Fabrice A. condamné à la réclusion à vie et à l'internement ordinaire pour l’assassinat d’Adeline
- Fabrice A. a été condamné mercredi à une peine de prison à vie assortie d'une mesure d'internement ordinaire par le Tribunal criminel de Genève pour avoir assassiné la sociothérapeute de La Pâquerette Adeline en septembre 2013. Fabrice A. échappe à la mesure d'internement à vie.
- La famille d'Adeline ne va pas recourir contre ce jugement, même si elle était pour l'internement à vie.
- Son procès a eu lieu du 15 au 19 mai. Lors du premier jour d'audience, Fabrice A. avait admis les faits mais nié les avoir prémédités.
- Les deux collèges d'experts psychiatres avaient estimé que le condamné présentait une dangerosité et un risque de récidive très élevés, mais avaient refusé de sceller le diagnostic sur le long terme. Le Ministère public avait requis l'internement à vie.
Suivi assuré par Pauline Turuban
Verdict (24 mai)
Fabrice A. est condamné à la perpétuité, il échappe à l'internement à vie
L’épilogue de ce procès hors norme est arrivé en fin d’après-midi mercredi. Le président du tribunal a pris la parole à 17h00 devant une salle pleine. Le tribunal a estimé que la préméditation du meurtre d’Adeline ne faisait aucun doute et donc retenu le chef d’assassinat, relevant la "détermination", la "froideur" et la "lâcheté" de Fabrice A.. Il a aussi mis en avant les antécédents "extraordinaires" - deux condamnations pour viol aggravé. "Il a fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'Adeline", et "agi avec machiavélisme", a martelé le tribunal.
Le tribunal a souligné que le mobile et la façon d’agir de Fabrice A. étaient "particulièrement odieux". Le tribunal a aussi retenu les chefs de séquestration, de contrainte sexuelle et de vol.
Pour le tribunal, la responsabilité pénale de Fabrice A. est "pleine et entière". Si son enfance a été malheureuse, "sa situation personnelle n'était pas difficile pour autant" puisqu'il bénéficiait d'un programme de sociothérapie dont il n'a jamais profité pour s'amender, a insisté le président. Aucune circonstance atténuante n'est réalisée.
Pour ces raisons, le tribunal a condamné Fabrice A. à une peine de prison à perpétuité assortie d'une mesure d'internement ordinaire. L'accusé a ainsi échappé à l'internement à vie. Aucun collège d'experts n'a conclu au fait que Fabrice A. serait, sa vie durant, inaccessible à un traitement. Les conditions d'application ne sont donc pas réalisées, a estimé le tribunal.
Le Ministère public avait requis l'internement à vie
Jeudi, au quatrième jour de procès, le procureur général Olivier Jornot avait requis que la peine privative de liberté à vie soit assortie de la mesure d’internement à vie. Il avait toutefois délivré un message aux proches d’Adeline laissant penser qu’il ne s’attendait pas à ce le tribunal le suive.
"Si toutefois ce tribunal devait renoncer à prononcer l'internement à vie, cela ne signifierait en rien que vous avez perdu un combat. Ce ne serait pas un échec pour vous, et je ne le considérerais pas comme un échec pour moi."
Après le verdict (24 mai)
La famille de la victime ne va pas recourir
La famille d'Adeline ne va pas recourir contre le jugement prononcé mercredi à l'encontre de Fabrice A. "C'est déjà bien, ce que l'on a obtenu", a relevé la mère d'Adeline devant le Palais de justice de Genève.
"On aurait aimé un internement à vie, car cette mesure est une double sécurité", a-t-elle souligné. "Tout a été retenu et c'est une victoire dans ce domaine", selon la maman. L'image faite de l'assassin par le Tribunal est horrible mais juste, précise-t-elle.
Soulagement aussi pour l'ex-compagnon
Les parents se sont dits soulagés d'être arrivés à la fin d'une procédure judiciaire épuisante, tout comme l'ex-compagnon d'Adeline. "Les jours de stress, de maux de ventre, de manque de sommeil, c'est terminé. Nous pouvons maintenant porter notre deuil plus normalement", a expliqué à la RTS Juan Poy.
"Par contre, sans internement à vie, on expose son ex-compagne polonaise et ses enfants, qu’il voulait tuer, à avoir peur toute leur vie", regrette l’ex-compagnon d’Adeline.
Après le verdict (24 mai)
La réaction d'Olivier Jornot
Le procureur général de Genève Olivier Jornot se dit satisfait du verdict du procès de Fabrice A. même s'il avait requis l'internement à vie.
Fabrice A. restera en détention tant que son comportement ne changera pas, relève-t-il. "Et le cas échéant jusqu'à la fin de ses jours". Il a dix jours pour faire appel et se donne le temps de la réflexion. La défense n'a fait aucun commentaire.
Ultime prise de parole de Fabrice A. (19 mai - jour 5)
"J'ai renoncé à demander pardon"
Pour son ultime prise de parole avant la clôture des débats, Fabrice A. a voulu communiquer ses "intentions". La première, selon ses propos, est de travailler avec son psychiatre sur les moyens d'accéder à "l'état d'effondrement" qui, d'après les experts, lui permettrait d'espérer être accessible à une thérapie. "J’ai conscience que je n’y arriverai jamais seul", a-t-il déclaré.
Sa deuxième intention, celle de "demander pardon à la famille", il a dit y avoir renoncé. D'après lui, le fait d'avoir déjà infligé aux proches d'Adeline une "souffrance humainement insupportable" ne l'autorise pas à "ajouter le sentiment que je me moquerais d’eux" en présentant ses excuses.
Le procès a ensuite été clôturé. Le jugement sera lu mercredi prochain à 17h00.
Me Yann Arnold réfute la préméditation du meurtre (19 mai - jour 5)
"Le scénario d'une préparation méticuleuse et détaillée ne peut pas être retenu"
L'avocat de la défense a pris la parole peu avant 11h00, après une courte suspension d'audience. Sa plaidoirie a duré environ une heure et demie. Me Yann Arnold a d'emblée appelé le tribunal à "garder de la distance avec la dimension politique et sensationnelle de cette affaire", qui a fait l'objet d'un "déferlement médiatique sans précédent".
Ôter la dimension sensationnelle ne signifie pas nier la souffrance des proches d'Adeline.
Rappelant que Fabrice A. reste "un être humain et un justiciable comme un autre", l'avocat s'est attelé à souligner la complexité du fonctionnement psychique de son client, ce pour quoi il s'est surtout appuyé sur l'expertise des psychiatres français Lamothe et Zagury (exposée le 16 mai, au 2e jour de procès).
"Prisonnier de son déterminisme"
Il a d'abord évoqué l'enfance troublée du prévenu, entre une mère froide et un père violent, alcoolique, avec qui il entretenait une relation malsaine. "Un enfant du divorce, que ses parents ont instrumentalisé pour se nuire mutuellement", a relevé Me Arnold. Un enfant malheureux au point de faire une tentative de suicide en cherchant à s'asphyxier à l'âge de 10 ans, a-t-il encore pointé.
Il n'a pas eu d'autre choix que de construire sa personnalité sur des failles.
S'il s'est dit "bouleversé" par le témoignage de la famille d'Adeline, Me Yann Arnold a affirmé ressentir aussi de la compassion pour Fabrice A.. "Son psychisme est torturé, mais il a exprimé son envie d'évoluer." "L'acte est odieux, et dire que Fabrice A. n'a pas grand-chose pour sa défense est un euphémisme. Mais quelques éléments doivent être pris en compte: le "voile noir" qu'il décrit après l'acte. A ce moment-là, il y a un chaos dans sa tête, de la sidération, il ne prend pas plaisir à regarder sa victime agoniser. Le manque d'empathie qu'il démontre? Il fait partie de son trouble."
