Modifié

A Genève, une famille de milliardaires accusée de payer ses employés au lance-pierre

La lune se lève sur Cologny (GE), sur les rives du lac Léman, le 10 décembre 2019. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
Le procès de la famille Hinduja pour traite d’êtres humains aura lieu en janvier / La Matinale / 4 min. / le 27 novembre 2023
Quatre membres de la famille Hinduja, tous présumés innocents, seront jugés le 15 janvier pour traite d'êtres humains. Alors que le Tribunal fédéral dénonce leurs "manœuvres dilatoires", le Pôle Enquête de la RTS dévoile le contenu du dossier pénal.

Nous sommes le 12 avril 2018, il est 8h du matin. La police cantonale genevoise et la procureure Gaëlle van Hove débarquent au domicile de la famille Hinduja, à Cologny, une des communes les plus huppées du canton. Ils tombent sur le fils, Ajay, alors âgé de 50 ans, qui est en train de quitter le domicile familial, une maison de 400 mètres carrés avec un jardin de 2000 mètres carrés.

Lors de l'intervention policière, le père, Prakash, alors 72 ans, et la mère, Kamal, alors 69 ans, font un malaise. Ils sont escortés aux Hôpitaux universitaires de Genève avant d'être conduits au poste de police.

Ce jour-là, les inspecteurs auditionnent quatre membres de la famille, le père, la mère, le fils et la belle-fille, tous soupçonnés de traite d'êtres humains. Les faits reprochés sont résumés dans les procès-verbaux d'audition: "A tout le moins depuis l'année 2009, avoir organisé la venue à Genève et employé plusieurs domestiques étrangers dépourvus d'autorisation de travail ou de permis de séjour, les avoir confinés au domicile, les avoir rémunérés de façon lapidaire, en les faisant travailler tous les jours, sans jour de congé et avec des vacances imposées, non payées, voire aucune vacances du tout, en conservant leurs passeports et en les empêchant de quitter le domicile."

La police genevoise sait que le dossier est sensible. La famille Hinduja, ce n'est pas n'importe qui. En 2018, ce sont quatre frères, dont Prakash, à la tête d'un conglomérat indien présent notamment dans la banque, la finance, la mobilité, l'énergie, les médias et la santé. Le groupe est établi dans une quarantaine de pays et emploie environ 200'000 personnes.

Il s'affiche avec Elizabeth II et le Dalaï-lama

Selon le Sunday Times, la famille est la plus riche du Royaume-Uni, elle pèserait près de 39 milliards de francs. Pour le magazine Bilan, qui se concentre sur la Suisse, la famille a une fortune comprise entre 7 et 8 milliards de francs.

Prakash, président du groupe Hinduja en Europe, côtoie les grands de ce monde. Il a ses entrées au Forum de Davos ou au Festival de Cannes. Il s'est notamment affiché avec la reine Elizabeth II, le roi Juan Carlos et le Dalaï-lama. Plus récemment, en septembre 2023, avec la princesse Anne.

Mais en avril 2018, ce sont deux inspecteurs qui sont en face de ce ressortissant indien et suisse. Ils enquêtent alors depuis six mois, tuyautés par "une source sûre et confidentielle" dont le nom ne figure pas au dossier. Les agents ont même obtenu le feu vert de la procureure et du Tribunal des mesures de contrainte pour cacher des caméras de surveillance dans le jardin et à proximité de la maison de Cologny.

Trois semaines avant la perquisition du 12 avril, ils avaient déjà recueilli le témoignage d'une ancienne employée. Il s'agit de la première plaignante.

Le Pôle Enquête de la RTS a eu accès à sa déposition ainsi qu'à des centaines de pages figurant au dossier pénal, comprenant notamment l'acte d'accusation, les déclarations de toutes les parties plaignantes et des quatre prévenus, tous présumés innocents. Des documents inédits sur une affaire évoquée à ce jour principalement par le média en ligne Gotham City, à l'exception d'un article publié dans Le Temps en 2018.

Je travaillais tous les jours, sans congé, de 8h à 23h, voire plus tard si la famille organisait des réceptions

La première plaignante

Devant les enquêteurs, la première plaignante, une Indienne de 50 ans issue d'une famille pauvre, raconte avoir travaillé pour les Hinduja de 2008 à 2016, d'abord en Inde, pendant quatre mois, puis à Genève. "Je travaillais tous les jours, sans congé, de 8h à 23h, voire plus tard si la famille organisait des réceptions", dit-elle. Son salaire? 150 francs par mois.

