Le procès de Fabrice A. ajourné pour plusieurs mois
- Le procès de Fabrice A., assassin présumé de la sociothérapeute de La Pâquerette Adeline en septembre 2013, a été suspendu sine die à l'issue des auditions de témoins jeudi. Il s'était ouvert lundi sous haute surveillance devant le Tribunal criminel de Genève.
- Après l'audition, mardi et mercredi, des auteurs de deux expertises psychiatriques, la présidente du tribunal a provoqué un coup de tonnerre jeudi en annonçant qu'elle allait demander une troisième expertise de l'accusé, ce qui implique la suspension du procès pour plusieurs mois. La défense a accusé le tribunal de partialité et réclamé, en vain, sa récusation.
Suivi assuré par Pauline Turuban
Un ancien gardien dit avoir dû batailler pour assurer la sécurité à La Pâquerette (6 octobre - jour 4)
"Il parlait des femmes comme d'objets"
Un ancien gardien de La Pâquerette a suivi à la barre. Se décrivant comme "professionnel et consciencieux", répondant aux questions par des "affirmatif" sans détours, il a critiqué en filigrane l’approche non sécuritaire de La Pâquerette qui rendait à l'époque sa mission difficile. Selon l'agent de sécurité, "tout rentrait au centre, il n'y avait aucune sanction pour ceux qui faisaient entrer des boulettes de haschish par exemple." "Il manquait souvent de petits couteaux à la cuisine et ça ne dérangeait personne", a poursuivi le gardien.
Le témoin a fait part de sa stupéfaction lorsqu'il a appris que le prévenu avait la possibilité de louer des films comportant des scènes de viol. "J’avais le ressenti que quand il parlait des femmes il en parlait comme d’objets", a-t-il résumé. Le prévenu "avait des comportements limites avec certaines femmes du centre, ce qui causait un certain stress. Je devais rester sur mes gardes pour qu’il n’arrive rien au personnel".
A l'issue de l'audition du témoin, le tribunal a annoncé comme convenu l'ajournement sine die du procès de Fabrice A..
Une ancienne stagiaire de La Pâquerette à la barre (6 octobre - jour 4)
"C'est le détenu qui me faisait le plus peur"
A la reprise des débats, un grand paravent a été installé à la barre afin de soustraire la témoin au regard de Fabrice A.. A la barre, cette ancienne stagiaire du centre de La Pâquerette, visiblement éprouvée, a décrit sans s'étendre ses relations conflictuelles avec le prévenu. "Il ne collaborait pas, m’insultait parfois, me méprisait", s'est remémoré la jeune femme.
Me Ntah lui a demandé de détailler son premier contact avec l’accusé. "Quand j’ai passé le pas de la porte à La Pâquerette, il m’attendait avec un dossier sur son ex-copine qu'il espérait que je pourrais lui traduire, car je suis d’origine polonaise."
Elle a expliqué avoir craint Fabrice A. pendant toute la durée de son stage. "Il était derrière mon dos du matin au soir, les autres détenus avaient peur pour moi quand j’étais avec lui", a ajouté la jeune femme, qui avait reçu le conseil de ne jamais rester seule avec le prévenu. Il lui aurait parlé à plusieurs reprises de sexualité. "Certains à La Pâquerette riaient en me disant que j’avais un fan".
La défense demande la récusation du tribunal (6 octobre - jour 4)
"Ne sentez-vous pas l’écrasement de la vindicte populaire sur vos épaules?"
Dès la reprise des débats jeudi après-midi, la défense a demandé la récusation du tribunal. "La défense a l'impression qu’il plane dans ce tribunal une certaine partialité, que ce tribunal a d’ores et déjà l’intention de prononcer l'internement à vie", a déclaré Me Castro, deuxième conseiller de Fabrice A..
L'avocat a reproché au tribunal d'avoir annoncé la suspension du procès sans avoir respecté le droit du prévenu à être entendu, et a remis en cause les motifs de la décision. "Comment expliquer que cet élément pour invalider l’expertise tombe du ciel aujourd’hui" alors qu'il figurait au dossier? a-t-il questionné.
Vos reprochez aux experts leur méthodologie. Dois-je vous rappeler l’expérience et la réputation de ces médecins ? J’ai l’impression que vous voulez les faire passer pour des clowns !
"Quelle bonne nouvelle, il y a une défense, alleluia!" a tonné Olivier Jornot, se moquant de l’"inertie" des avocats de Fabrice A. pendant les jours précédents. Le procureur général et l'avocat des parties plaignantes ont enjoint le tribunal de rejeter "sèchement" cette demande de récusation.
Pour la troisième fois de cette journée décidément très mouvementée - Me Ntah a parlé de "mascarade" - le tribunal s'est retiré pour délibérer. A son retour, le tribunal a annoncé qu'il ne tiendrait pas compte de la requête.
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Les plaignants réagissent à la suspension (6 octobre - jour 4)
La famille pointe le manque de sérieux de la procédure
A la sortie de l’audience, la mère d’Adeline a déploré la suspension du procès, jugeant que "cela fait un peu léger". Et d’ajouter: "On espère que la troisième expertise appuiera en faveur de l’internement à vie". De son côté, l’avocat de la famille Me Simon Ntah s’est dit scandalisé par le travail des experts. Il a néanmoins souligné le "courage" du tribunal pour cette décision.