Me Arnold réfute la préméditation
Me Arnold a cherché à démontrer que, si Fabrice A. avait bien prévu son évasion de la Pâquerette, la préméditation du meurtre relevait, elle, de l'"interprétation". Sans vouloir faire le procès de l'Etat de Genève, l'avocat a souligné les règles assez souples qui avaient cours à la Pâquerette, relativisant la "ruse" de son client. "Jusqu'où va la ruse de Fabrice A. et où commencent les largesses de la Pâquerette?", a-t-il questionné.
Les plans d'évasion eux-mêmes n'étaient pas aboutis, a soutenu l'avocat. "Le scénario d'une préparation méticuleuse et détaillée décrit par l'accusation ne peut pas être retenu, pas quand plusieurs hypothèses ont été envisagées, pas quand il y avait plusieurs inconnues sur lesquels Fabrice A. n'avait pas de maîtrise", a-t-il plaidé.
Le courage ce n'est pas prononcer l'internement à vie, c'est d'y renoncer.
Me Yann Arnold a appelé le tribunal à se ranger du côté de l'expertise psychiatrique suisse, en reconnaissent une responsabilité pénale légèrement diminuée. Et à ne prononcer ni la peine privative de liberté à vie, ni l'internement à vie. L'internement à vie, c'est "la perpétuité perpétuelle", qui contrevient aux principes de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), a-t-il argumenté. Cette mesure "apaisera peut-être la haine que suscite Fabrice A., contentera peut-être l'opinion publique, mais ce n'est pas cela que demande la justice", a martelé l'avocat.
La parole à Me Simon Ntah (19 mai - jour 5)
"Parlons un peu moins de l'accusé, et un peu plus d'Adeline"
A la reprise des débats vendredi à 9h00, l'avocat des proches d'Adeline, Me Ntah, a pris la parole pour sa plaidoirie, commençant par invoquer la mémoire de la défunte. La Fête des mères a eu lieu dimanche passé, a-t-il rappelé, et la fille d'Adeline n'aura jamais l'occasion de remettre à sa maman un petit cadeau à cette occasion. Avant de dérouler le bonheur dans lequel nageait la victime, avant l'interruption brutale: le couple "cocon", le bébé, le projet de mariage, l'achat d'une maison... "Les moments les plus heureux de la vie d'Adeline furent aussi, malheureusement, les derniers", a lancé Me Ntah.
Fabrice A. est parvenu à faire croire à des experts qu’il n’avait plus de troubles de la personnalité, et c’est comme ça qu’il a pu entrer à la Pâquerette.
Au même moment à la Pâquerette Fabrice A. était, lui, en train de méticuleusement élaborer ses plans, a développé l'avocat, pour qui la préméditation du meurtre ne fait aucun doute. Me Ntah a décrit le prévenu comme pervers et calculateur. Il en veut pour preuve, par exemple, ce qu'a fait Fabrice A. lors de sa première sortie: "là où les autres détenus auraient savouré ce premier moment de liberté, le prévenu, lui, en a profité pour repérer les lieux de son crime et acheter une carte de l'Europe."
"L'assassinat dans toute son acception"
S'il ne fait aucun doute que des dysfonctionnements ont eu lieu à la Pâquerette, Me Ntah a estimé qu'il ne fallait pas faire le procès de l'institution -prédisant que ce serait la ligne de défense des avocats de Fabrice A.. "Cette défense revient à dire qu'ils ont fauté parce qu'ils l'ont cru, et donc qu'il ne faudrait pas le croire, même dans le futur! (...) Retenir cette défense, c'est démontrer que le fonctionnement de Fabrice A. ne changera pas et que, pour lui, tout est toujours de la faute des autres!"
Il a voulu enterrer le bien, mais les chrysanthèmes poussent même sur les tombes.
"Mobile odieux, façon d'agir odieuse, préméditation: vous avez là l'assassinat dans toute son acception! Retenons qu'à chaque fois que quelqu'un a essayé de l'aider il l'a manipulé, il l'a ridiculisé. A chaque fois qu'un sentiment l'a assailli, il l'a repoussé." Me Ntah a ainsi exhorté le tribunal à retenir les infractions retenues par le Ministère public la veille, et donc à prononcer l'internement à vie.
Les derniers mots de la plaidoirie de l'avocat des parties civiles ont encore été pour Adeline et ses proches, dont il a salué le courage et la dignité. "Il n'a pas juste ôté une vie, il a ôté tout le bonheur qui va autour, et pas pour un instant mais pour toujours! (...) Et malgré cela, ils se sont battus jusqu'au bout."
L'internement à vie, un "système complètement faux"
L'avis de l'ex-procureur tessinois Dick Marty
Interrogé dans le Journal du matin vendredi sur la mesure d'internement à vie, l'ex-procureur général du Tessin Dick Marty a dit que cette disposition était contre ses convictions, car le "système est complètement faux".
Selon l'ancien conseiller aux Etats (PLR/TI), le dispositif judiciaire permet aujourd'hui de ne pas "relâcher un criminel dans la nature. Il convient de faire en sorte que le système fonctionne", préconise le Tessinois.
"Dire aujourd'hui que dans 30 ans, une personne sera toujours irrécupérable, aucun psychiatre sérieux n'est à même de le dire. C'est une mesure démagogique qui ne rend pas service à la justice," conclut Dick Marty.
L'internement à vie requis (18 mai - jour 4)
"Nous nous trouvons dans le cas d'une personne durablement non amendable"
Olivier Jornot a requis une peine privative de liberté à vie, entraînant un soupir de soulagement dans les rangs des parties plaignantes. Le procureur général s'est ensuite lancé dans une longue tirade sur la mesure d'internement à vie, qui a maintenu l'auditoire en haleine.
Il a commencé par énumérer les critiques communément énoncées à l'encontre de cette disposition. "L'internement à vie signifie qu'une fois la peine purgée on reste détenu, si aucune autorité n'arrive jamais à décider que sa dangerosité a diminué", a-t-il déclaré dans un premier temps. En outre, a poursuivi le procureur général, "la mise en oeuvre de la mesure d'internement à vie a jusqu'à présent donné lieu à une jurisprudence extrêmement rigoureuse du Tribunal fédéral.
"En réalité, personne ne connaît ce texte"
Mais, a argué le procureur général, "en réalité ce texte personne ne le connaît". Et de défendre: l'article de loi prévoit bien que le juge peut prononcer la levée de l'internement à vie en cas de nouvelles connaissances scientifiques, ou si la dangerosité de l'interné a baissé.
Quand on dépeint l'internement à vie, c'est comme si on fermait à clé et qu'on jetait la clé. Or, on garde bien soigneusement la clé, même s'il est vrai qu'on ne demande pas 'Comment ça va?' toutes les cinq minutes.
Olivier Jornot a donc finalement réclamé la mise en oeuvre de la mesure, en raison des antécédents "extrêmement lourds" de Fabrice A., et du caractère "épouvantable" de son acte. "Nous nous trouvons bien dans le cas d'une personne durablement non amendable", a-t-il insisté, soulignant que le peuple suisse avait accepté l'internement à vie en pensant à des individus comme Fabrice A..
Puis, s'adressant aux proches d'Adeline: "si toutefois ce tribunal devait renoncer à prononcer l'internement à vie, cela ne signifierait en rien que vous avez perdu un combat. Ce ne serait pas un échec pour vous, et je ne le considérerais pas comme un échec pour moi."