La plaignante vivait dans la maison familiale, à Cologny. Jusqu'en 2011, elle était logée dans un abri antiatomique sans fenêtre au sous-sol de la villa. "Quand Monsieur Hinduja n'était pas là, il m'arrivait de dormir sur une sorte de duvet dans le couloir à proximité de la chambre de Madame Hinduja, car celle-ci a des problèmes cardiaques", confie-t-elle à la police.

Pour la nourriture, explique-t-elle, c'est Madame Hinduja qui faisait les commissions et décidait ce que les employés mangeaient. "On ne prenait pas le même thé que la famille, ni le même riz. Pour nous, c'était moins cher (…) Les repas ont toujours été à peu près les mêmes, du riz, du thé, des lentilles. Les repas étaient rationnés au début, mais le cuisinier était gentil et souvent il nous en donnait un peu plus qu'il n'était convenu."

A l'entendre, elle n'était pas libre de ses mouvements, et les autres employés non plus. "Madame Hinduja gardait nos passeports. Elle me disait que si nous sortions, on pourrait se faire attraper par la police et que je pourrais avoir des problèmes (…) Je faisais confiance à ce qu'elle disait, car elle savait."

En novembre 2016, la plaignante décide d'arrêter de travailler pour la famille sans rien dire à personne. Elle choisit le jour où le chauffeur l'accompagne à l'aéroport pour qu'elle retourne en Inde pour les vacances. "J'ai fait semblant de me diriger pour prendre l'avion. Une fois le chauffeur parti, je suis sortie de l'aéroport et je me suis réfugiée chez mon amie."

Six plaintes pénales déposées

Le témoignage de cette femme n'est pas isolé. C'est ce qui ressort de l'acte d'accusation dressé par le premier procureur Yves Bertossa, qui a repris le dossier après le départ du Ministère public de la procureure van Hove. Dans ce document qui énumère les actes reprochés aux quatre prévenus (le père, la mère, le fils et la belle-fille), on découvre que six employés ont porté plainte, mais que trois d'entre eux ont fait marche arrière, une décision liée à un accord financier trouvé avec la famille.

Pour Yves Bertossa, pendant quelque vingt ans, la famille a recruté "plusieurs dizaines de ressortissants étrangers, principalement indiens et souvent illettrés, vulnérables du point de vue de leur situation socio-économique précaire" en tant qu'employés de maison. Le magistrat évoque, lui aussi, des employés logés pendant une quinzaine d'années dans l'abri antiatomique, dormant dans des lits superposés. "En 2011, un nouvel espace dévolu aux employés au sous-sol de la villa, comprenant deux chambres à coucher avec des lits superposés, a été construit", écrit Yves Bertossa.

Le procureur décrit des employés travaillant "des aurores jusqu'à tard le soir ou dans la nuit, sans jour de congé, sans compensation des heures supplémentaires, avec des vacances imposées et non payées (…), un salaire disproportionnellement bas, soit plus de dix fois inférieur à celui prévu dans le contrat-type de travail".

Pour lui, la famille "a exploité la situation de dépendance et de déracinement complet dans laquelle vivaient ces employés de maison étrangers en Suisse". Elle a agi "de manière professionnelle, c'est-à-dire de façon répétée et systématique, en raison du temps et des moyens consacrés à son activité délictueuse".

Nous dormions dans l'abri antiatomique. Il y avait une petite paroi vitrée qui laissait entrer un peu de lumière. Il faisait extrêmement froid sur place

La deuxième plaignante

La deuxième plaignante était employée par la famille Hinduja lorsque la police est intervenue en avril 2018. Cette Indienne de 58 ans, déscolarisée à l'âge de 9 ans, a travaillé pour elle pendant près de vingt ans. Devant les enquêteurs, elle raconte ses journées de travail de 7h du matin à 23h30, sept jours sur sept, les repas, les lessives, le repassage, le ménage, les biberons et les douches pour les jumelles de la belle-fille. "Il y avait toujours quelque chose à faire." Le tout, pour un salaire de 500 francs par mois au maximum.

Entre 1997 et 2011, elle dort dans l'abri antiatomique. "Dans cet abri, il y avait une petite paroi vitrée qui laissait entrer un peu de lumière. Il n'était alimenté en air qu'au moyen d'une ventilation et il faisait extrêmement froid sur place. Nous avions un tout petit chauffage électrique. Nous dormions à quatre dans la même pièce, sur des lits superposés."

En 2012, elle commence à avoir des problèmes physiques, "probablement à cause de l'immense charge de travail (…) Il est apparu que j'avais une déchirure d'un ligament ou d'un tendon situé au niveau de mon genou droit, ce qui nécessitait une opération."

