence. Quand on leur dit: 'Mais c’est pas choquant?', ils répondent souvent 'Ouais… mais c'est rigolo…'"

Pour Yann Boggio, travailleur social dans le canton de Genève, il y a aussi des causes sociétales: "Il y a une forme de tension sociale (…) On est dans une crise majeure en terme énergétique et écologique qui pose aujourd'hui beaucoup de questions aux jeunes sur leur place dans la société, dans la société de demain et après-demain."

Pour Maria, le deuil ne fait que commencer. Elle qui a grandit au Nicaragua avait décidé de venir en Suisse pour offrir à son fils un cadre de vie plus sûr que dans son pays natal: "C'était pour lui que je suis venue ici. Je voulais qu'il ait une meilleure vie. Et jamais je n'ai pensé que mon fils allait perdre la vie ici, en Suisse."

Gilles Clémençon et Michaël Borgognon

*Nom d’emprunt

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