Modifié

Le syndicat de la police judiciaire genevoise réclame une enquête dans l'affaire de la prostituée agressée

Le syndicat de la police judiciaire genevoise réclame une enquête dans l'affaire de la prostituée agressée. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
À Genève, le syndicat de la police judiciaire demande une enquête sur l’agression présumée d’une prostituée par un policier / Le 12h30 / 1 min. / le 22 août 2023
La commandante de la police genevoise a été interpellée lundi par les représentants de la police judiciaire, a appris le Pôle enquête de la RTS. Ces derniers appellent à éclaircir, en toute transparence, l'agression dénoncée par une travailleuse du sexe, il y a cinq ans, par un agent en congé.

A Genève, le syndicat de la police judiciaire (SPJ) appelle à l'ouverture d'une enquête après les révélations de la RTS sur l'agression dénoncée par une prostituée, il y a cinq ans, par un policier en congé. Le syndicat a écrit lundi une lettre à la commandante de la police genevoise, Monica Bonfanti. Cette dernière ne commente pas.

>> Lire : L'agression d'une prostituée par un policier genevois se règle en catimini

La missive, que le Pôle enquête de la RTS s'est procuré, fait quatre pages. Le SPJ fait part de son "étonnement" et d'un "certain trouble" après avoir pris connaissance de cette histoire.

Début avril 2018, un agent en congé a été accusé par une travailleuse du sexe de l'avoir agressée dans sa voiture, sans qu'une enquête ne soit diligentée. Un chauffeur de taxi avait recueilli la jeune femme en attendant l’arrivée de la police. Un officier supérieur et la police des polices avaient été avertis des faits.

>> Revoir les réactions politiques dans le 19h30 :

Une prostituée dit s'être faite agressée par un policer en avril 2018: aucune enquête n'a été lancée
Une prostituée dit s'être faite agressée par un policer en avril 2018: aucune enquête n'a été lancée / 19h30 / 2 min. / le 21 août 2023

Procédé "inhabituel" et "difficilement défendable"

Dans sa lettre, le syndicat évoque la présomption d'innocence de toutes les personnes concernées. Toutefois, il parle d’une histoire "surprenante" étayée par une prise de position "lunaire" de la police genevoise. Le SPJ avance que des règles auraient été ignorées par un certain nombre d'intervenants ce soir-là, comme la police des polices.

>> Voir à ce sujet l'interview de Frédéric Maillard, expert des questions policières, dans Forum :

Polémique à Genève après l’agression d’une travailleuse du sexe: interview de Frédéric Maillard
Polémique à Genève après l’agression d’une travailleuse du sexe: interview de Frédéric Maillard / Forum / 6 min. / le 21 août 2023

Les représentants de la police judiciaire genevoise rappellent aussi les articles de loi permettant à toute victime d'actes d'ordre sexuel de ne pas être confronté à leurs agresseurs. Pourtant, une confrontation a eu lieu il y a cinq ans, en catimini. Un "procédé aussi inhabituel que difficilement défendable", estime le syndicat.

"La jeune femme ne s'attendait probablement pas à être mise en présence de celui qu'elle avait accusé quelques instants plus tôt alors qu'elle était toujours dans l'état de choc décrit par le chauffeur de taxi. Comment ne pas avoir imaginé qu'une telle confrontation ne serait pas vécue comme pressante et de nature à la dissuader d'aller de l'avant et de dénoncer?", s’interroge le SPJ.

Quinze mesures à prendre

Ce dernier rappelle aussi les actes d'enquête requis dans de pareils cas. Par exemple: soumettre la victime et l'auteur présumé à l'éthylomètre, effectuer des prélèvements dans le véhicule où l'agression se serait déroulée, saisir les vêtements des deux protagonistes pour analyse, auditionner les témoins et les acteurs de l'affaire, saisir le téléphone du policier en congé, rechercher de la vidéosurveillance ou encore conduire la victime à l'hôpital pour la faire examiner par un gynécologue.

Le syndicat liste quinze mesures au total qui, a priori, n'ont pas été prises en 2018. Or, elles auraient permis, estime-t-il, au policier incriminé d'assurer sa défense aujourd'hui ou d'éviter à la police genevoise de "graves soupçons de collusion, d'entrave à l'action pénale et d'abus d'autorité".

"Enfin et surtout, elles auraient garanti à une potentielle victime extrêmement vulnérable, comme le sont toutes les travailleuses du sexe de rue, le droit inaliénable d'être entendue, la considération qu'elle mérite, l'impartialité de mise, l'exclusion de préjugés, ainsi que des poursuites à l'encontre du prévenu si l'agression avait été confirmée par l'enquête. Aujourd'hui, ne risquent de subsister que des questions sans réponse, et avec elles, un dommage incommensurable."

Appel à une enquête

Le SPJ estime donc que toute la lumière doit être faite sur cette histoire pour dissiper les doutes. "Une vraie enquête doit assurément être ouverte et conduite en toute transparence, tant sur l’agression sexuelle et la séquestration dont aurait été victime la travailleuse du sexe, que sur la façon dont l'affaire a été traitée - et ce, que l'agression soit avérée ou non."

Le syndicat de la police judiciaire genevoise juge toutefois qu'une telle enquête ne pourrait être menée par la police des polices, "présente le soir des faits et désormais en cause".

Contactés, ni la commandante de la police genevoise, Monica Bonfanti, ni son état-major, ne font de commentaires.

Raphaël Leroy, Pôle enquête RTS

Publié Modifié