Mais à la croire, elle n'a pas pu arrêter de travailler pour autant. "J'ai eu le droit d'utiliser des médicaments antidouleurs et j'ai été autorisée à utiliser l'ascenseur de la villa (…) Mon activité n'a pas été diminuée. J'ai juste été exemptée de la promenade du chien."

Selon la plaignante, la belle-fille "savait pertinemment" qu'elle souffrait, mais elle lui aurait dit d'attendre quatre mois, le temps d'aller en Inde. "Une fois dans ce pays, je me suis rendue à l'Hinduja Hospital, qui, comme son nom l'indique, appartient à la famille de mes employeurs (…) J'ai demandé à la belle-fille si elle pouvait prendre en charge mes frais médicaux étant donné que mes blessures étaient dues à la surcharge de travail qu'elle m'imposait. Elle a catégoriquement refusé."

Ils pouvaient disposer de moi quand ils le désiraient, même en dehors des horaires que je viens d'indiquer

Le troisième plaignant

Le troisième plaignant travaillait lui aussi pour les prévenus lors de la descente de police d'avril 2018. Agé de 44 ans, il avait déjà été leur employé une première fois entre 2008 et 2010 avant de reprendre du service début 2017. Devant la police, il explique gagner moins de 500 francs par mois pour quelque quatorze heures de travail par jour, sept jours sur sept. "Etant donné que je vivais chez eux, ils pouvaient disposer de moi quand ils le désiraient, même en dehors des horaires que je viens d'indiquer", dit-il.

Après avoir été entendu par la police, l'employé est interrogé par la procureure. Exceptionnellement, l'audition est filmée et se déroule en l'absence des prévenus pour éviter toute pression. Le plaignant énumère ses nombreuses tâches à accomplir, notamment couper les fruits, nettoyer les pierres blanches, nettoyer l'endroit de prière du père, faire la lessive à la main, arroser le jardin, descendre les stores dans plusieurs pièces "pour ne pas abîmer les tapis par le soleil. Le bouton des stores doit être dans une certaine position. C'est impératif."

La procureure lui demande si c'est plus "relax" lorsque les membres de la famille ne sont pas à la maison. "Nous n'avons plus la peur sur nos têtes quand ils ne sont pas là. Mais il y a toujours du travail."

Les trois plaignants devaient faire face à leur ancien employeur fin novembre devant le Tribunal correctionnel de Genève. Mais le procès a été reporté. Il doit avoir lieu le 15 janvier 2024. A eux trois, les anciens employés réclament quelque 5,3 millions de francs au titre de dommages et tort moral.

Contactés, leurs avocats, Mes Lorella Bertani, Eve Dolon et Olivier Peter ne souhaitent pas s'exprimer.

Les prévenus contestent les reproches de traite d'êtres humains

Du côté de la défense, on assure que les prévenus sont poursuivis à tort. C'est en substance le message des quatre avocats des membres de la famille Hinduja renvoyés en jugement. "Nos clients contestent les accusations portées contre eux. Ils attendent sereinement la suite de la procédure et réservent leurs arguments aux autorités judiciaires compétentes", répond par courriel Me Romain Jordan, qui s'exprime également au nom de Mes Yaël Hayat, Robert Assaël et Nicolas Jeandin.

Pour mieux connaître la position des prévenus, il faut se plonger dans le dossier pénal. Le 12 avril 2018, jour de la perquisition dans la maison familiale et de leur arrestation, ils sont tous entendus par la police. Prakash, le père, dit ignorer le salaire des employés. "Mais je tiens à préciser que nous sommes très gentils avec les personnes qui travaillent pour nous. Certains employés sont à notre service depuis vingt, trente ou quarante ans", explique-t-il aux inspecteurs. "Nous leur accordons également des bonus. Nous payons leurs vêtements, leurs assurances, leur logement, leur nourriture ainsi que les frais liés à leurs déplacements." Sur les conditions d'hébergement, il n'y a rien à redire, selon lui. "Nos employés ont en général leur propre chambre et toutes les commodités nécessaires."

Ils prennent une pause avec un goûter

Kamal Hinduja, la mère

Kamal, la mère, ne connaît pas non plus "les conditions d'engagement exactes" des employés. Mais sur les horaires de travail, à l'entendre, on est bien loin des quinze heures par jour décrites par les plaignants. "Ils sortent de leur chambre vers 8h, prennent leur petit-déjeuner et commencent le travail vers 9h. Vers 11h30, ils prennent une pause avec un goûter. Sachant que je mange vers 13h-13h30, ils mangent parfois en même temps que moi selon ce qui est cuisiné. Puis ils font la sieste pendant deux heures ou prennent une pause pour faire ce qu'ils veulent. Nous dînons le soir vers 20h-20h30 et leur travail se termine vers 22h-22h30", détaille-t-elle devant les policiers.