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Le tribunal veut une 3e expertise (6 octobre - jour 4)
Coup de théâtre au Tribunal criminel
La présidente a provoqué une grande confusion dans la salle d'audience en annonçant que le procès de Fabrice A. serait suspendu à l'issue de la journée de jeudi. En cause: l'expertise jugée incomplète des psychiatres français entendus mercredi. Le tribunal souhaite demander une troisième expertise à d'autres psychiatres.
L'avocat de Fabrice A. s'est opposé à la décision. "L’expertise des Dr Zagury et Lamothe ne convient pas dans ses conclusions, dont acte. Mais la méthodologie utilisée, peut-être différente, n’en est pas moins valable. Elle a été éprouvée à plusieurs reprises, ce sont des experts expérimentés. Cette décision viole aussi le principe de célérité, la procédure a déjà duré plus de 3 ans", a plaidé Me Yann Arnold.
Vous savez très bien à quel point cela est difficile pour la famille, tous les proches sont là aujourd’hui
L'accusation, elle, a pris acte de la décision du tribunal, tout en appelant à "prendre en compte la frustration de la famille". "Le Ministère public peut vivre avec l’expertise des deux docteurs français, quand bien même leur méthode n’est pas la même que celle à laquelle nous sommes habitués", a ainsi dit le procureur général Jornot.
"Les parties plaignantes acceptent votre décision, mais vous savez très bien à quel point cela est difficile pour la famille; tous les proches sont là aujourd’hui, ils avaient prévu que ce procès serait fini à la fin de la semaine", a pour sa part ajouté l'avocat de la famille Me Ntah.
Après les réactions des parties, le tribunal s'est retiré pendant une heure avant de motiver sa décision. "Le tribunal a bien pris la mesure de l’impact de sa décision sur le déroulement de la procédure", a annoncé en préambule la présidente. Elle a invoqué l'obligation de disposer de "deux expertises répondant aux exigences légales" lorsque l'internement à vie est envisagé. Elle a précisé que ces conditions n'étaient pas réunies car les experts n'ont pas pu répondre de manière concluante à toutes les questions.
Deux témoins, une ancienne stagiaire et un ancien gardien de La Pâquerette, doivent toutefois encore être entendus dans l'après-midi avant la suspension.
Les experts français accusés de mal connaître le dossier (5 octobre - jour 3)
"Ces remarques et ces gestes n'ont pas lieu d'être dans un tribunal!"
Après la suspension de midi, Me Ntah a pris le relais sur le même registre d'impatience et de scepticisme que le Ministère public genevois. L'avocat de l'accusation a voulu savoir pourquoi les experts n'avaient pas tenu compte dans leur rapport du fait que Fabrice A. avait tenté de vendre les ultimes mots d'Adeline à la presse. Pour le Dr Lamothe, rien d'exceptionnel, cet élément ne fait que "converger" dans le sens de sa propre analyse.
Je ne crois pas que Fabrice A. ait été dans un débat moral quant au fait qu’il allait ôter la vie.
"Docteur, vous avez dit que Fabrice A. était pleinement conscient de ses actes. Cela signifie-t-il qu’avant de tuer Adeline, il avait pris en considération la souffrance qu’il allait engendrer?" a poursuivi Me Ntah, manifestement très agacé. "Le fait qu’il soit pleinement conscient de ses actes veut seulement dire qu’il n’était pas sous l’emprise d’une affection psychiatrique aliénante. Mais je ne crois pas qu’il ait été dans un débat moral quant au fait qu’il allait ôter la vie", a une fois de plus tenté d'argumenter Pierre Lamothe.
Le conseiller des parties plaignantes s'en est tenu à deux questions, laissant au tribunal "le soin d'apprécier la méconnaissance du dossier" des deux psychiatres, une ultime pique qui a fait bondir l'avocat de la défense. "Cela suffit, ces remarques et ces gestes qui n'ont pas lieu d'être dans un tribunal!" s'est emporté Me Arnold.
Répondant à un avocat de la défense forcément plus bienveillant à leur égard, les experts ont encore eu l'occasion de revenir sur le "déficit de construction de la personnalité" de Fabrice A. et sa haine des femmes, avant la suspension de séance. Jeudi, la famille d'Adeline sera entendue.
Le procureur général affronte les psychiatres (5 octobre - jour 3)
L’image du psychiatre: "Une espèce de naïf qui veut croire en l’humanité"
Le procureur général a montré de nombreux signes de mauvaise humeur durant l'exposé des conclusions des experts. Son tour de parole venu, il est passé à l'offensive, les accusant presque - entre deux sarcasmes - d'avoir délibérément omis dans leur rapport des éléments à charge pour le prévenu. "Pourquoi ne pas mentionner qu'il vous avait dit avoir visionné en boucle la scène d'égorgement de 'Braveheart' et s'être masturbé en repensant à ses viols?" Pourquoi encore avoir évoqué la "sidération" de Fabrice A. juste après son crime, alors que rien ne prouve que le prévenu ait dit vrai?
Imperturbables, les deux spécialistes ont défendu leur "droit à la subjectivité", précisant qu'ils ne prenaient pas nécessairement "pour argent comptant" les éléments qu'ils relayaient dans leurs expertises. Daniel Zagury, grand habitué des procès criminels et connaisseur des tueurs en série, s'est alors lancé dans un plaidoyer pour la complexité dans les prétoires.
L’image souvent véhiculée du psychiatre est celle d'une espèce de naïf qui veut croire en l’humanité et se fait rouler dans la farine. Moi, si je fais des expertises pour les tribunaux, c’est que je crois à la pédagogie de la complexité.