Après ce réquisitoire qui a duré environ trois heures et demie, l'audience a été suspendue. Les plaidoiries des avocats de l'accusation et de la défense devaient être entendues vendredi, le dernier jour du procès.
Passage en revue des chefs d'accusation (18 mai - jour 4)
"Un assassinat, avec trois circonstances aggravantes"
Lors du passage en revue des infractions, Olivier Jornot a argué que l'homicide d'Adeline était "bel et bien un assassinat", avec trois circonstances aggravantes. La première, la préméditation: "ce n’était pas un coup de tête, il y avait un exercice de la volonté évident". Fabrice A. avait tout noté dans un carnet qu'il portait sur lui, a rappelé le magistrat.
La deuxième, ce sont les motivations du meurtre: "ce but sexuel, ce but de satisfaire un fantasme de domination, est d’un égoïsme extraordinaire. Il y avait aussi le but de retrouver son ex-compagne polonaise pour l’exterminer". Cette jeune femme a eu beaucoup de chance, a relevé Olivier Jornot. Troisièmement, "il y a la façon d’agir, qui a consisté à traiter Adeline comme un animal et à la regarder agoniser".
Sur la question de la responsabilité pénale de Fabrice A., le procureur général Jornot s'est rangé du côté des experts psychiatres français, appelant le tribunal à retenir une responsabilité pénale pleine et entière.
Olivier Jornot souligne l'absence de regrets (18 mai - jour 4)
"Pas un mot de regrets" lors des premières auditions
Le procureur général genevois s'est ensuite attaqué à la question de savoir si Fabrice A. éprouvait des regrets. Il a décrit le comportement du prévenu lors de ses premières auditions face à la police et le Ministère public, trois mois après les faits. "A ce moment-là, il n'a pas exprimé un seul mot de regret", a indiqué Olivier Jornot. D'après le procureur, l'expression du regret est venue plus tard, sous la forme d'une "phrase stéréotypée".
Le représentant du Ministère public genevois a encore évoqué le registre sémantique "inadéquat" utilisé par Fabrice A. lorsqu'il évoque les faits dont il est l'auteur. "Il parle de 'l'affaire Adeline' comme si on était sur la manchette qu'un quotidien", ou encore de sa "mésaventure".
Le Ministère public veut démontrer la préméditation (18 mai - jour 4)
"Chaque fois que nous avons confronté ses déclarations, elles se sont révélées fausses!"
Le procureur général a pris la parole pour son réquisitoire à la reprise de l'audience à 14h30, devant une salle bondée. En préambule, Olivier Jornot a souligné l'importance de la charge émotionnelle d'une "affaire hors norme". "Fabrice A., à l'inverse, n’a jamais donné le moindre signe de la moindre émotion", a souligné le procureur général. "C’est précisément une femme qui lui voulait du bien, qui avait choisi de consacrer sa vie professionnelle aux détenus, qu'il a choisi de tuer."
Les expertises nous ont montré qu’Adeline est morte pour que Fabrice A. (...) puisse profiter durablement de ce 'trophée' qu’il avait longtemps convoité.
Méthodiquement et avec force détails, le procureur général a listé les nombreuses contradictions entre les explications données par le prévenu dans le prétoire et celles qu'il avait livrées lors de l'instruction. Ainsi que tout ce qu'il aurait à dessein passé sous silence. "Il n'est tout simplement pas possible de croire les éléments factuels posés par le prévenu durant son récit", a martelé Olivier Jornot. "Chaque fois que nous avons pu confronter ses déclarations à des éléments ou des témoignages extérieurs, elles se sont révélées fausses!"
Le procureur genevois a insisté sur la nature versatile et mouvante du prévenu, qui se retrouve autant dans son rapport dysfonctionnel aux femmes -considérées comme des objets- que dans ses changements subits de croyance: un de ses co-détenus dira qu’il était "tantôt musulman, tantôt amish, tantôt néo-nazi". "C'est l'instabilité perpétuelle, on ne s’arrête sur rien, l’intérêt change en permanence", a souligné Olivier Jornot. Et, parmi les rares centres d'intérêt constants, une fascination pour les tueurs en série fictionnels (Hannibal Lecter) comme réels (Ed Gein), un fétichisme pour les couteaux, une appétence pour les films violents.
Le ministère public est encore revenu sur le parcours criminel de Fabrice A.. Les deux viols commis au début des années 2000 montraient déjà le profil pervers, sadique, et le penchant pour la domination du prévenu, a rappelé Olivier Jornot. A ce moment-là, "la même mécanique de mensonge, le même phénomène de minimisation se mettent déjà en place", "on constate des éléments de scénario rigoureusement constants", a-t-il noté.
"Il sait bien quelle bombe il sera!"
Olivier Jornot a voulu déconstruire la version des faits de Fabrice A. et, surtout, démontrer la préméditation du meurtre commis par le prévenu. Ses recherches sur internet, ses démarches pour se procurer un couteau, le repérage préalable du lieu du crime, le fait qu'il se soit arrangé pour qu'Adeline l'accompagne lors de sa sortie équestre: pour Olivier Jornot, tous ces éléments abondent dans le sens d'une préméditation.
Dans les jours qui ont précédé les faits, alors que Fabrice A. nourrissait un imaginaire extrêmement violent, "jamais il n’a cherché d’aide! Jamais il n'a révélé à un médecin ce qui se passait en lui!", a tempêté le procureur général. "Il sait, à ce moment-là, que quelques jours plus tard il sera seul avec Adeline, muni d'un couteau près d'une maison abandonnée: il sait bien ce que cela provoque chez lui, il sait bien quelle bombe il sera! Et il n'en dit rien."
Juan Poy a le sentiment du devoir accompli (18 mai - jour 4)
"J'ai fait le maximum pour ne pas avoir de regrets"
A la suspension d'audience, juste après son audition, le compagnon d'Adeline a livré son ressenti aux journalistes sur les marches du Palais de justice. Il a expliqué tout l'enjeu que représentait cette prise de parole, tant pour lui-même que pour sa fille.
Le compagnon d'Adeline parle de la Pâquerette (18 mai - jour 4)
Pour Juan Poy, la Pâquerette "manquait de cadre"
Au cours des témoignages des proches d'Adeline, s'est dessiné en creux le fonctionnement de la Pâquerette. La mère de la victime a indiqué qu'Adeline avait cherché à changer d'emploi dès lors qu'elle a su qu'elle attendait un enfant. "Elle trouvait ce milieu trop hostile et a commencé à chercher un travail, du côté des victimes cette fois", a-t-elle raconté.
Plus tard, Juan Poy a expliqué que si "l'idéologie de la Pâquerette était belle sur le papier", sa compagne et lui ont déchanté au bout de quelques mois car ils ne faisaient "pas de thérapie". Un principe, à la Pâquerette, était par exemple de ne jamais parler des délits commis par les détenus, et le couple ressentait de la frustration à constater que le travail de sociothérapie n'avait pas vraiment d'effet sur eux. Il a encore ajouté que la Pâquerette "manquait de structure et de cadre".
500 francs par mois pour suivre une thérapie
Les détenus étaient payés 500 francs par mois pour suivre la sociothérapie. Juan Poy a expliqué que ce principe le mettait mal à l'aise: "dans ce cas tu suis la thérapie non parce que tu veux aller mieux, mais parce que tu es payé pour!" Rongé par la culpabilité, le compagnon de la défunte n'en finit pas de s'interroger: les choses se seraient-elles passées différemment s'il avait alors alerté les autorités sur les dysfonctionnements qu'il avait remarqués?