Il faut être idiot pour croire ces gens

Ajay Hinduja, le fils

La mère assure que les employés peuvent sortir de la maison quand ils le souhaitent. Si elle garde leurs passeports, dit-elle, c'est pour éviter qu'ils ne les perdent. "Ces passeports sont normalement mis dans un de mes tiroirs et ils y ont accès. Je leur dis de les prendre quand ils sortent pour pouvoir se légitimer en cas de contrôle."

Après avoir été entendus par la police, les prévenus sont interrogés par la procureure van Hove le lendemain dès 10h du matin. Une fois de plus, ils contestent les faits reprochés, notamment payer les employés au lance-pierre, soit moins de 500 francs par mois. "A ma connaissance, ils ont de bien meilleures conditions", dit le fils. "Ils sont nourris, logés, ont leur propre salle de bain et une chambre. Ils perçoivent des bonus pour le Nouvel-An indien et à chaque anniversaire d'un membre de la famille." Quelques semaines plus tard, il ajoutera qu'"il faut être idiot pour croire ces gens qui disent travailler sept jours sur sept de 6h30 à 23h".

En milieu d'après-midi, ce 13 avril 2018, le ton semble se durcir. La procureure informe les prévenus qu'elle entend demander leur détention provisoire en raison du risque de fuite et de collusion. Plus tard dans la journée, après avoir discuté avec leurs avocats, les membres de la famille admettent n'avoir pas fait tout juste. "Nous reconnaissons avoir violé les conditions de travail et de salaire fixées par le contrat type de travail de l'économie domestique. Nous reconnaissons n'avoir acquitté aucune charge sociale en Suisse, ni n'avoir obtenu aucune autorisation de séjour, ni d'autorisation de travail au regard du droit suisse. Conscients de nos manquements, nous acceptons qu'un montant de 25'000 francs soit versé à chacune des parties plaignantes à titre d'avance sur le montant transactionnel et sur l'indemnité pour les frais de procédure."

Condamnés dans le passé

En matière de manquements, le père et la mère n'en sont pas à leur coup d'essai. En juillet 2007, ils ont été reconnus coupables tous les deux d'infractions à la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, Loi fédérale sur l'AVS, Loi cantonale genevoise sur l'impôt à la source ainsi que Loi cantonale genevoise sur les allocations familiales. Cela leur a valu une amende de 10'000 francs pour avoir notamment employé au noir plusieurs ressortissants indiens et d'Amérique du Sud payés entre 300 francs et 1200 francs par mois.

Un an plus tard, en octobre 2008, ils ont été condamnés par la juridiction des prud'hommes à verser 55'000 francs à un Péruvien qui avait travaillé pour eux pendant deux ans et demi.

Les cheveux dans l'assiette

Depuis le 13 avril 2018 et le premier interrogatoire devant la procureure, le père et la mère n'ont pas assisté aux plus de dix audiences d'instruction qui ont eu lieu, à une exception près. C'était le 16 novembre 2018. Mais ce jour-là, ils exercent leur droit au silence devant une magistrate qui leur pose environ 90 questions. Dont celle-ci: "Dans sa déclaration, l'employé R. explique qu'il n'a pu aller que deux fois chez le coiffeur en dix mois, que ses cheveux devenaient si longs qu'ils tombaient dans les assiettes, mais que bien qu'il l'ait demandé de nombreuses fois, il n'a pas pu les faire couper plus souvent. Qu'en est-il?"

Une question restée sans réponse.

Fabiano Citroni, Pôle Enquête RTS

Publié Modifié

La famille tente sans succès d’écarter les juges

C’est l’histoire dans l’histoire. La procédure pénale ouverte à l’encontre de la famille Hinduja a donné lieu et donne encore lieu à de nombreuses démarches des prévenus pour contester des décisions du Ministère public ou du Tribunal correctionnel. Dans un arrêt publié cet automne, le Tribunal fédéral (TF) les accuse de jouer la montre pour retarder la tenue du procès.

L’arrêt en question porte sur une demande des prévenus de retrancher certaines pièces du dossier. "Les recourants auraient eu tout loisir de formuler les requêtes litigieuses durant l’instruction, de sorte que leur procédé consistant à formuler de telles demandes au moment de l’avis de prochaine clôture paraît avoir été utilisé à des fins dilatoires et semble avoir pour conséquence de retarder inutilement la procédure", écrit le TF.