"C’est difficile à entendre de notre bouche: oui, Fabrice A. a commis des actes atroces, mais il n’est pas pour autant le diable. Quand il dit qu’il a été sidéré, je n’exclus pas que ce soit vrai. Il ne faut pas être réducteur. C’est suffisamment affreux comme ça pour qu’on n'en rajoute pas." Une tirade qui n'a eu pour effet que d'exaspérer un peu plus le procureur général, qui l'a qualifiée de "logorrhée", lui qui attend des réponses "par oui ou par non". Le prévenu quant à lui a semblé attentif et concentré, se penchant de temps à autre en avant vers les psychiatres avec intérêt.
Les experts se refusent à établir un pronostic à long terme (5 octobre - jour 3)
"La désespérance est absolument néfaste"
Au diapason avec les conclusions avancées la veille par les psychiatres suisses, les spécialistes entendus mercredi ont jugé le risque de récidive de Fabrice A. "très important" actuellement. "On ne peut pas être optimistes sur les possibilités des contrôles de ses pulsions", ont-ils développé. Toutefois, Fabrice A. ne souffre pas selon eux de maladie mentale et n'était pas dans un "état mental aliénant" au moment des faits.
Le docteur Zagury a parlé de "graves troubles de la personnalité" résumés en quatre notions-clés : extrême fragilité narcissique; déséquilibre psychopatique; mécanisme pervers (besoin d'emprise, de toute-puissance); clivage du "moi". Le docteur Zagury s'est attardé sur ce dernier point qui, d'après lui, est central: "d’un côté, il est totalement adapté ; de l’autre, il a des comportements d’une crudité absolue, il est dans l'incapacité de se mettre à la place des autres. Et il a des préoccupations secrètes qu’on ne peut pas déceler."
Pour autant les psychiatres se sont refusés à poser un pronostic à long terme. "Postuler, 30 ans avant, que des personnes ne guériront jamais n’est n’y scientifique ni socialement acceptable", a défendu le dr Lamothe, ajoutant que "dans tous les cas, la désespérance est absolument néfaste."
Des divergences entre les expertises se font jour (5 octobre - jour 3)
"Si on lui en demande plus, Fabrice A. en dit plus"
Face à des rangs plus clairsemés que les jours précédents, les psychiatres français Pierre Lamothe et Daniel Zagury, auteurs d'un deuxième rapport d'expertise, ont livré leur analyse du profil de Fabrice A.. Des divergences - qu'ils ont tenu à nuancer - avec le portrait brossé la veille par leurs confrères sont très rapidement apparues.
Les spécialistes n'ont pas semblé persuadés que Fabrice A. ait "prémédité" son geste, au sens communément admis. Le fait qu’il ait pensé à le faire ne signifie pas nécessairement que c’était un projet, ont souligné les spécialistes. "'J’avais tout prévu': oui, ce sont bien ses mots, mais cela ne veut pas dire qu’il avait effectivement tout prévu. Dans le même temps, il s’est dit surpris par la réalité de son geste", a raconté le Dr Lamothe.
Fabrice A. a dit aux experts suisses qu’il avait flashé sur Adeline dès le premier jour et que c’était monté crescendo, a rappelé la présidente. "Peut-on vraiment parler de reconstitution grandiose a posteriori?" "Je pense que ça ne s’est pas passé de manière linéaire, la linéarité ne caractérise pas sa réalité psychique", a expliqué le Dr Zagury.
Quand on est face à Fabrice A. on se sent face à un kaléidoscope: il y a tout et son contraire. Plus on pose de questions, plus on obtient de réponses. Et, de temps en temps, on a un 'sentiment d’authenticité'.
Le Dr Zagury a appelé à utiliser le terme de "manipulation" avec prudence. "Quand on manipule, c’est dans son propre intérêt. Or très souvent, le prévenu dit des choses qui sont à son détriment. Parce qu'il est plus important pour lui de garder le contrôle que de faire l’aveu de son hésitation." Pour les psychiatres français, des questions orientées suffiraient à obtenir davantage de détails terrifiants, pas forcément vrais, de la part de l'accusé. "Il est capable d’en dire plus si on lui en demande plus", ont martelé les experts.
Comme leurs homologues suisses, les experts français ont été déstabilisés par la relation positive avec Adeline dépeinte par Fabrice A. en consultation. "Il l'a présentée comme sans défauts, dotée exclusivement de qualités... Au point que je me suis demandé si ce n’était pas justement la gentillesse d'Adeline qui a été visée", a avancé le Dr Zagury.
L'orgie narcissique va bien au-delà d’un simple orgasme, c’est une jouissance de toute-puissance. Parler uniquement en termes sexuels c’est réduire la complexité de la chose.
Sur la nature sexuelle du crime de Fabrice A., les experts français se sont en revanche montrés moins formels que leurs confrères helvétiques. Le Dr Zagury a développé pour le tribunal le concept d'"orgie narcissique". "Fabrice A. nous a dit qu’au moment précis où la lame est passée, il a eu une sensation décuplée, une sorte d’'orgasme dans le cerveau'. C’est quelque chose qui va bien au-delà d’un simple orgasme, c’est une jouissance de toute-puissance. Parler uniquement en termes sexuels, c’est réduire la complexité de la chose."
Les docteurs Zagury et Lamothe ont encore jugé "impropre" de parler de sadisme. Pour eux, au moment de son acte, Fabrice A. était davantage fasciné par sa propre violence que dans le plaisir. "Le sadisme implique la jouissance occasionnée par le mal que l’on fait. Fabrice A., lui, a dit avoir éprouvé une jouissance de toute-puissance démiurgique. Ici ce n’est pas vraiment du plaisir que l’on éprouve au mal que l’on fait, mais de l’indifférence au mal que l’on fait."