A l'issue de son audition, l'audience a été levée peu après 11h00. Le procureur général Olivier Jornot devait prononcer son réquisitoire jeudi après-midi.
Le compagnon d'Adeline pointe la perversité de Fabrice A. (18 mai - jour 4)
"Il est rarissime qu'un sociothérapeute ait peur d'un détenu"
L'audition du compagnon d'Adeline, qui était lui aussi thérapeute à la Pâquerette, a suivi celle des parents de la victime. Il a d'abord dépeint les comportements déplacés de Fabrice A. au centre de sociothérapie, et la gêne qu'il provoquait au sein du personnel féminin. "Il était collant avec les femmes. Et il avait une attitude amoureuse avec Adeline, il la sollicitait beaucoup", a-t-il décrit.
"Il est très rare qu'un sociothérapeute ait peur d'un détenu, cela m'est seulement arrivé quatre fois dans ma carrière dont une fois avec lui", a admis Juan Poy. "Il n'était pas un détenu comme les autres." Le compagnon d'Adeline a encore relaté la curiosité malsaine et le sentiment de rivalité que Fabrice A. a semblé alimenter à son égard, dès lors qu'il a appris que la sociothérapeute et lui formaient un couple.
Le jour du drame, il a dit à Adeline en me regardant dans les yeux, moi son compagnon: 't'as pris les sous, chérie?' Si ça ce n'était pas une provocation!
Est ensuite venue la difficile évocation de son quotidien de père veuf, le poids du regard des autres. "Faire mon travail de père au début était très dur, mais finalement ma fille m'a tenu car elle était ma seule raison de vivre", a relaté Juan Poy. Le conjoint d'Adeline a aussi dit la difficulté de parler du drame à une enfant en bas âge, les mots soigneusement choisis. Pour le moment, il parle d'"accident". Mais "un jour elle comprendra".
Au fond, a-t-il dit, ce qui le rend le plus triste est de penser que sa fille soit condamnée à expérimenter toutes les étapes de la vie sans sa mère: "les premiers mots, les premiers pas, le premier anniversaire... Tout cela, c'est sans sa mère." Et aussi de penser qu'Adeline, pour qui avoir un enfant était "le grand projet d'une vie", n'aura côtoyé son bébé que quelques mois.
Les parents de la victime veulent l'internement à vie (18 mai - jour 4)
"Nous aimerions être assurés qu’il ne pourra plus faire de mal à la société"
Jeudi matin, les parents et le compagnon d'Adeline étaient auditionnés. La mère d'Adeline a, la première, dignement lu à la cour une déclaration empreinte d'émotion. "La mort de notre fille, nous arrivons petit à petit à l’apprivoiser. Mais la manière dont elle est morte, nous ne l’accepterons jamais. Nous portons tous, de façon très lourde, l’horreur qu’Adeline a subie", a-t-elle déclaré.
Elle a ajouté que sa petite-fille -qui n'avait que huit mois au moment des faits- s'interrogeait chaque jour davantage sur l'absence de sa maman. La mère de la victime a rendu hommage au caractère lumineux et empathique de sa fille, à sa foi en l'être humain, soulignant à quel point cette dernière trouvait du sens au travail qu'elle effectuait auprès des détenus de la Pâquerette. "Elle nous disait qu'en chacun d’eux il y avait une étincelle... La suite nous a montré qu’elle a eu tort d’y croire."
Son parcours criminel est allé crescendo et son comportement lors du procès nous montre qu’il aurait pu faire encore pire.
Le père d'Adeline a brièvement suivi, en pointant les dysfonctionnements ayant permis à Fabrice A. de commettre son geste. "Vu son profil, son parcours, pourquoi a-t-il été admis à la Pâquerette? Si cela n’avait pas été le cas, Adeline serait encore avec nous", a-t-il dénoncé.
Les parents de la victime ont exhorté le tribunal à prononcer l'internement à vie de Fabrice A.. "Nous ne sommes ni en colère ni révoltés, mais nous lutterons de toutes nos forces pour qu’un pareil drame ne se reproduise jamais. (...) Nous aimerions être assurés qu’il ne pourra plus faire de mal à notre entourage et à la société", ont-ils déclaré, peinant à retenir leurs sanglots.
Les experts suisses doutent que Fabrice A. ait pu avoir des regrets (17 mai - jour 3)
"La notion de remords n'est pas ancrée dans sa personnalité"
Après une suspension d'audience, l'accusation et la défense ont posé davantage de questions aux docteurs Rageth et Luke sur la psychologie du prévenu. Le procureur général Olivier Jornot a notamment cherché à comprendre si la préméditation du geste de Fabrice A. était compatible avec une forme de regret. -"Difficilement", a répondu la Dr Rageth.
"Fabrice A. pouvait à la fois dire d'Adeline qu'elle était gentille, disponible, bienveillante, tout en nourrissant des fantasmes d'égorgement à son égard. Ce serait impossible pour une personnalité non clivée. Ce qui me fait dire que la notion de remords ou de regrets n'est pas ancrée dans la personnalité" du prévenu, a analysé la psychiatre.
Fabrice A. n'est pas capable de se mettre émotionnellement dans la peau de quelqu'un qui a connu la perte d'un être cher.
Répondant à une relance de l'avocat de la défense sur cette question, Alexandra Rageth a développé son analyse. "Fabrice A. peut intellectualiser mais il n'est pas capable de ressentir de l'empathie", a expliqué la doctoresse. Pour éprouver des regrets, a poursuivi la psychiatre, il faut endosser la pleine responsabilité de ses actes. "Or, Fabrice A. est toujours dans l'hétéro-attribution de son geste."
A l'issue de plusieurs questions de la défense, parfois jugées peu pertinentes par le tribunal ou les experts eux-mêmes, l'audience a été suspendue pour la journée à 13h30. La famille de la victime devait être entendue jeudi matin, avant que le procureur général Olivier Jornot n'entame son réquisitoire dans l'après-midi.
Les experts ne préconisent pas l'internement à vie (17 mai - jour 3)
"Il est impossible de se prononcer à aussi long terme"
Pour les experts, Fabrice A. présente un grave trouble de la personnalité dissociale. Selon eux, sa responsabilité pénale s'en trouve "très légèrement voire légèrement diminuée": "il était conscient que ce qu'il faisait était illégal, mais sa capacité à contrôler son geste a été altérée, du fait de l'intensité de ses pulsions", ont expliqué les médecins.
Les psychiatres ont estimé que le prévenu présentait un risque de récidive "très élevé", et se sont dit très dubitatifs quant à sa capacité à évoluer "à court ou moyen terme" tout en précisant "qu'il [était] encore jeune et [devrait] être réévalué". Ils ont estimé qu'il n'existait actuellement pas de traitement qui permettrait de réduire ce risque de récidive.
Répondant à une question du président sur d'éventuels soins médicaux, le Dr Luke a noté que la prise en charge des troubles psychopathiques était "très complexe". Il a ajouté que, pour espérer une amélioration de l'état de Fabrice A., un travail "de très longue haleine", avec un suivi beaucoup plus soutenu que celui dont il bénéficie actuellement, serait vraisemblablement nécessaire.
Le duo de psychiatres a toutefois déclaré, à l'instar de ses confrères français, ne pas pouvoir poser un diagnostic à vie, car il est "impossible de se prononcer, à aussi long terme, tant sur l'évolution d'un patient que sur celle de la science".
Les experts suisses ne croient pas Fabrice A. (17 mai - jour 3)
"Il nous a menti délibérément"
Au lendemain de l'audition des psychiatres français Pierre Lamothe et Daniel Zagury, c'était au tour de leurs confrères suisses Alexandra Rageth et Eric Luke de présenter au tribunal les conclusions de leur expertise.
