Antonio Hodgers est accusé d’avoir menacé des élus genevois

Le président du Conseil d'Etat genevois Antonio Hodgers, photographié ici le 14 septembre 2023. [Keystone - Martial Trezzini]
À Genève, deux élus du Centre accusent le conseiller d'Etat Antonio Hodgers de les avoir menacés / Forum / 3 min. / le 3 octobre 2023
Le président du Conseil d’Etat genevois Antonio Hodgers est invité à s’expliquer après avoir tenu des propos jugés inacceptables envers deux députés en marge des débats sur la nouvelle loi sur l’énergie, a révélé mardi le Pôle enquête de la RTS. Le parti du Centre a écrit au Bureau du Grand Conseil genevois pour dénoncer les faits. Le magistrat les conteste.

Antonio Hodgers a-t-il dépassé les bornes, le 21 septembre dernier, en marge des débats parlementaires houleux sur la nouvelle loi genevoise sur l’énergie? Le parti du Centre en est convaincu. Selon les renseignements du Pôle enquête de la RTS, il s’est fendu d’un courrier au Bureau du Grand Conseil pour s’indigner des propos tenus ce soir-là par le président du Conseil d’Etat genevois.

Selon le parti, Antonio Hodgers aurait usé de son statut de ministre de l’agriculture pour intimider deux députés issus des milieux agricoles. En l’occurrence, Patricia Bidaux et François Erard, respectivement présidente et directeur d’AgriGenève, l'association faîtière de l'agriculture genevoise.

>> Lire aussi : Le Conseil d'Etat genevois bloque une modification de la loi sur l'énergie votée au Parlement

Elus opposés au conseiller d’Etat

Ces deux élus, à l’instar de leur groupe parlementaire, étaient favorables à la modification de la loi cantonale sur l’énergie. Une loi qui a finalement été votée le 21 septembre par une majorité du Grand Conseil genevois, contre l’avis du magistrat vert.

Invité au 19h30 de la RTS, le conseiller d’Etat chargé du territoire avait alors parlé d’un "putsch parlementaire", d’une "gabegie" et d’un "dysfonctionnement". Des propos qui lui ont valu, lundi, une réaction courroucée du Bureau du Grand Conseil dans un communiqué, ainsi que de violentes critiques de certains partis. La loi est aujourd’hui bloquée par l’exécutif genevois qui sursoit de manière exceptionnelle à son application durant six mois.

>> Revoir l'interview d'Antonio Hodgers dans le 19h30 :

Antonio Hodgers, Président du Conseil d’État genevois, revient sur le blocage par le gouvernement de la loi sur l’énergie
Antonio Hodgers, Président du Conseil d’État genevois, revient sur le blocage par le gouvernement de la loi sur l’énergie / 19h30 / 3 min. / le 28 septembre 2023

Rencontre exigée

C’est en amont du vote, il y a dix jours, que les menaces de rétorsion d’Antonio Hodgers auraient eu lieu envers les deux élus s’ils maintenaient leur choix. Choqués, ces derniers s’en sont alors ouverts à leur parti qui a immédiatement réagi. Sous la plume de son chef de groupe, l’avocat Sébastien Desfayes, le Centre a écrit officiellement aux plus hautes instances parlementaires, à savoir le Bureau du Grand Conseil genevois.

D’une part, la lettre dénonce le comportement jugé inacceptable d’un conseiller d’Etat envers des parlementaires. D’autre part, elle exige une rencontre entre le Bureau, les chefs de groupe parlementaires et la présidence du Conseil d’Etat au sens large, à savoir son président Antonio Hodgers et sa vice-présidente Nathalie Fontanet, pour un recadrage. Contactée par la RTS, cette dernière affirme par la voix de son porte-parole avoir reçu copie de la missive, mais n’est "pas en mesure de donner d'autres informations à ce stade".

Bureau saisi

La présidente du parlement cantonal, elle, "confirme avoir reçu le courrier du parti du Centre. Le Bureau du Grand Conseil est désormais saisi de la question et le dossier suit son cours." Céline Zuber-Roy poursuit: "De manière générale et sans préjuger de ce qui s’est réellement passé le 21 septembre, le Bureau tient à souligner que toute menace faite à une députée ou un député, qui viserait à changer son vote autrement que par des arguments liés au sujet en question, est inacceptable."

"C’est un vrai problème institutionnel", concède pour sa part le socialiste Alberto Velasco, premier vice-président du Grand Conseil. Pour ce qui est du Centre, aucun de ses membres n’a souhaité répondre aux questions de la RTS, tous souhaitant privilégier une approche institutionnelle de l’affaire.

Antonio Hodgers réfute

Qu’en pense le principal intéressé? Est-il allé trop loin il y a dix jours? Sa réponse est négative. "Monsieur Hodgers conteste l’appréciation qui est faite par le parti en question; appréciation qu’il juge partielle et partiale", répond Pauline de Salis, porte-parole du département du territoire. "Il s’agissait de propos tenus dans le cadre d’échanges interpersonnels sur les conséquences politiques du vote, qui ne peuvent en aucun cas s’apparenter à des menaces."

Elle précise que le magistrat "a été informé du courrier adressé par le parti concerné à la présidence du Grand Conseil. Il a proposé aux protagonistes de cette affaire de se rencontrer pour en discuter. Ces derniers n’ont, à ce jour, pas répondu. Quoi qu’il en soit, le Bureau du Grand Conseil n’a aucune compétence de remise à l’ordre d’un conseiller d’Etat en vertu de la séparation des pouvoirs".

Raphaël Leroy, Pôle enquête de la RTS

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