Le canton, qui a très rapidement mis en vigueur ce salaire minimum après son acceptation dans les urnes en septembre 2020, a demandé dans la foulée une évaluation scientifique de ce nouveau dispositif.
"Les premiers résultats présentés aujourd’hui se basent sur l’analyse des données agrégées du chômage de mai 2018 à avril 2023", a indiqué José Ramirez, professeur à la HEG Genève. L'étude a été réalisée par une équipe de l'Université de Genève et de la Haute école de gestion.
L'analyse statistique est fondée sur une comparaison de Genève avec les cantons qui n'ont pas de salaire minimum. La conclusion est claire: il n'y a aucun impact détectable sur le taux de chômage général. Davide De Filippo, président de la Commuauté genevoise d'action syndicale n'est pas surpris: "C'est une très bonne nouvelle pour nous par rapport aux craintes exprimées pendant la campagne", a-t-il déclaré devant la presse.
Du côté des opposants de l'époque, Pierre-Alain L'Hôte, président de l'Union des associations patronales genevoise, a relevé jeudi que "les risques ne sont pas tous levés". Il faudra affiner l'analyse, secteur par secteur, a-t-il ajouté.
Offre de stages en péril?
Invité jeudi dans l'émission Forum, Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève, qui s'était fermement opposé à cette mesure, soutient ne pas "s'être alarmé pour rien".
Il attire également l'attention sur d'autres conclusions du rapport. "Le salaire minimum a induit une augmentation de chômage chez les jeunes et les personnes ayant un fiable niveau de formation. C'est ici que le bât blaisse. Plutôt que de combattre le salaire minimum, il faut soutenir le fait que celui-ci ne correspond pas à l'ADN helvétique", plaide-t-il.
Vincent Subilia dit également craindre que le salaire minimum diminue l'offre de stage proposée par les entreprises. "Lorsqu'un patron a le choix entre embaucher, au même salaire imposé, un jeune non formé ou une personne plus qualifiée, son choix se portera sur la seconde personne".
Léger effet chez les 18-25 ans
Comme indiqué plus haut, l'étude montre que le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans semble être légèrement supérieur (+0,6 point) à ce qu'il aurait été sans l'introduction du salaire minimum.
Les jeunes pousses du monde du travail "commencent au bas de l'échelle". Sans surprise, ils sont donc directement concernés par le salaire minimum, note le professeur José Ramirez, un des auteurs de l'étude, interrogé dans le 12h30. Ils entrent sur le marché du travail et ont ainsi plus de difficulté à être recrutés que les personnes expérimentées. Probablement que les entreprises, elles aussi, "décident de freiner l'embauche" de ces derniers, ajoute le spécialiste.
L'étude montre aussi que le salaire minimum a été bien assimilé dans le canton, non seulement de la part des entreprises mais aussi de la part des jeunes. Selon un sondage réalisé pour ce rapport, 88,1% des jeunes connaissent l'existence du salaire minimum légal. Et plus des deux-tiers de ces jeunes peuvent citer le montant horaire, au franc près.
Attaques à Berne
Ces premiers résultats ont été présentés alors qu'au niveau fédéral le Parlement s'attaque aux salaires minimaux en voulant faire primer les conventions collectives nationales sur les dispositions cantonales. "Le Conseil d'Etat est attaché à défendre le résultat la votation populaire: pas question de revenir en arrière sur la défense du salaire minimum", a insisté la conseillère d'Etat Delphine Bachmann.
L'élue du Centre a toutefois évoqué des adaptations potentielles du dispositif, sans le remettre en question. Il s'agit notamment de trouver des solutions pour les stages des jeunes et les stages de réinsertion.
Minimum 24 francs
Fixé à 23 francs de l’heure lors de son introduction en 2020, le salaire est indexé chaque année au coût de la vie. Il s’élève à 24 francs de l’heure en 2023 et passera à 24,32 francs au 1er janvier 2024, soit un salaire mensuel brut de 4'426,24 francs pour 42 heures par semaine.
Il n'existe pour l'heure pas de données sur le nombre de personnes qui ont vu leur salaire augmenter suite à l'introduction du salaire minimum. Des estimations peuvent être faites sur la base des chiffres de 2018: 6,2% des salariés étaient en dessous du seuil, soit environ 20'000 personnes. Les secteurs de la coiffure, des soins de beauté, de la restauration, de l'hébergement et du nettoyage étaient les principaux concernés.
doe/hkr avec l'ats