Les médecins sont revenus sur la fameuse scène d'égorgement de "Braveheart": "il nous a dit avoir souvent imaginé que c’était lui et Adeline", a indiqué Alexandra Rageth. Fabrice A. avait dit à ses psychiatres avoir développé un imaginaire érotique au sujet de la sociothérapeute dès le premier jour. Le jour des faits, le prévenu aurait ressenti "le sentiment de domination le plus fort lors de l'égorgement, car c'est là qu'il a choisi entre la vie et la mort", ont poursuivi les experts.
Pour eux, la préméditation ne fait aucun doute. "La tuer faisait partie de ses plans", ont-ils certifié. Plus tard dans la matinée, ils ont estimé qu'au moment où Fabrice A. s'était renseigné sur les couteaux avant la sortie équestre, "il savait exactement ce qu'il faisait".
Il est tout le contraire du titre du film "Braveheart", qui signifie "coeur courageux".
Le Dr Luke a précisé que Fabrice A. avait donné l'impression d'une rivalité avec le compagnon d'Adeline. "Il se demandait pourquoi une femme comme elle (...) était avec un homme qui, selon lui, n’avait pas de charisme, il trouvait qu’elle méritait mieux". "Il a encore dit: 'c’est finalement moi qui l’ai eue'", a relevé le psychiatre.
"Il nous a menti délibérément"
Contrairement aux experts français la veille, les experts suisses ont clairement mis en doute la véracité des déclarations que Fabrice A. a livrées lors des expertises. "Je pense qu'il nous a menti délibérément", a martelé la Dr Rageth. Et d'évoquer spécifiquement la question d'un foulard, retrouvé sur le lieu du crime, à propos duquel le prévenu n'a jamais fourni d'explication. "Il nous a donné le sentiment de nous cacher quelque chose", a insisté la psychiatre.
Les médecins ont encore souligné la personnalité "immodeste" de l'accusé, sa tendance à aimer s'écouter parler, à "se penser très intelligent" et à s'arranger avec la vérité "de sorte de se présenter systématiquement sous un jour favorable. "Il se refait en permanence le film de sa vie", ce qui implique un "clivage" afin de "mettre de côté la partie mauvaise de sa personnalité et les humiliations qu'il estime avoir subies".
La défense espère nuancer l'image de son client (16 mai - jour 2)
"Il y a peut-être bien une forme de regrets"
Interrogés par l'avocat de Fabrice A. Me Yann Arnold, les experts français n'ont pas exclu -sans toutefois l'affirmer- que le prévenu ait pu ressentir une forme de regrets d'avoir tué Adeline. L'accusé leur avait notamment décrit un état de sidération après le meurtre, tandis qu'il faisait route vers la Pologne.
"Ce n'est pas le plaisir qui prédomine à ce moment-là", a analysé le docteur Lamothe. "Il est plutôt encombré par ce qu'il a fait; il réalise qu'il est allé au bout d'une idée avec laquelle il jouait jusque-là." "En revanche je pense que devant sa victime, juste avant l'acte, il a ressenti le plaisir de sa toute-puissance et l'étonnement que cela ait été si facile", a développé le docteur Lamothe.
Le prévenu attend que des limites externes lui soient imposées, ont en effet pointé les experts à plusieurs reprises durant leur témoignage. Il tend à rejeter la responsabilité de son acte sur autrui ou sur son environnement, pour ne pas l'avoir empêché de le commettre. Ce phénomène, les psychiatres l'appellent l'"hétéro-attribution".
Ce sont ces naïfs juges suisses qui l'ont insuffisamment puni, ces naïfs psychiatres qui l'ont écouté, ce naïf personnel de la Pâquerette qui l'a laissé faire...
Après les quelques questions de la défense, l'audience a été levée peu avant 18h00. Le deuxième collège d'experts devait être entendu mercredi.
L'accusation face aux experts français (16 mai - jour 2)
Ambiance nettement plus sereine que lors du premier procès
En milieu d'après-midi, le procureur général Olivier Jornot a commencé à poser ses questions aux deux experts psychiatres, sur un ton affable et dans une ambiance sereine contrastant avec la nervosité qui avait dominé lors du premier procès en octobre.
Olivier Jornot a voulu savoir pourquoi le prévenu se livrait à des discours différents selon qu'il s'exprimait devant le tribunal ou devant les psychiatres. Le docteur Zagury a estimé que Fabrice A. voulait avant tout donner aux experts l'image d'un grand criminel. "Il nous a dit des choses qui lui sont très défavorables, de manière extrêmement crue; ce n'est donc en tout cas pas une minimisation de sa part", a noté le médecin, qui a encore souligné l'incapacité du prévenu de réaliser à quel point ses propos peuvent choquer ses interlocuteurs.
"Tempête sous un crâne"
A propos de la mère de Fabrice A., que ce dernier dépeint à l'envi comme une marâtre, les psychiatres ont indiqué que l'accusé n'avait jamais fourni de véritables exemples du despotisme de sa mère. "Ce que nous décrivons n'est pas la mère réelle de l'expertisé mais l'image qu'il en restitue, en l'occurrence terrifiante."
Pendant l'expertise, Fabrice A. avait dit avoir ressenti un "orgasme dans le cerveau" lorsque sa lame était passée sur le cou de sa victime. Or, il a dit lundi que sa lame était "partie toute seule". Pour autant, les experts ne considèrent pas ces deux discours incompatibles. "Au moment des faits, c’était tempête sous un crâne! Ce n’est pas impossible qu’il ait exécuté ce geste sans le maîtriser."
Répondant ensuite à une courte intervention de l'avocat de la famille, le docteur Lamothe a estimé qu'il était tout à fait possible que l'intérêt de Fabrice A. pour le sadique de Romont ait davantage relevé de la "fascination" que d'une simple "interrogation intellectuelle".
Les experts français refusent de parler d'incurabilité (16 mai - jour 2)
"Il est impossible de dire qu'un sujet sera, sa vie durant, le même, pire, ou meilleur. "
Interrogés sur le degré de préméditation du meurtre d'Adeline, les docteurs Zagury et Lamothe ont, comme lors du premier procès en octobre, livré une réponse développée et nuancée, peu enclins à afficher une certitude absolue. Pendant leur exposé Fabrice A., lui, a prêté une oreille attentive.
Les experts ont appelé à ne pas prendre pour argent comptant les déclarations du prévenu. "Ce n'est pas qu'il y ait un doute quant au bien fondé de son mot à mot", a tenté d'expliquer le docteur Zagury, face à un tribunal qui a parfois paru confus. "C'est que lui-même interprète ses propres actes de manière différente en fonction des moments. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ment une fois et qu'il dit la vérité l'autre fois. (...) Mais dans sa volonté de contrôle, de toute puissance, il peut aller jusqu'à laisser entendre qu'il a tout fait de bout en bout, quitte à exagérer sa maîtrise" des événements.
Il n'apparaît pas possible à nos yeux qu'il ait exécuté froidement un plan, étape par étape. Mais il n'apparaît pas davantage possible à nos yeux qu'il ait totalement improvisé.
Ce que pensent les experts français, donc, c'est que le niveau de préméditation du geste de Fabrice A. se situe quelque part entre la préméditation totale et l'improvisation. Les psychiatres considèrent que "deux courants se sont télescopés" chez Fabrice A. lors de son passage à l'acte: "d'une part, son projet d'évasion en Pologne et, d'autre part, ses fantasmes d'égorgement et de maintenir l'autre à sa merci."
