Poursuivis pour traite d'êtres humains, deux milliardaires ne se présentent pas devant les juges à Genève
C’est ce qui s’appelle un faux départ. Très attendu, le procès des quatre milliardaires indo-suisses (père, mère, fils, belle-fille) s’est ouvert à 9h au Palais de Justice de Genève, mais il a été interrompu en fin de matinée par les juges du Tribunal correctionnel. Il reprendra mercredi 17 janvier à 8h30.
Que s’est-il passé ? Il manquait deux prévenus (le père et la mère) et deux avocats (celui du père et de la belle-fille) à l’ouverture des débats. Quatre absents qui ont présenté un certificat médical attestant qu’ils n’étaient pas en état d’assister au procès.
Ces absences ont provoqué un tollé dans les rangs du Ministère public et des parties plaignantes. Pour faire simple, et même si le terme n’a pas été employé, tous soupçonnent des excuses bidon pour retarder la tenue du procès.
La RTS avait dévoilé fin novembre le contenu du dossier pénal: A Genève, une famille de milliardaires accusée de payer ses employés au lance-pierre
"Mépris de la loi"
Le premier procureur Yves Bertossa, qui a pris la parole devant les juges, évoque "une manœuvre dilatoire supplémentaire". Le représentant du Ministère public fait référence aux multiples démarches des prévenus pour obtenir la récusation des juges ou des actes d’instruction complémentaires.
"Tout ça n’est pas sérieux", dit-il en référence à ces absences puissance 4. Il évoque des certificats médicaux qui sont "insuffisants" et des prévenus agissant "au mépris de la loi, des victimes et de la justice".
Avocat d’un des trois anciens employés de la famille Hinduja qui a maintenu sa plainte pénale, Me Olivier Peter est encore plus offensif. "La famille Hinduja ne veut pas de ce procès. Elle aura recours à des subterfuges et à des coups tordus pour l’éviter", assène-t-il.
L’avocat dénonce la "stratégie de guérilla procédurale adoptée par les prévenus", qui "multiplient les incidents" et "fuient les débats".
"Insulte à l’égard des plaignants"
Me Lorella Bertani, avocate d’une ancienne employée de la famille, se demande "qui sont ces personnes qui se permettent de mépriser autant notre justice". Pour elle, "lorsqu’on enlève les rideaux de fumée, l’affaire est simple. Des personnes ont été exploitées de manière éhontée pendant des années. Et, en face, des personnes ne veulent pas être jugées pour ce qu’elles ont fait".
Avocate, elle aussi, d’une ancienne employée, Me Eve Dolon estime que "toutes ces absences, ça fait beaucoup de hasard". L’avocate fustige "un mépris des parties plaignantes. Ce n’est plus un manque de respect à ce stade, c’est une insulte à l’égard des parties plaignantes".
Pour les défenseurs des présumées victimes, il ne fait aucun doute que les absences n’ont qu’un seul objectif : retarder, encore et encore, le procès.
"Procès aux riches"
Du côté de la défense, Me Robert Assaël, avocat de la mère, absente, est le premier à s’exprimer. Il dénonce "un procès aux riches, un procès populiste". Puis il se veut très clair: en raison de l’absence de deux avocats, le tribunal n’a aucune marge de manœuvre, il doit reporter les débats.
Me Assaël vient alors au secours de sa cliente, soupçonnée d’être une malade imaginaire. "Elle a toujours eu la volonté d’être présente à son procès. Mais sa santé en a décidé autrement. Elle a aujourd’hui 75 ans."
Au moment de prendre la parole, Me Yaël Hayat, avocate du fils, présent, conteste les accusations de "manœuvre, abus, dérobade. Les médecins ont parlé et on doit s’incliner devant ce qu’ils ont dit. Ce que j’ai entendu me chagrine", ajoute-t-elle, en référence aux propos du Ministère public et des avocats des plaignants.
Après avoir entendu les uns et les autres, les trois juges du Tribunal correctionnel se sont retirés une grosse demi-heure. A leur retour dans la salle, ils ont annoncé que les avocats étaient tous convoqués le mercredi 17 janvier, à 8h30, pour les questions préjudicielles, c’est-à-dire toutes les questions tournant autour de l’audition de nouveaux témoins et de la validité de l’acte d’accusation, notamment.
Les juges ont aussi annoncé que les prévenus absents (le père et la mère) étaient convoqués pour le 25 janvier.
Fabiano Citroni