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Romuald, patient genevois guéri du VIH: "Je suis sûr qu'il y aura bientôt plein de personnes comme moi"

La sixième personne en rémission mondiale du virus du SIDA est Genevoise (vidéo)
La sixième personne en rémission mondiale du virus du SIDA est Genevoise (vidéo) / La Matinale / 5 min. / le 29 novembre 2023
Sixième personne au monde à être en rémission du virus du sida, Romuald a choisi de sortir de l'anonymat. Dans La Matinale de la RTS, il revient sur son parcours, dont il veut en faire un symbole d'espoir pour les personnes atteintes du VIH.

"Je suis, sans prétention aucune, la preuve vivante qu'il y a quelque chose qui se passe. Et je suis certain que bientôt, des personnes comme moi, il y en aura plein".

L'histoire de Romuald est porteuse d'espoir. Mais elle a été semée d'embûches. Tout commence en 1990, alors que Romuald a 18 ans. Il est lancé dans une carrière de mannequin. Après un gros coup de fatigue, il découvre qu'il est séropositif, à une époque où cela signifie bien souvent la mort.

Je voyais cela un peu comme une cohabitation avec le virus

Romuald

Parallèlement, Romuald développe une maladie des yeux, sans lien avec sa séropositivité. Il perd petit à petit la vue. Il estime malgré tout avoir de la chance: les traitements du VIH arrivent et rendent le virus indétectable dans son organisme. Il ne souffre pas non plus d’effets secondaires, ce qui n'est pas le cas de tout le monde.

"Je voyais cela un peu comme une cohabitation avec le virus. Moi il ne m'embêtait pas, donc moi je ne le dérangeais pas. On lui donnait le traitement, ce qu'on appelle une trithérapie. Je voyais les choses comme ça."

"La pire période de ma vie"

Toutefois, en 2018, la situation de Romuald se détériore. Des boules apparaissent dans son cou. Il est alors diagnostiqué d'une leucémie très rare. Avec son VIH, le pronostic est mauvais.

"Il y a toujours beaucoup de souvenirs qui remontent: la chambre stérile, les gens qui viennent me visiter masqués, je devais faire attention à tout. Et je me suis retrouvé tout seul dans cette chambre avec mon handicap. C'était la pire période de ma vie."

Les médecins trouvent un donneur de moelle osseuse compatible. Le but est de traiter la leucémie, mais les espoirs sont là: et si cela agissait aussi sur le VIH? Car les cinq patients déjà considérés comme guéris dans le monde ont en effet bénéficié d'une greffe de moelle osseuse. Il s'agit d'une greffe particulière, issue de donneurs avec une mutation génétique qui rend les cellules naturellement résistantes au virus.

Arrêt du traitement

Mais le donneur de Romuald n'a pas cette mutation. La déception est grande. Pourtant, c’est la surprise: dans son organisme, le nombre de cellules portant le VIH chute. "Personne n'a compris comment c'est arrivé. Malgré le fait qu’il n’y avait pas cette mutation, ça a fonctionné. Et quand on m'a dit ça, c'était fabuleux. Il n'y a pas de mot pour le définir. J'y pense encore. Je trouve ça étonnant."

"Tous les mois on fait une prise de sang pour se rendre compte qu'il n'est plus là. Mais j'ai parfois du mal à y croire. J'ai pris ce traitement depuis trente ans, donc je me dis que ce n'est pas possible."

J'ai décidé d'arrêter le traitement pour pouvoir continuer à voir si le virus ne revenait pas

Romuald

En novembre 2021, les médecins lui disent qu'il peut arrêter sa trithérapie contre le VIH. Pour Romuald, le saut n'est pas facile à faire. "J'ai peur, le traitement m'a toujours protégé. Et du jour au lendemain, on me dit que je peux arrêter. Parce que j'avais le choix de le faire ou non. J'aurais pu rester dans ma zone de confort en restant avec mon traitement."

"Mais sans même penser à moi, j'ai décidé d'arrêter le traitement pour pouvoir continuer à voir si le virus ne revenait pas. Et c'est vraiment ce qui m'importait beaucoup, quitte à mettre ma santé en danger. (...) J'ai pensé à toutes les personnes touchées par le VIH. Je l'ai aussi fait pour la recherche."

Deux ans sans traitement

Romuald compte continuer de travailler main dans la main avec l'équipe de recherche. Aujourd'hui, deux ans après l'arrêt du traitement, il n'y a toujours pas de trace du VIH dans son organisme. Les scientifiques étudient plusieurs hypothèses pour expliquer ce cas unique et très particulier. Avec l’espoir qu’un jour, d’autres patients puissent bénéficier d’un nouveau traitement. Le cas de Romuald fera l’objet d’une publication scientifique, qui devrait paraître dans les prochains mois.

Je ne serais pas là s'il y avait eu tous ces gens à mes côtés. A mon tour, je leur dois d'être là

Romuald

Pour Romuald, être le "patient de Genève" – le nom utilisé par les scientifiques pour parler de son cas - est devenu une sorte de métier, avec de lourdes responsabilités. "Ce n'est pas que moi, c'est un travail d'équipe. Il y a tous les docteurs, les infirmiers..."

"Je ne serais pas là s'il y n'avait pas eu tous ces gens à côté. Mes amis, les gens que j'aime, tout ça ensemble a fait que je suis là aujourd'hui. Je leur dois beaucoup. Voilà pourquoi à mon tour, je leur dois d'être là."

>> Le reportage du 19h30 :

Le sixième patient au monde guéri du VIH au monde sort du silence.
Le sixième patient au monde guéri du VIH au monde sort du silence. / 19h30 / 3 min. / le 1 décembre 2023

Propos recueillis par Anouk Pernet et Camille Rivollet/asch

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