Courte intervention de l'avocat de la défense (4 octobre - jour 2)
L'internement à vie en ligne de mire
Durant ses questions aux psychiatres, le jeune avocat de la défense Yann Arnold a semblé en difficulté, peinant à trouver le bon angle d'attaque après l'accumulation d'éléments à charge contre son client depuis le début de la journée. A plusieurs reprises, il a été invité à reformuler des questions jugées peu claires, à en retirer certaines. Les experts, eux, ont laissé percevoir de la fatigue et de la lassitude, ayant le sentiment d'avoir déjà exhaustivement décrit les troubles de Fabrice A.
"Le lien qui s’est formé entre Fabrice A. et sa mère est de mauvaise qualité. Cela a-t-il pu jouer un rôle dans l’éruption de ses troubles de la personnalité?", a demandé l'avocat. Oui, mais le lien de causalité n'est pas obligatoire, lui a répondu le docteur Rageth. "Qu'est-ce qui vous a fait conclure à un 'niveau inégalé' de manipulation de la part de mon client?", a enchaîné la défense. "Et bien, le fait qu’il soit passé à travers le filtre de l’évaluation d’un certain nombre de thérapeutes de diverses formations, et qu'ils n'aient pas pris conscience qu'ils se faisaient duper", a rétorqué la psychiatre.
Il est difficile par principe d’exclure définitivement toute possibilité d’évolution.
Logiquement, les interventions de la défense ont surtout tourné autour du risque de récidive, de la dangerosité et de l'incurabilité (définitive?) de son client. Des réponses à ces questions pourrait découler la décision du Ministère public de demander l'internement à vie, l'enjeu central du procès. "Est-ce que vous confirmez que le risque de récidive devrait être réévalué à intervalles réguliers?", s'est enquis Me Arnold. Ce a quoi les psychiatres ont expliqué "qu'il est difficile par principe d’exclure définitivement toute possibilité d’évolution". Quant à savoir si un traitement pourrait diminuer le risque de récidive présenté par Fabrice A.: "on ne peut pas prédire les chances d'un traitement sur une personne tant qu'on n'a pas essayé."
Me Arnold s'est alors montré plus direct, trop au goût du tribunal. "Vous confirmez que vous ne préconisez pas l'internement à vie?", a demandé l'avocat de Fabrice A (c'est effectivement la position que les experts ont défendue dans leur rapport). La présidente n'a alors pas laissé aux experts l'occasion de répondre. "C'est une question juridique, pas psychiatrique", a-t-elle tranché. Les audiences ont été suspendues peu de temps après. D'autres psychiatres, les auteurs de l'expertise française, doivent être entendus mercredi.
Les psychiatres suisses répondent à l'accusation (4 octobre - jour 2)
"Les versions données par Fabrice A. n'arrêtent pas de varier"
Les questions de l'accusation aux experts ont permis à la cour d'affiner le portrait du "meurtrier sexuel" qu’est Fabrice A., rappelant à nouveau son goût pour la domination et la souffrance infligée à autrui, sa détestation des femmes. Le procureur général a rappelé que l’accusé avait "offert" par le passé deux de ses compagnes à des amis. "Cela montre son besoin de domination, de décider du sort de l’autre, de diriger l’autre", a expliqué le dr Rageth. "Cela l’excitait que ces femmes reviennent vers lui après avoir eu des relations avec d’autres hommes", a complété le docteur Luke.
Les spécialistes ont noté de la "jubilation" quand le prévenu leur a raconté son crime, dont il répétait les moindres détails, mimait les gestes. "Il n’avait pas de honte à raconter ses fantasmes, quels qu’ils soient", ont souligné les experts. Les docteurs Rageth et Luke ont encore ajouté qu’ils ne croyaient pas Fabrice A. capable de regrets. La question de la culpabilité ne peut pas lui venir compte tenu de la manière dont il fonctionne, a souligné le docteur Rageth. Toutefois, "nous affirmons qu’aujourd’hui, il n’est pas possible de dire qu’il n’y a aucun espoir."
Nous pensons en effet qu’il pouvait être sincère lorsqu’il disait trouver Adeline gentille, mais que cela ne l'empêchait ni d’avoir les fantasmes évoqués plus tôt à son propos, ni de passer à l'acte.
Un élément interpelle. Certes, Fabrice A. vouait une haine à sa mère, à son ancienne compagne polonaise, aux femmes en général d'ailleurs, mais rien dans le récit qu’il a fait aux psychiatres ne laisse entendre qu’il ait éprouvé ce type de sentiment envers Adeline. "Au contraire, il nous l’a toujours décrite comme admirable, gentille, avenante…" Or selon leurs explications, les meurtriers sexuels dont fait partie Fabrice A. ont besoin, pour se plonger dans leurs scénarios, de "réactiver leur colère" et de "faire appel à leurs affects de haine".
A la reprise des audiences mardi après-midi, Me Ntah a souhaité creuser cette question apparemment contradictoire. L'avocat des parties plaignantes a demandé aux experts si les qualificatifs flatteurs utilisés par Fabrice A. pouvaient être "sincères". "Nous pensons que c'est possible, mais que cela ne l'empêchait ni d’avoir les fantasmes évoqués plus tôt à son propos, ni de passer à l'acte." Et de faire référence à un aspect de la pathologie de Fabrice A., "l'utilisation du clivage comme mécanisme de défense, ce qui a pu l'amener à aimer et détester Adeline tout à la fois".