Responsabilité pénale "pleine et entière"
Les psychiatres ont encore confirmé l'existence d'un "trouble de la personnalité psychopatico-perverse" chez Fabrice A., mais ont bien souligné qu'il ne s'agissait pas là d'une maladie mentale, concluant à la responsabilité pénale pleine et entière du prévenu.
Il est impossible de dire avec certitude qu'un sujet sera, sa vie durant, le même, pire, ou meilleur.
Quant au risque de récidive, "il est très important à court terme. A moyen terme, il est très difficile de se prononcer, et à long terme impossible", ont jugé les experts. "Il n'y a pas d'élément clinique pour dire qu'il n'évoluera jamais", ont-ils ajouté, se refusant formellement à poser un diagnostic à vie. L'expérience montre que "certains criminels peuvent guérir de façon bizarre" et "sortir de la monstruosité", ont déclaré les experts.
Les experts ont toutefois laissé les interprétations juridiques au tribunal. Rappelons que pour prononcer l'internement à vie, la loi exige deux expertises concluant que le prévenu est "durablement non amendable".
Audition très attendue des experts français (16 mai - jour 2)
Les docteurs Zagury et Lamothe avaient été malmenés lors du premier procès
L'audition des médecins français qui ont rédigé l'une des deux expertises psychiatriques de Fabrice A. a débuté à 14h15. L'enjeu était important, puisqu'ils furent l'un des éléments déclencheurs du fiasco du premier procès. Les docteurs Lamothe et Zagury, d'éminents spécialistes des tueurs en série, avaient alors été malmenés par l'accusation; il leur était reproché de ne pas avoir fait leur travail dans les règles de l'art et de méconnaître le dossier.
C'est au lendemain de leur audition que la présidente du tribunal avait annoncé la suspension du procès, dans le but de demander une troisième expertise psychiatrique.
La réaction des parents d'Adeline (16 mai - jour 2)
"Nous avions hâte que cela se termine"
Après avoir entendu Fabrice A. pendant près de huit heures, les parents d'Adeline ne se sont pas dit surpris par les propos qu'a tenus l'accusé. Des choses déjà entendues. Mais ils ont eu hâte que cela se termine.
Le prévenu est interrogé par son avocat (16 mai - jour 2)
"J'ai tourné la page"
A la reprise des débats à 11h30, Fabrice A. a commencé à répondre aux questions de son conseil, Me Yann Arnold. Il s'est attaché à démontrer une amélioration de son état.
Cette ancienne compagne polonaise, qui l'obsédait au point de motiver son évasion de la Pâquerette? -"Je pense pouvoir dire aujourd'hui que j'ai tourné la page." Ses fantasmes de viol? -"Il m'arrive encore d'en avoir, de moins en moins fréquemment", et il s'efforcerait aujourd'hui de les contenir. A-t-il encore des fantasmes d'égorgement? -"Certainement pas."
Son avocat lui a demandé si, malgré le fait qu'il ait dit n'avoir jamais été amoureux d'une femme, Fabrice A. avait déjà ressenti un sentiment amoureux. -"Pour une femme non, mais pour un homme oui", a lâché le prévenu avant la suspension de midi.
Fabrice A. énervé par l'avocat de la famille (16 mai - jour 2)
"Vous n'écoutez pas ce que je dis!"
Le procureur général a cédé la parole au conseil de la famille d'Adeline. L'échange s'est rapidement tendu, Fabrice A. reprochant à l'avocat de faire des raccourcis de "mauvaise foi" et une "interprétation très personnelle" de ses propos.
Me Ntah a cherché à définir les contours des "fascinations horrifiques" de Fabrice A.. Il a d'abord demandé au prévenu quel lien il faisait entre son obsession pour la scène d'égorgement de "Braveheart" et sa propre mère. Le prévenu s'est retranché derrière l'analyse qu'en fait, selon ses dires, son psychiatre: "je revivais en visionnant cette scène la terreur que m'inspirais ma mère lorsque j'étais enfant".
La "théorie de la mère" suscite le scepticisme
Cette "théorie de la mère", Fabrice A. la brandit depuis lundi. A ce stade elle n'a été accueillie qu'avec un scepticisme manifeste de l'accusation. L'avocat a ensuite demandé quel était le lien entre la mère de l'accusé et sa fascination pour Hannibal Lecter. Cette fois, le prévenu s'est emporté: "Vous n'écoutez pas ce que je dis j'ai l'impression, j'en ai un peu marre de me répéter!"
"Et votre fascination pour le sadique de Romont, comment l'expliquez-vous?", s'est enquis Me Ntah. -"Je n'avais pas de fascination pour lui, c'est quelqu'un que je côtoyais à mon corps défendant lorsque j'étais détenu à Bochuz. Ce que je voulais surtout comprendre, c'était comment il était possible d'ôter la vie, qui plus est sans le regretter après."
Je ne réponds pas à ce genre de questions de votre part, parce que vous êtes avocat et pas psychiatre, et j'en ai assez!
Lundi, Fabrice A. a nié avoir nourri des sentiments amoureux pour Adeline. L'avocat s'en est étonné: "tout le monde à la Pâquerette le pensait pourtant." Le prévenu, dans une irascibilité qu'il n'avait jusqu'alors jamais montrée, s'est à nouveau agacé: "Puisque vous persistez à vouloir faire de la psychiatrie malgré vos lacunes dans ce domaine, je vais vous dire une chose: je n'ai jamais été amoureux d'aucune femme."
Juste avant de conclure son interrogatoire, Me Ntah a rappelé que, lors d'une audition passée, Fabrice A. avait déclaré avoir acheté son couteau de chasse en n'excluant pas de l'utiliser contre Adeline si sa fuite tournait mal. "Contestez-vous avoir dit cela?" - "Non, mais ce que j'ai dit, c'est ce que j'imaginais être juste sur le moment, dans une démarche de contrition", a bredouillé le prévenu avant une suspension d'audience.
Interrogatoire du Ministère public (16 mai - jour 2)
Le procureur général confronte Fabrice A. à ses contradictions
L'audition du prévenu a repris dès 9h00 mardi, avec l'interrogatoire mené par le procureur général Olivier Jornot. Les questions de ce dernier ont mis en lumière des contradictions entre certaines déclarations faites par le prévenu au cours de l'instruction ou des expertises, et ce qu'il clame dans le prétoire.
Fabrice A. a par exemple déclaré au tribunal qu'il avait prévu de vendre les derniers mots d'Adeline à la presse pour améliorer ses conditions de détention. "Donc, quand vous m'avez dit, en décembre 2013, que vous aviez l'intention de donner cet argent à la famille d'Adeline, vous m'avez raconté des histoires!", a tonné le procureur général.
"Fascination horrifique"
Fabrice A. a admis une "fascination horrifique" pour les scènes de meurtre dans les films, dans lesquelles les bourreaux ont droit de vie et de mort sur leurs victimes. Oui, a-t-il concédé, il a imaginé égorger Adeline.
Le prévenu a provoqué un rire nerveux dans l'assistance, en corrigeant le procureur général sur un point de détail de la scène d'égorgement de "Braveheart": "dans le film, la victime n'est pas attachée à un tronc, mais à un poteau". Pour lui, dresser une analogie entre le film et le meurtre d'Adeline n'est par conséquent pas pertinent.
Cette scène en particulier, il l'avait enregistrée sur son ordinateur. "Pourquoi?", a demandé le procureur général. -"Pour pouvoir y accéder facilement sans devoir me taper tout le film", a expliqué Fabrice A.. Mais, a-t-il répété plus tard, "il n'y a pas de lien entre les films que je visionnais et les actes qui sont arrivés, c'est un raccourci qui n'est pas juste".
