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Les communes genevoises vendent leurs places de crèche à de grosses entreprises

Des places dans les crèches publiques de certaines communes du canton de Genève sont réservées par des entreprises privées
Des places dans les crèches publiques de certaines communes du canton de Genève sont réservées par des entreprises privées / 19h30 / 2 min. / le 25 octobre 2023
Jusqu'à la moitié des places d'une crèche publique peuvent être réservées par des entreprises, montre une enquête de la RTS. La pratique est légale mais interpelle, surtout à Genève, où le manque de places est criant.

Trouver une place de crèche peut être est un véritable chemin de croix pour les parents genevois, comme Simon*, qui ne décolère pas. Son enfant est sur la liste d’attente de Lancy pour une place, comme 450 autres. En remplissant un formulaire, il a découvert une case qui lui demandait s’il était employé de Procter & Gamble, une multinationale américaine.

Dans plusieurs communes de Genève, certaines crèches publiques ont en effet une liste d'attente parallèle avec des places réservées aux employés de ces entreprises, et ce même si les parents n'habitent pas la commune.

"On se demande pourquoi on ne peut pas avoir la priorité en étant habitant et contribuable de la commune, réagit Simon. Ça sème l'incompréhension et un peu d’énervement, forcément."

A Lancy, 56 places sont réservées pour Procter & Gamble, soit environ 10% de l’offre de la commune. Cet accord rapporte à la ville près de 400'000 francs par année.

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A Genève, des entreprises paient pour obtenir des places dans les crèches
A Genève, des entreprises paient pour obtenir des places dans les crèches / Forum / 2 min. / le 25 octobre 2023

Une pratique répandue

La RTS a analysé sept communes genevoises qui rassemblent une importante population et de grandes entreprises. Elle a découvert que le cas de Lancy n’est pas unique. Parfois, les entreprises ont presque la moitié des places d'une crèche publique qui leur sont réservées. C'est le cas des Services Industriels de Genève (SIG) dans la crèche des Libellules, à Vernier, deuxième plus grande ville du canton. Cela représente presque 15% de l’entier des places de crèche de la commune. A Meyrin, ce sont 6% des places qui sont réservées.

En ville de Genève, le procédé reste marginal. Moins de un pour cent des places sont attribuées à des entités comme les Hôpitaux Universitaires Genevois, l’EPFL ou encore la RTS.

Qui paie quoi?

Les parents des enfants concernés continuent de payer une part du coût de la place en crèche. Les entreprises, elles, financent une partie de l'enveloppe habituellement prise en charge par la commune. Le montant varie selon les cas. Les SIG paient 38'000 francs à Vernier par an et par place, soit l'entier de la part communale.

A Lancy, Procter et Gamble met 7000 francs par place et le CERN 6000 francs à Meyrin. Le reste de l'enveloppe est payé par l'argent public.

Certaines communes n'ont toutefois pas ce genre de partenariat, comme Carouge. "L’écart entre les besoins et l’offre continue à s’agrandir", explique François Berthoud, responsable du Service des affaires sociales. "Ça serait a priori incompréhensible pour la population qu’on soustraie des places pour favoriser telle ou telle entreprise".

Accord remis en question

Pourquoi certaines communes ont-elles accepté ces partenariats? A Vernier, les SIG ont financé l'entier du bâtiment de la crèche et louent les locaux à la Ville. "Cette construction était une opportunité unique de créer des places pour notre population", a expliqué Martin Staub, conseiller administratif de Vernier. "Sans les SIG, aucune de ces places supplémentaires n'aurait alors vu le jour", défend-il encore.

A Lancy, la convention signée avec Procter et Gamble est un accord historique remontant à 2003. Comme ailleurs, l'entreprise a financé une partie de la construction de crèches, en échange de places réservées.

La magistrate en charge du social Salima Moyard souligne que la multinationale est une source importante de rentrées fiscales, qui permettent notamment de construire de nouvelles crèches. La socialiste admet tout de même avoir été surprise par cet accord lors de son entrée en fonction, au point qu'elle en a vérifié la légalité.

Ces conventions se font au cas par cas. Celle de Lancy court jusqu'à 2030. Salima Moyard assure que si elle est encore en place à ce moment-là, ce partenariat sera renégocié, voire supprimé.

Un tel changement rassurerait certains parents, comme Simon. Face à la pénurie de places, il estime que les sociétés privées devraient uniquement signer ces accords avec des crèches privées.

Camille Rivollet et Anouk Pernet

*prénom d'emprunt

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