Interrogés par Me Ntah, les psychiatres ont déconstruit plusieurs arguments avancés la veille par Fabrice A.. D'abord, à propos de l'intérêt que l'accusé portait aux couteaux. "Cet objet est clairement lié à sa fantasmagorie sexuelle, nous ne pensons pas qu’il pouvait n’avoir qu’un rapport de collectionneur aux couteaux", a estimé le dr Rageth.
Pour nous, ce meurtre avait une dimension sexuelle évidente.
De même, le choix du centre d'équithérapie ne devait rien aux hasard, selon les médecins. "Il a choisi spécifiquement ce centre dans la planification de la mise en forme de son fantasme." Enfin, les experts n'ont même pas envisagé que Fabrice A. ait pu tuer Adeline uniquement parce qu’elle était un obstacle à sa fuite, comme il l’avait affirmé la veille.
"Les versions de Fabrice A. n’arrêtent pas de changer, entre les versions qu’il a données au tribunal, les versions qu’il nous a données, le moment où il nous les a données… Il vous a donné une autre version hier, voilà tout... Mais pour nous, ce meurtre avait une dimension sexuelle évidente", a conclu le docteur Rageth avec une pointe d'agacement.
Audition des experts psychiatres suisses (4 octobre - jour 2)
"Il savait ce qu'il faisait, mais sur le moment sa pathologie a pris le dessus"
L’audition des docteurs Rageth et Luke, auteurs de l’expertise suisse, a débuté mardi matin. Ils ont relevé le caractère sadique de Fabrice A., une perversion lui faisant prendre plaisir à la souffrance d’autrui et à l’absence de consentement, présente chez lui avant même son premier viol. Au fil du temps, les fantasmes de Fabrice A. se sont progressivement enrichis de violence et de domination.
Il avait déjà expérimenté le viol, et cette fois il lui fallait quelque chose de plus
"Il avait déjà expérimenté le viol, et cette fois il lui fallait quelque chose de plus", a expliqué l’un des médecins. C’est ainsi qu’il aurait développé le fantasme d’égorger Adeline. D’après les experts, Fabrice A. a pris "énormément de plaisir" à imaginer son acte en prison, ainsi qu’à le mettre en pratique. En la tuant, il "a réalisé le fantasme qui l’habitait", a résumé l’un des experts.
Malgré ce portrait, et tout en admettant la préméditation du meurtre d’Adeline, les experts avaient conclu à une diminution légère de la capacité cognitive au moment du passage à l’acte. Ce que le tribunal a semblé avoir du mal à comprendre. "Vous nous dites qu’il n’y a pas eu de déconnexion de la réalité au moment des faits. On sait aussi que lors de la poursuite d’autres buts, Fabrice A. s’est montré capable de résister à ses pulsions", a rappelé la présidente. "Comment peut-on envisager alors qu’il puisse y avoir une diminution de la capacité cognitive ?"
Les experts ont dû s’y reprendre à deux fois, complétant mutuellement leurs explications, pour faire saisir à la cour les subtilités de leurs conclusions. "Clairement, il savait ce qu'il faisait, c’est quelque chose qu’il voulait faire. Mais sur le moment il est pris dans une hallucination fantasmatique", a expliqué l’un des experts. D’après l’analyse des psychiatres, Fabrice A. a élaboré et répété pendant longtemps des scénarios. Contrairement à ce qu’en dit l’accusé, il ne s'agissait pas d'"exutoires" mais de choses qu’il voulait bel et bien faire, restées à l’état de fantasme tant qu’il était en prison.
Au moment de l’acte, sa pathologie a pris le dessus. Elle est tellement importante qu’il n’a pas réussi à faire la différence entre la réalité de son acte et toutes les fois où il l’avait fantasmé auparavant, et il n'a pas pu arrêter son geste.
"Au moment de l’acte, sa pathologie a pris le dessus. Elle est tellement importante qu’il n’a pas réussi à faire la différence entre la réalité de son acte et toutes les fois où il l’avait fantasmé auparavant, et il n'a pas pu arrêter son geste. Il y a eu une connexion avec toutes ses rêveries sexuelles antérieures, un télescopage du temps. Nous sommes persuadés que sa pathologie a joué un rôle dans la commission des actes qui lui sont reprochés."
Les psychiatres ont reconnu que Fabrice A. présentait un risque de récidive très élevé, que sa personnalité "ne changerait pas spontanément" et que ses pathologies n’allaient pas disparaître. Interrogés par la présidente quant au fait de savoir s’il existait un traitement possible pour l’accusé, les médecins ont évité d'anticiper sur l'évolution du risque de récidive, rappelant que "les comportements psychopatiques vont en diminuant avec l’âge". Mais ils ont reconnu que les traitements actuellement à disposition (camisole chimique, psychothérapie, traitement hormonal) étaient inefficaces face à une pathologie aussi lourde que celle de Fabrice A..
L'assistance a pouffé à l'évocation d'une "thérapie cognitivo-comportementale" menée sur 12 meurtriers sexuels au Canada, qui est de parvenir à faire descendre à zéro le risque de récidive … "mais seulement dans un milieu carcéral". Durant l'énumération de ses troubles, le prévenu, lui, n'a pas bronché.
Interrogatoires de l’accusation (3 octobre - jour 1)
L'accusé finit par lâcher que son meurtre était prémédité
Le prévenu s’est montré de moins en moins précis, plus souvent désarçonné, lors des interrogatoires de l’accusation qui ont débuté en début de soirée. Plusieurs incohérences avec ses propos du matin -ainsi qu'avec la version antérieure livrée aux experts-psychiatres- ont été soulignées.