Fabrice A. nie avoir prémédité le meurtre (15 mai - jour 1)
"Coupable je le suis, (...) mais cela s'est décidé sur le moment"
L'audience a repris à 14h00. Fabrice A. était confronté aux faits qui lui sont reprochés. A la lecture de l’acte d’accusation, le prévenu a reconnu tant la séquestration que la contrainte sexuelle et l'homicide. "Coupable je le suis, c'est indéniable", a-t-il admis.
Sa réponse a été plus alambiquée lorsqu'il lui a été demandé de se prononcer sur le caractère intentionnel du meurtre. "C’est compliqué de répondre, la lame est partie sans que je l’aie vraiment décidé", a-t-il tenté d'expliquer.
"Pourquoi avez-vous tué Adeline?" a alors interrogé le président. "Il y a plusieurs raisons. La première, la plus 'intellectuelle' si j'ose dire, c'était de pouvoir gagner la Pologne pour y retrouver [mon ex-compagne] sans être intercepté en route. A cela s'ajoute la pulsion, qui elle était plus forte que moi", a raconté Fabrice A.
Le prévenu a nié à plusieurs reprises avoir été amoureux d'Adeline, tout en concédant qu'il la trouvait "très attirante". Si c'est avec elle qu'il a souhaité faire cette funeste sortie d'équithérapie, a-t-il affirmé, c'est parce qu'elle était la sociothérapeute "la plus facile à manipuler".
Détachement désarmant
Interrogé sur les derniers mots prononcés par son éducatrice, Fabrice A. a maintenu les déclarations qu'il avait faites en octobre, à savoir que la victime avait adressé ses ultimes pensées à sa famille et à sa fille. "Je persiste et signe" a insisté le prévenu, soulignant que dire la vérité était "l'une des seules choses bien" qu'il pourrait faire dans sa vie.
A chaque prise de parole, l'accusé a affiché la même attitude que lors de son premier procès en octobre: un détachement désarmant, un souci du détail et du mot juste, une manière d'analyser froidement son propre comportement comme s'il s'agissait de celui de quelqu'un d'autre. Et une capacité à présenter des déclarations incohérentes comme parfaitement logiques.
Le président Fabrice Roch a dû user de son autorité pour canaliser Fabrice A. et l'empêcher de digresser: "je ne vous demande pas de m'en dire plus, je vous demande de répondre aux questions", a-t-il sèchement coupé.
Fabrice A. nie avoir prémédité le meurtre
Cruciale, la question de la préméditation du meurtre a été au coeur de l'audition de lundi après-midi. Le président a notamment interrogé le prévenu sur la scène d'égorgement du film "Braveheart", qui avait fait forte impression sur lui et qu'il avait visionnée à de multiples reprises pour nourrir ses violents fantasmes.
"Pensez-vous que cette scène ait un lien avec le meurtre d'Adeline?" s'est enquis le président. "C'est un raccourci vite fait et facilement fait, mais je ne le crois pas", a répondu Fabrice A. L'égorgement lui aurait éventuellement "traversé l'esprit" mais sans plus, d'après lui. Fabrice A. a toutefois fini par admettre qu'à ses yeux, cet acte revêtait une dimension sexuelle.
En somme, le prévenu a uniquement reconnu avoir prémédité son évasion, pas l'homicide. En dépit du fait qu'il avait déclaré l'inverse aux psychiatres qui l'ont expertisé. "Et le fait d'entraver Adeline, c'était décidé?" a cherché à savoir le tribunal. "C'était un des scénarios possibles, mais cela s'est décidé sur le moment", a assuré Fabrice A.
"Dr. Jekyll et M. Hyde"
Lorsque le tribunal a cherché à savoir quel sort Fabrice A. aurait réservé à son ancienne compagne s'il avait réussi à la retrouver en Pologne, le prévenu a admis "qu'il y avait la possibilité que ça tourne mal". "Si elle n'avait pas été coopérative, j'aurais pu être amené à l'entraver avec du ruban adhésif (...). Cela aurait pu déboucher sur un viol."
Après ces mots, il a jugé utile de se reprendre: "Lorsque je parle de la tournure hypothétique qu'auraient pu prendre mes éventuelles retrouvailles avec elle, je suis peut-être en train de délirer, ce n'est pas à prendre au premier degré."
Aujourd'hui, je ne suis plus dans le même état d'esprit que celui dans lequel je me trouvais le jour du drame, mais je sais que je ne suis pas quelqu'un de sain.
Le président a enchaîné en allant droit au but. A la question "pourriez-vous encore tuer aujourd'hui?", le prévenu a répondu avec aplomb: "assurément, non." Il s'est en revanche dit "pas encore prêt" à affirmer qu'il ne pourrait plus commettre de viol.
A l'une des juges qui lui demandait si évoquer "Dr. Jekyll et M. Hyde" pour parler de son cas n'était pas pour lui une façon de se dédouaner, le prévenu a expliqué: "Je ne conteste pas que c'est moi qui ai commis ces actes ignobles, mais ils sont lourds à porter, il est dur de vivre avec ça sur sa conscience. Quand je parle de 'Dr. Jekyll et M. Hyde', c'est vraiment ce que je ressentais, je n'étais pas dans mon état normal.
L'audience a été suspendue à 18h00.
La réaction de la mère d'Adeline (15 mai - jour 1)
"On espère la peine maximale"
Devant le Palais de justice de Genève, la mère d'Adeline a livré quelques mots aux journalistes à la suspension de midi, évoquant notamment ses attentes quant à la peine qui sera prononcée.
Fabrice A. entendu sur sa situation personnelle (15 mai - jour 1)
"Je veux me libérer de ces chaînes"
L'audition du prévenu a débuté à la mi-journée, après le rejet des questions préjudicielles. Vêtu d'un ample tee-shirt bleu et d'un pantalon de sport gris, apparemment détendu, Fabrice A. a répondu aux questions formelles du tribunal sur sa situation personnelle et ses conditions de détention.
L'accusé a notamment expliqué qu'il ne recevait plus aucune visite, ayant "mis un terme aux visites de [sa] mère" et à celle de l'imam de la prison car il n'est "plus pratiquant". Il a encore déclaré qu'il misait sur sa thérapie pour "se libérer des chaînes qui l'ont poussé à commettre l'irréparable".
L'avocat de l'accusation, Me Ntah, a pointé qu'en 2014, Fabrice A. avait dit s'être tourné vers la religion musulmane pour s'empêcher de récidiver. Invité à s'expliquer sur son revirement, le prévenu a estimé que la thérapie psychiatrique pouvait jouer le même rôle. Il a ajouté que son psychiatre était "très intelligent" et qu'il ne pourrait pas lui cacher quelque chose même s'il le voulait.
L'audience a ensuite été levée pour la pause de midi.
Rejet des questions préjudicielles (15 mai - jour 1)
Le tribunal annonce le rejet des questions préjudicielles
A la reprise des débats, le tribunal a annoncé le rejet de toutes les questions préjudicielles. Le président a souligné, dans le cas de l'ex-directrice de la Pâquerette, que la question n'était pas de savoir si son audition était "opportune" mais si elle était possible du point de vue médical. Le tribunal a estimé que, vu l'attestation de ses thérapeutes, il n'était pas possible de la faire témoigner.
Pour ce qui est des autres témoins, le tribunal estime qu'ils ont déjà été entendus "en bonne et due forme".
Le tribunal a refusé aussi une demande, formulée par la défense, de confrontation entre Fabrice A. et son ancienne compagne polonaise. La cour estime toutefois que l'audition de cette dernière, qui a eu lieu à l'étranger en l'absence des avocats du prévenu, n'est pas conforme et doit être sortie du dossier pénal.
