Le procureur général genevois était au courant de l’affaire de la prostituée et du policier en congé
Le Ministère public est sorti de son silence, quatre jours après les révélations de la RTS sur les accusations d'agression à Genève d'une prostituée par un policier en congé, il y a cinq ans. Sollicité dès lundi par la RTS, il a finalement répondu ce jeudi en dévoilant un nouvel élément de cette affaire.
Le procureur général genevois a en effet été averti dès le lendemain des faits par la police des polices (IGS), "qui lui a relaté son intervention comme c'est l'usage pour cette unité", selon le Parquet. Un fait jusqu'ici jamais rendu public.
Aucune confirmation, ni infirmation
Pour rappel, dans la nuit du 2 au 3 avril 2018 à Champel, un agent en congé a été accusé par une travailleuse du sexe de l'avoir agressée et séquestrée dans sa voiture. Des faits confirmés par Aspasie, l'association de défense des travailleuses et travailleurs du sexe. Or, aucune enquête n'a été ouverte. L'épisode s'est réglé en catimini, sous l'égide d'un officier supérieur et d'un agent de la police des polices.
>> Relire : L'agression d'une prostituée par un policier genevois se règle en catimini
Sur ces faits, le Parquet genevois ne dit mot. "Le Ministère public ne confirme ni n'infirme aucune des informations publiées à ce jour en lien avec cette affaire", affirme-t-il.
Magistrat de permanence pas averti
Toutefois, il confirme que le procureur de permanence a été laissé dans l'ignorance ce soir-là. "Il est exact que la police n'a pas appelé le procureur de permanence des urgences au sens de l'article 307 du Code de procédure pénale (CPP) et de la directive du procureur général D.1. Sur la base des informations connues du Ministère public, un tel appel ne se justifiait pas", explique-t-il laconiquement.
L'article 307 CPP stipule notamment que "la police informe sans retard le Ministère public sur les infractions graves et tout autre événement sérieux". Au sens de la directive cantonale D.1, citée par le Parquet ci-dessus, un événement sérieux est un événement "important" dans lequel est impliqué "un fonctionnaire titulaire de la force publique, notamment un policier ou un gardien de prison".
Pas d'enquête
Si le magistrat de permanence n'a pas été avisé de l'événement ce soir-là, ce n'est pas le cas en revanche du patron du Ministère public genevois, Olivier Jornot. "Le procureur général a été informé le lendemain des faits par l'IGS", dévoile le Parquet.
Pourquoi, dès lors, n'a-t-il pas ouvert de procédure? "Il lui a été indiqué qu'au vu des informations recueillies sur place, à savoir que la personne concernée contestait avoir été victime d'un viol et qu'elle n'entendait pas déposer de plainte, l'IGS avait estimé que l'ouverture d'une enquête de police ne se justifiait pas. Il en a été pris acte." Compte-t-il aujourd'hui en ouvrir une, vu le déroulement particulier des faits? Rien ne l'indique.
Monica Bonfanti savait aussi
Olivier Jornot n'est pas le seul responsable à avoir été mis au courant de l'affaire, il y a cinq ans. Dans le journal Le Temps, la commandante de la police genevoise a révélé avoir été informée de l'histoire le 3 avril 2018. Mais "le récit narré ce dimanche 20 août 2023 par la Radio Télévision Suisse (RTS) ne reflète pas les informations qui m'ont été transmises", a assuré Monica Bonfanti.
Elle a donc chargé son adjoint, Luc Broch, de procéder à toutes les vérifications nécessaires à l'établissement des faits. Un rapport "circonstancié" sera ensuite transmis à la conseillère d'Etat de tutelle de la police genevoise, la socialiste Carole-Anne Kast.
Raphaël Leroy, Pôle enquête RTS