Répondant d’abord au procureur général, Fabrice A. est revenu sur l’excitation sexuelle qu’il ressentait devant certains films violents. L’accusé a admis qu’il s'imaginait dans le rôle du meurtrier, et visualisait Adeline dans celui de la victime, lorsqu’il visionnait une scène d’égorgement du film "Braveheart". Il s’est toutefois refusé à dire quand ces fantasmes ont débuté.
"C'est marrant, il y a des questions où vous vous souvenez extrêmement bien, et d'autres où c'est le vide intersidéral", s’est agacé le procureur général. "C'est pour ne pas dire de bêtises." _"Ca ne vous a pas empêché d'en dire jusqu'à présent", a asséné Olivier Jornot.
Le procureur général a offert à Fabrice A. une "dernière chance de dire la vérité", en admettant qu’il avait déjà l’idée d’égorger Adeline au moment d'acquérir son couteau. "C’était une des raisons mais pas la seule", a fini par lâcher le quadragénaire après un très long silence. "Pourquoi n’avez-vous pas demandé de l’aide ou signalé au personnel soignant que vous aviez ces pensées ?", l’a pressé le représentant du Ministère public. "Vous avez pris le risque de tuer Adeline pour ne pas compromettre votre sortie ?" Le prévenu a aquiescé. "La sortie, enfin le but de la sortie, c’est à dire retrouver mon ex polonaise, était une obsession. J’y pensais jour et nuit."
Je crains que j'aurais pu tuer quelqu’un d’autre qu'Adeline mais forcément une femme. Je suis trop lâche pour m’en prendre à un homme.
Me Ntah, le conseil des parties plaignantes, a à son tour interrogé Fabrice A., d’abord sur ses traits de personnalité. "Utilisation pathologique du mensonge, tendance à l’escroquerie, à la manipulation, grande imagination criminelle… Vous reconnaissez-vous ?". "De toute manière, si je réponds non, ce sera perçu comme un mensonge", a rétorqué l’accusé.
L’avocat de la famille d’Adeline s’est employé à démontrer que l’enchaînement des faits ne relevait pas de la coïncidence. Fabrice A. a ainsi dû admettre qu’il avait "flashé" sur sa sociothérapeute dès le premier jour, en septembre 2012. Il a aussi reconnu avoir noté tous les jours de congés de l'éducatrice dans son calendrier électronique.
Me Ntah a voulu savoir si seule Adeline était visée, ou si le prévenu aurait pu tuer quelqu’un d’autre. "Je crains que ç’aurait pu être quelqu’un d’autre" mais seulement une femme, car "je suis trop lâche pour m’en prendre à un homme." "Vous saviez que vous alliez tuer Adeline?", a encore demandé l'avocat, arrachant au prévenu une réponse affirmative. "Après sept heures d’audition, vous nous dites enfin la vérité!", s'est-il félicité. Les audiences ont été levées à l'issue d'une unique question de la défense. Mardi, les experts-psychiatres doivent être entendus.
Les circonstances du meurtre (3 octobre - jour 1)
Fabrice A. livre au tribunal sa nouvelle version du jour fatidique
Le 12 septembre 2013, pour la deuxième sortie accompagnée de Fabrice A., l'accusé et sa sociothérapeute avaient dévié du programme et étaient allés chercher un couteau de chasse avant la session d’équithérapie, à la place du modèle de cure-pieds prévu. Pour convaincre Adeline de changer d'itinéraire, "j'ai joué l’enfant capricieux qui n’a pas le jouet qu’il veut. J’ai manipulé Adeline, j’ai joué sur son côté affectif, sur le fait qu’elle ne voulait pas me décevoir. Elle ne pensait qu’à faire du bien et j’ai retourné cette qualité contre elle", a expliqué le prévenu avec une neutralité désarmante.
Arrivant à la maison abandonnée des bois de Bellevue, non loin du centre d’équithérapie, Fabrice A. a expliqué avoir "paniqué" et "dérapé". "Adeline a sorti son téléphone pour pianoter et j’ai cru que c’était pour appeler la police. J'ai sorti le couteau, je lui ai dit que je voulais seulement fuir et que je devais l'attacher." L'accusé n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi il n'avait pas laissé Adeline en vie, si son seul objectif était la fuite. Il a en revanche nié avoir regardé sa victime agoniser durant dix minutes, comme l'écrit l'acte d'accusation."Cela aurait été le paroxysme du sadisme. Ce que j'ai fait est déjà assez monstrueux comme ça."
Selon ce que le psychiatre m’a dit, tuer Adeline était une manière de me l’approprier. Elle était avenante et généreuse, inconditionnellement. Contrairement à ma mère, qui ne m’aimait que sous conditions.
"Pourquoi l’avoir tuée?, C’était une des seules qui croyaient en votre réinsertion", l'a interrogé la présidente. Fabrice A. a alors invoqué les expertises psychiatriques. "De ce que j’ai compris, il y a le fait qu’elle était un obstacle à ma fuite, la pulsion de meurtre, et selon ce que le psychiatre m’a dit, c’était une manière de me l’approprier. Elle était avenante et généreuse, inconditionnellement. Tout l'inverse de ma mère, qui ne m’aimait que sous conditions. Personne n’avait été comme ça avec moi."