Pour lui, "force est de constater que le procédé utilisé dans le cas d’espèce est manifestement contraire au principe de la bonne foi en procédure, les manœuvres dilatoires de cette sorte étant, selon la jurisprudence, inadmissibles et n’appelant aucune protection".

Confrontés à ces mots très durs du TF, les avocats de la famille contestent vouloir retarder le procès. "Nos clients dénoncent inlassablement les nombreuses irrégularités qui entachent la procédure. Qu’il s’agisse de pièces du dossier tronquées, de refus d’accès au dossier, de refus d’interrogatoires des parties plaignantes ou de tentatives d’évincer les avocats, pour ne citer que quelques exemples, les droits de la défense ont été violés à de multiples reprises tant par le Ministère public que par le Tribunal correctionnel. Nos clients demandent simplement à être traités de manière équitable. Ce combat est légitime et ne s’apparente en rien à des manœuvres dilatoires", répond Me Romain Jordan, qui s’exprime aussi au nom de Mes Yaël Hayat, Robert Assaël et Nicolas Jeandin.

Les droits de la défense ont-ils été "violés à de multiples reprises" comme l’affirment les avocats? Les chiffres ne le démontrent pas. Selon les calculs du Pôle Enquête de la RTS, sur les 28 demandes, requêtes et recours des prévenus, 2 seulement ont été couronnés de succès devant la Cour de justice genevoise et le Tribunal fédéral.

Les demandes de récusation

Le chiffre est impressionnant. Selon notre décompte, les prévenus ont déposé 15 demandes de récusation: 4 contre des procureures qui ont instruit le dossier, 1 contre des policiers qui ont enquêté sur l’affaire, et 10 contre les juges du Tribunal correctionnel qui doivent statuer sur leur cas.

Dans leurs écrits, les membres de la famille dénoncent  "une justice TGV", le "déluge" de convocations, l’acharnement "obsessionnel" et "plus que suspect" du Tribunal correctionnel, mais aussi l’image "sombre et défavorable" que la présidente du Tribunal aurait d’eux-mêmes.

Sur ces 15 demandes, 11 ont été rejetées par la Cour de justice genevoise et le Tribunal fédéral, et 4 déclarées irrecevables.

Les décisions rendues (en lien avec les demandes de récusation):

7B_937/2023

ACPR/831/2023

ACPR/955/2023

ACPR/956/2023

7B_677/2023

ACPR/701/2023

ACPR/878/2023

ACPR/849/2023

ACPR/847/2023

ACPR/833/2023

ACPR/830/2023

1B_196/2023

1B_283/2022

ACPR/304/2022

ACPR/186/2019

ACPR/184/2019

ACPR/183/2019

Les recours contre des décisions du Ministère public et du Tribunal correctionnel

Selon nos calculs, la famille s’est opposée à 5 décisions du Tribunal correctionnel et 8 du Ministère public. Elle réclamait entre autres un complément d’instruction conséquent, le retrait de certaines pièces du dossier, de nouvelles auditions des parties plaignantes, la pose de scellés sur des déclarations fiscales et la levée de séquestres. Des demandes rejetées ou déclarées irrecevables par la Cour de justice genevoise et le Tribunal fédéral.

Sur ses 13 recours, la famille a toutefois obtenu deux succès importants. D’abord sur la question des caméras cachées dans son jardin et à proximité de sa maison de Cologny. Elle souhaitait que toute la surveillance secrète soit déclarée illicite. La Cour de justice genevoise et le Tribunal fédéral n’ont pas accédé à cette requête. Pour eux, la surveillance opérée avant la perquisition du domicile familial du 12 avril 2018 était justifiée, mais celle opérée après ne l’était pas. Ils ont donc ordonné la destruction des images prises lors des sept mois qui ont suivi la perquisition.

Plus récemment, le 25 octobre 2023, la Cour de justice, saisie par la famille, a cassé une décision de la présidente du Tribunal correctionnel. Cette dernière avait interdit à l’avocat Nicolas Jeandin de défendre le père. Le motif: Me Jeandin est le cobailleur du logement dans lequel vit une des juges amenées à siéger. Mais pour la Cour de justice, ce n’est pas un problème.

Les décisions rendues (en lien avec les recours contre des décisions du MP et du Tribunal correctionnel):

7B_655/2023

ACPR/700/2023

ACPR/832/2023

ACPR/834/2023

ACPR/665/2023

7B 166/2023

ACPR/396/2023

1B_282/2022

ACPR/303/2022

1B_426/2022

1B_682/2021

ACPR/778/2021

ACPR/292/2019

ACPR/291/2019

ACPR/248/2019