Questions préjudicielles (15 mai - jour 1)
Les parties veulent entendre l'ex-directrice de la Pâquerette
Les questions préjudicielles ont essentiellement porté sur l'opportunité ou non d'entendre des témoins supplémentaires. Les deux parties auraient notamment souhaité que l'ex-directrice de la Pâquerette soit auditionnée, mais cette dernière a produit un certificat médical pour être dispensée de témoigner.
L'avocat de la famille d'Adeline, Me Simon Ntah, a aussi requis l'audition de trois autres témoins, un policier, un gardien et une sociothérapeute, afin de pouvoir dire à la fille d'Adeline "que nous avons tout essayé pour savoir ce qui s'est passé". La défense s'y est opposée.
Le Ministère public, représenté par Olivier Jornot, a également appelé à rejeter ces requêtes, soulignant que les témoins utiles avaient déjà été entendus au cours de la procédure, et que les autres n’avaient "rien à dire". Il a évoqué le risque d'une "dilution" des débats. Le tribunal s'est ensuite retiré durant une heure et demie pour délibérer.
Un procès sous haute surveillance (15 mai - jour 1)
Important dispositif de sécurité
Un important dispositif de sécurité a été déployé en marge du procès de Fabrice A., un prévenu considéré comme très dangereux. Des agents de police ont été positionnés aux abords du tribunal et auprès de toutes les issues de la salle d’audience. Les effets personnels de toutes les personnes pénétrant dans la salle sont soigneusement fouillés, le passage sous les portiques de sécurité est systématique.
L’intérêt public et médiatique pour ce procès est visible. Des dizaines de personnes faisaient déjà la queue devant la salle d’audience près d’une heure avant l’ouverture des débats. Une vingtaine de journalistes ont été accrédités.
Les débats ont commencé peu après 9h00 avec l'examen des questions préjudicielles.
Rappel des faits
Le rappel des faits
Les faits se sont déroulés le 12 septembre 2013. Fabrice A., qui avait été condamné à 20 ans de prison pour deux viols, était alors détenu au centre de sociothérapie La Pâquerette, au sein duquel il lui avait été accordé de participer à un programme d'"équithérapie". Le but était de le resocialiser en vue d'une éventuelle libération conditionnelle.
Accompagné par son éducatrice Adeline, le prévenu devait se rendre à l'une de ces sorties équestres. Mais le lendemain, la sociothérapeute de 34 ans a été retrouvée morte attachée à un arbre, dans un bois voisin du centre équestre, à Bellevue (GE).
Après trois jours de traque, Fabrice A. a été arrêté en Pologne, non loin de la frontière allemande. Il conduisait la voiture dans laquelle il était monté avec Adeline pour sortir de la prison de Champ-Dollon. Un couteau a été retrouvé dans le véhicule: il était parvenu à se le procurer dans un magasin spécialisé, prétextant avoir besoin d'un outil pour curer les sabots des chevaux. Fabrice A. a passé plusieurs semaines dans une prison polonaise avant d'être extradé vers Genève.
Le meurtre de la sociothérapeute, qui avait une fille de huit mois, a secoué le monde politique. La prise en charge des détenus considérés comme dangereux a fait l'objet de nombreuses critiques. L'ancien conseiller d'Etat Bernard Ziegler, qui était chargé de l'enquête administrative, a d'ailleurs rendu un rapport sévère.
La directrice du Service d'application des peines et des mesures (SAPEM) et la responsable du centre de sociothérapie de la Pâquerette se sont aussi retrouvées au coeur de la tempête.
Le Grand Conseil a voté la création d'une commission d'enquête parlementaire qui doit rendre son rapport d'ici à janvier 2017. Le centre de la Pâquerette a été fermé après le drame.
"A sa place, je me serais suicidé", dit l'avocat du seul interné à vie de Suisse
Avec la reprise du procès de Fabrice A., la question de l'internement à vie ressurgit. Actuellement, seul un homme se trouve dans ce cas de figure en Suisse. Il s'agit de Mike A., 50 ans, emprisonné à Regensdorf près de Zurich. En 2008, ce violeur multirécidiviste avait tué une prostituée thaïlandaise dans le canton de Thurgovie, avant de découper son corps pour le transporter.
Mise au Point a rencontré son avocat, qui se dit impressionné par la résistance de son client. "Il est très calme, il a une très grande capacité d'adaptation, c'est sa personnalité, il se fait à la situation, il n'est pas chaque jour à lutter ou à se désespérer", juge-t-il. Et d'ajouter: "Je suis surpris, car moi je ne pourrais pas, j'aurais perdu l'espoir, à sa place je me serais suicidé."
"J’aime mon fils mais je ne veux plus avoir affaire à lui"
La mère de Fabrice A. n'a pas revu son fils depuis la fin de son procès en octobre. Pour la RTS, elle a témoigné de son choix de couper les ponts avec lui.
"Je veux tourner la page. J’ai trop pris sur moi, j’ai trop pleuré et trop souffert. Je ne veux pas oublier ce drame et le mal qu'il a fait à toutes les autres femmes. Mais moi, maintenant, je ne veux plus m’investir et surtout, je ne veux plus le voir", a-t-elle déclaré lors d'un entretien à Mise au point, sous couvert d'anonymat et dans un lieu neutre.
1er mars 2017: date du nouveau procès communiquée
Le nouveau procès de Fabrice A. à Genève doit débuter le 15 mai
Le nouveau procès de Fabrice A. commencera le 15 mai, a annoncé le porte-parole du pouvoir judiciaire genevois. De nouveaux juges ont été désignés.
Le Tribunal criminel devra faire comme si le premier procès inachevé n'avait jamais eu lieu, a expliqué Henri Della Casa. Les débats seront présidés par Fabrice Roch.
Le porte-parole du pouvoir judiciaire genevois n'a pas voulu préciser la durée de ce nouveau procès. On ignore également si le Tribunal criminel de Genève, dans sa nouvelle composition, aura demandé une troisième expertise du prévenu ou s'il se contentera des deux expertises figurant déjà dans le dossier.
13 janvier 2017: récusation des juges
Le Tribunal criminel récusé dans son ensemble
La Chambre pénale de recours a accepté la requête de la défense de Fabrice A.. Dans son arrêt, elle estime qu'en reprochant aux experts français "leur méconnaissance du dossier", "en jetant le discrédit sur leur travail" et en décidant d'ordonner une nouvelle expertise, "le Tribunal criminel a en réalité suivi et abondé dans le sens de l'accusation, qui n'en demandait pas tant."
Par-là, poursuit la Chambre pénale de recours, "les juges du Tribunal criminel ont donné toutes les apparences d'un évident parti pris contre le prévenu". Tous les actes accomplis par ce tribunal sont annulés, le procès devra repartir à zéro.
6 octobre 2016: suspension sine die du procès
Le procès de Fabrice A. ajourné après 4 jours d'audience
Le procès de Fabrice A., assassin présumé de la sociothérapeute de La Pâquerette Adeline en septembre 2013, a été suspendu sine die après quatre jours d'audience sous haute surveillance devant le Tribunal criminel de Genève.
Après l'audition, le 2e et le 3e jour du procès, des auteurs de deux expertises psychiatriques, la présidente du tribunal a provoqué un coup de tonnerre en annonçant qu'elle comptait demander une troisième expertise de l'accusé, ce qui implique la suspension du procès pour plusieurs mois.
La défense a accusé le tribunal de partialité et réclamé sa récusation.