Contrairement à la version qu'il avait livrée aux experts psychiatres, à qui il avait décrit la dimension sexuelle et fantasmatique de son geste, il a affirmé ne pas avoir retiré de plaisir de l'acte de mise à mort lui-même, mais du "sentiment de toute puissance extrême" qui en découlait.
Après quoi Fabrice A. a tenté d'exprimer des regrets, qui ont provoqué plus d'irritation dans la salle d'audience que de compassion. "Il n’y a pas une journée sans que j’y pense, c’est très lourd à porter. La peine des proches d’Adeline n’a rien de comparable avec la mienne, mais la peine que vous prononcerez contre moi n’est rien comparé à ce que j’ai sur la conscience", a-t-il déclaré sur un ton solennel à la présidente.
Avant les faits (3 octobre - jour 1)
Fabrice A. tente d'évacuer la notion de préméditation
A la reprise de l’audience lundi après-midi, Fabrice A. a expliqué avoir demandé à intégrer La Pâquerette en 2012 pour son "confort personnel". "On m'avait expliqué qu'il y avait plus de liberté que dans un pénitencier classique."
Sa demande d’accéder à un programme d’équithérapie, elle, relevait selon lui d’une démarche sincère dans un premier temps. "Il m’a semblé que ce centre proposait des soins pour des troubles qui me correspondaient et j’ai pensé que ça ne me ferait pas de mal. Mais dans un second temps, j’ai vu (l’équithérapie) comme un argument béton pour obtenir une sortie accompagnée." A l’époque déjà, son objectif ultime, son obsession, était de s’évader pour retrouver son ancienne compagne en Pologne.
Le prévenu a contourné avec constance les accusations de préméditation dans le meurtre de son éducatrice. Il a nié avoir explicitement demandé qu'Adeline l'escorte le jour de sa sortie accompagnée, en dépit d'un document écrit prouvant le contraire. "Le 12 septembre 2013, je n’avais pas déterminé ce qui allait se passer", a-t-il déclaré.
J’étais intéressé à savoir comment on pouvait avoir commis un assassinat et n’éprouver aucun remords. Ce sentiment de toute-puissance, ou de domination à l’extrême, m’attirait aussi.
Fabrice A. est revenu sur la naissance de ses pulsions mortifères, qu’il fait remonter à sa période d’incarcération à Bochuz, où il avait notamment pour voisins Claude D. (l’assassin de Marie) et le sadique de Romont. "J’étais intéressé à savoir comment on pouvait avoir commis ce genre de choses et n’éprouver aucun remords. Ce sentiment de toute-puissance, ou de domination à l’extrême, m’attirait aussi."
La présidente lui a rappelé certaines de ses thèmes de recherches sur internet: "arme à feu", "cyanure", "rigidité cadavérique"... En juillet 2013, il s'était également documenté sur la veine jugulaire et la carotide. Pourquoi? s'est enquis la présidente. "C'était pour savoir comment on peut mourir en coupant à cet endroit", a admis l'accusé, mettant cela sur le compte d'une sorte de curiosité morbide.
Tout ce que j'avais en tête, c'était la Pologne
Fabrice A. a également joué la carte de l’exutoire. A propos des documents, découverts dans sa cellule après sa fuite, qui détaillaient ses projets meurtriers visant son ex-compagne en Pologne, il a assuré qu'il n'avait "jamais eu l'intention de commettre de tels actes" et avait préféré les "écrire au lieu de les faire".
En revanche, son évasion et sa cavale en direction de la Pologne étaient minutieusement planifiées, il ne s’en est pas caché. Quelques mois avant le drame, il avait contacté l’office du tourisme de Bâle pour obtenir des plans et identifier une douane discrète. Il avait aussi cherché à savoir si la voiture du centre de sociothérapie était équipée d’un GPS et si le plein était fait. "Tout ce que j’avais en tête, c’était la Pologne."
Le parcours du prévenu (3 octobre - jour 1)
Fabrice A. se présente comme le fils d'une "marâtre" et d'un "pervers"
La journée a débuté par les questions préjudicielles des parties, qui ont toutes été rejetées par le tribunal, avant que ne commence l’audition de Fabrice A. à la mi-journée.
Le prévenu qui était resté imperturbable, bras et jambes croisées, pendant l’examen des questions préjudicielles, s’est d'abord montré loquace et détendu, répondant avec un intérêt apparent et force précisions aux questions préliminaires de la présidente sur son parcours et ses passions.
Fabrice A. a été invité à livrer des détails sur ses antécédents judiciaires. La présidente l’a notamment questionné sur sa première condamnation en Suisse -18 mois avec sursis pour un viol- à propos de laquelle il avait alors dit que c’était une "invitation à recommencer".
Prendre du sursis en première instance pour un viol, j’ai trouvé ça assez léger et ça m’a perturbé. Mais ça ne voulait pas dire que je prévoyais de recommencer.
"En France, un viol est considéré comme un crime alors qu’en Suisse je ne crois pas. Alors prendre du sursis en première instance, j’ai trouvé ça assez léger et ça m’a perturbé. Mais ça ne voulait pas dire que je prévoyais de recommencer", a-t-il expliqué. "Mais vous avez recommencé", l'a tancé la présidente. "Oui, mais ce n’était pas à cause de la 'pseudo invitation'."
La présidente a exhumé une carte postale que Fabrice A. avait adressée à la cour à l'occasion de son deuxième procès pour viol, auquel il n'avait pas assisté car il se trouvait en Irlande: "venez me chercher, bande de cons", disait la carte. "Cela ne volait pas très haut", a réagi l'accusé. "C'était une bêtise, je n'assume pas du tout."
