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Au procès des milliardaires, à Genève, la tension monte lors de l’audition des plaignants

Les plaignantes témoignent dans le procès de la famille Hinduja pour traite d’êtres humains
Les plaignants témoignent dans le procès de la famille Hinduja pour traite d’êtres humains / Forum / 2 min. / le 12 juin 2024
Deux anciens employés des quatre membres de la famille Hinduja poursuivis pour traite d’êtres humains ont été entendus mercredi par le Tribunal correctionnel de Genève. Récit d'audience.

La journée de mercredi a mal commencé pour la défense, championne incontestée de la demande de récusation. A 8h30, dès la reprise des débats, la présidente du Tribunal correctionnel annonce que celle visant l'interprète est rejetée.

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Les avocats des quatre accusés estimaient que cette dernière, mardi, n'avait pas traduit correctement d'hindi en français les déclarations du premier plaignant.

Cet ancien cuisinier de la famille est le premier à être interrogé mercredi matin. Mais juste avant qu'il ne commence à répondre aux questions, son avocat, Me Olivier Peter, transmet un certificat médical au tribunal indiquant qu'il est suivi en raison de "la situation émotive et stressante" et qu'il "ne peut donc témoigner dans aucune procédure".

L'avocat précise toutefois que son client est d'accord de répondre aux questions. En cours d'audition, les réponses se font parfois plus vagues. Avocat de la belle-fille, Me Romain Jordan suggère alors de suivre les recommandations du médecin qui a signé le certificat et demande aux juges de reporter les débats.

Une demande appuyée par Me Nicolas Jeandin, avocat de Prakash, le père: "Ou on entend le plaignant ou on ne l'entend pas. Nous souhaitons une confrontation au sens propre du terme."

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"Je savais qu'il y aurait un incident"

Pour le premier procureur Yves Bertossa, il est hors de question d'arrêter. "Il ne faut pas renvoyer les débats, car certains faits seraient alors prescrits", avertit-il.

Me Olivier Peter, l'avocat du plaignant, monte alors les tours. La défense est dans son collimateur. "Il y a déjà eu dix heures de contradictoires. Chaque jour, on a notre dose d'incidents. Je savais qu'il y en aurait un aujourd'hui", s'emporte-t-il.

La présidente du Tribunal correctionnel, Sabina Mascotto, suspend alors les débats pour décider avec les deux autres juges s'il faut les reporter ou non.

Quelques minutes plus tard, elle annonce que la situation est certes stressante, mais que le plaignant n'est pas en incapacité d'être entendu.

L'audition reprend, mais la tension est toujours là. L'ancien employé évoque son salaire d'environ 250 francs par mois, le fait qu'il avait "beaucoup de travail", mais aussi qu'il se porte beaucoup mieux depuis l'intervention de la police dans la villa des Hinduja en 2018.

"On m'empêche de poser mes questions"

Me Romain Jordan, très actif, a de nombreuses questions à lui poser. Mais à 11h45, Me Olivier Peter l'interrompt et s'adresse à la présidente: "Mon client est à bout", indique-t-il, suggérant à demi-mots de mettre un terme à son audition.

Mais pour Me Jordan, ce n'est pas envisageable. "J'ai encore une quinzaine de questions à lui poser. On veut m'empêcher de les lui poser! "

Me Peter rétorque que son client "attend justice" depuis sept ans et que depuis tout ce temps, il dort "dans un hôtel pourri aux Pâquis. Cela suffit."

Après avoir entendu les uns et les autres, la présidente décide de mettre un terme à son audition. "Le droit impose de protéger les victimes, en particulier dans les affaires de traite d'êtres humains", explique-t-elle.

L'après-midi est consacrée à l'audition de l'ancienne nounou de la famille. Indienne, elle aussi, comme le cuisinier. Orpheline depuis son plus jeune âge, elle raconte avoir commencé à travailler à 9 ans, en faisant la vaisselle et en nettoyant les sols, et avoir plus tard été employée par la famille Hinduja pendant une vingtaine d'années.

La sœur de l'accusé aurait fait pression

En milieu d'après-midi, après une pause, cette femme, la cinquantaine, demande à prendre la parole et éclate en sanglots. Elle explique alors avoir été approchée, hors audience, par la sœur d'Ajay Hinduja, un des quatre accusés. "Elle m'a demandé si c'était moi qui avais dénoncé les faits à la police en 2018. Je lui ai répondu que ce n'était pas moi. Elle m'a demandé si je cherchais à obtenir de l'argent ou un permis de travail. J'ai dit que non. Elle m'a dit que je devais retirer ma plainte."

Ce récit a suscité une certaine incrédulité dans la salle, d'autant plus que la sœur, présente dans la salle depuis le début du procès, est avocate à Genève.

Le procès se poursuit jeudi avec l'audition de la troisième employée qui a porté plainte contre la famille. Le réquisitoire du premier procureur Yves Bertossa doit avoir lieu en principe vendredi matin. Il sera suivi des plaidoiries des avocats des parties plaignantes et de la défense.

Les quatre accusés - le père, la mère, le fils et la belle-fille - qui contestent avoir exploité leur personnel risquent la prison ferme.

Fabiano Citroni, Pôle Enquête RTS

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La belle-fille interrogée mardi

La belle-fille Hinduja a été interrogée, mardi par le Tribunal correctionnel de Genève, au deuxième jour du procès où elle, son mari et ses beaux-parents absents sont jugés pour traite d'êtres humains par métier. Tous sont accusés d'avoir exploité pendant de nombreuses années du personnel de maison dans la propriété que cette richissime famille indienne possède à Cologny (GE).

"J'étais très jeune quand je suis arrivée à Genève", raconte aux juges cette femme fluette de 50 ans. Sur les bords du Léman, elle se trouve face à "un système établi". Au départ, elle explique ne pas avoir été consciente du salaire misérable que touchait la femme indienne qui avait pour tâche de s'occuper de ses enfants en bas âge.

La prévenue sait uniquement que le salaire mensuel en roupie de la nounou était plus élevé que celui qui lui était versé à Dubaï. Le premier procureur Yves Bertossa fait la conversion en francs. Cette femme qui ne voyait pas sa famille onze mois par année percevait entre 50 et 100 francs par mois aux Emirats et 150 francs en Suisse (source: ats).