L’avocat de l’accusation, Me Ntah, a ensuite brièvement questionné Fabrice A., notamment sur sa "passion pour les couteaux". Le prévenu a alors semblé plus tendu et pointilleux. "Je vous arrête tout de suite, je n’ai pas une passion pour les couteaux, mais pour les Victorinox", a-t-il rectifié. "Effectivement, j’ai utilisé de tels couteaux en des occasions dramatiques, mais j’ai une fascination qui m’a poussé à posséder des couteaux dont je n’ai rien fait, comme un collectionneur, comme du fétichisme."
Ma mère, je la surnommais Folcoche. Elle se résume en trois mots : mégalo, égocentrique, despotique.
L'avocat de la défense Me Arnold s'est pour sa part attaché à mettre en lumière l’enfance malheureuse de l'accusé. Ce dernier a évoqué une tentative de suicide à 10 ans, les "traitements de faveur" dont aurait bénéficié sa soeur, le départ du domicile familial à peine sorti de l'adolescence. "Ma mère, je la surnommais Folcoche (la marâtre de Vipère au Poing ndlr). Elle se résume en trois mots : mégalo, égocentrique, despotique."
Il n'a pas eu de mots plus tendres pour son père. "Mon père, là aussi en deux mots : pervers et alcoolique. Il est mort d’une cyrrhose et c’est pas à cause de l’hépatite B." Fabrice A. a encore raconté avoir subi une tentative de viol lorsqu’il était incarcéré à Villefranche-sur-Saône, non loin de Lyon. "Cela arrive souvent dans les prisons françaises, cela n’en a pas été moins traumatisant." L'audience a ensuite été levée pour reprendre dans l'après-midi avec l'examen des faits reprochés au prévenu.
Un procès hors norme (3 octobre - jour 1)
Forte affluence et important dispositif de sécurité
L’engouement public et médiatique pour ce procès est manifeste. Des dizaines de personnes faisaient déjà la queue devant la salle d’audience plus d’une heure avant l’ouverture des débats. Quant aux médias, ils sont une vingtaine à avoir été accrédités.
Un dispositif de sécurité exceptionnel a été déployé en marge du procès du quadragénaire dont l’extrême dangerosité a été soulignée par les psychiatres. Des agents de police ont été positionnés aux abords du tribunal et auprès de toutes les issues de la salle d’audience. Les effets personnels de toutes les personnes pénétrant dans la salle sont soigneusement fouillés, le passage sous les portiques de sécurité est systématique.
Face aux bancs remplis, un Fabrice A. impassible, défendu par Mes Yann Arnold et Leonardo Castro, a fait son entrée à 9h00 vêtu de vêtements grisâtres, casquette sur la tête, petites lunettes et pantoufles aux pieds.
Rappel des faits
Le rappel des faits
Les faits se sont déroulés le 12 septembre 2013. Fabrice A., qui avait été condamné à 20 ans de prison pour deux viols, était alors détenu au centre de sociothérapie La Pâquerette, au sein duquel il lui avait été accordé de participer à un programme d'"équithérapie". Le but était de le resocialiser en vue d'une éventuelle libération conditionnelle.
Accompagné par son éducatrice Adeline, le prévenu devait se rendre à l'une de ces sorties équestres. Mais le lendemain, la sociothérapeute de 34 ans a été retrouvée morte attachée à un arbre, dans un bois voisin du centre équestre, à Bellevue (GE).
Après trois jours de traque, Fabrice A. a été arrêté en Pologne, non loin de la frontière allemande. Il conduisait la voiture dans laquelle il était monté avec Adeline pour sortir de la prison de Champ-Dollon. Un couteau a été retrouvé dans le véhicule: il était parvenu à se le procurer dans un magasin spécialisé, prétextant avoir besoin d'un outil pour curer les sabots des chevaux. Fabrice A. a passé plusieurs semaines dans une prison polonaise avant d'être extradé vers Genève.
Le meurtre de la sociothérapeute, qui avait une fille de huit mois, a secoué le monde politique. La prise en charge des détenus considérés comme dangereux a fait l'objet de nombreuses critiques. L'ancien conseiller d'Etat Bernard Ziegler, qui était chargé de l'enquête administrative, a d'ailleurs rendu un rapport sévère.
La directrice du Service d'application des peines et des mesures (SAPEM) et la responsable du centre de sociothérapie de la Pâquerette se sont aussi retrouvées au coeur de la tempête.
Le Grand Conseil a voté la création d'une commission d'enquête parlementaire qui doit rendre son rapport d'ici à janvier 2017. Le centre de la Pâquerette a été fermé après le drame.
Les témoignages qui éclairent le procès de Fabrice A.
La RTS a recueilli les témoignages d'une des femmes agressées par le meurtrier présumé d'Adeline, du compagnon de la sociothérapeute et d'une ex-petite amie de l'accusé.
La directrice de la Pâquerette ne témoignera pas au procès de Fabrice A.
La directrice de La Pâquerette ne se présentera pas à la barre des témoins lors du procès de l'assassin présumé d'Adeline, a appris la RTS.
Les seuls anciens collaborateurs de la Pâquerette qui devraient être entendus au procès sont au nombre de trois: Juan Poy, ancien compagnon d'Adeline; un ancien gardien - auteur d'un rapport personnel et confidentiel à ce jour à charge sur ce qui se passait à la Pâquerette -; une ancienne stagiaire envers laquelle Fabrice A. aurait eu un comportement particulièrement inadéquat.