Audrey Leuba, rectrice de l'UNIGE: L'appel à la police ne sera fait qu'en "ultime mesure"
Après cinq heures de négociations, le conseil scientifique, créé récemment à l'UNIGE en réponse à l'occupation estudiantine, est parvenu samedi à une liste de propositions adressée aux militants qui occupent le bâtiment Uni Mail et au rectorat de l'Université.
Parmi ces propositions, l'engagement de l'Université à respecter le droit international humanitaire, l'accueil de chercheurs en provenance de la bande de Gaza ou encore une meilleure transparence sur les partenariats académiques avec des institutions israéliennes.
Plus tard dans la journée, le rectorat a rendu sa réponse à cette liste sans modifier les grandes lignes de ces recommandations. Réuni en Assemblée générale samedi soir, le collectif Coordination étudiante pour la Palestine doit lui encore se prononcer.
Des "mesures à envisager"
Présente samedi sur la plateau du 19h30, Audrey Leuba, rectrice de l'Université, a estimé que si un accord n'était pas trouvé avec les étudiants qui occupent le bâtiment, il faudrait sans doute, à un moment ou un autre, mettre en place de nouvelles mesures.
"Cette présence pose des problèmes de sécurité. On a pu le voir avec différents incidents (...) on doit évidemment protéger notre communauté, et donc des mesures vont devoir être envisagées", explique-t-elle.
La rectrice n'envisage toutefois qu'en dernier recours un appel aux forces de l'ordre pour évacuer les étudiants de l'enceinte. "Je pense que ça, c'est l'ultime mesure. Il y a vraisemblablement d'autres mesures qui peuvent être prises dans l'intervalle", ajoute-t-elle.
Des contrôles d'identité?
Parmi les mesures envisagées, la rectrice explique que des contrôles d'identité avant de rentrer dans le bâtiment pourraient être mis en place.
"L'Université est un lieu public. Les gens entrent et sortent librement. Je ne peux donc pas vous assurer qu'il n'y ait pas de personnes qui ne soient pas des étudiants dans cette manifestation (...) L'une des mesures de sécurité que l'on pourrait envisager serait effectivement le contrôle des identités", déclare-t-elle.
Une manifestation "à la mesure de l'émotion"
Plus globalement, la situation dans le bâtiment d'Uni Mail s'est envenimée à plusieurs reprises au cours des derniers jours.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, deux femmes et un homme se sont introduits dans le bâtiment et ont décroché des banderoles, avant d'être confrontés par les étudiants puis expulsés par la sécurité. Vendredi après-midi, des accrochages ont eu lieu entre les occupants pro-palestiniens et une vingtaine de militants pro-israéliens. Enfin, vendredi soir, un individu s'en est pris verbalement et physiquement aux manifestants qui occupent les lieux.
>> Relire à ce sujet : Un individu s'en prend physiquement aux manifestants pro-palestiniens de l'UNIGE
Interrogée pour savoir si l'Université de Genève n'avait pas perdu un peu le contrôle de la situation, Audrey Leuba tempère: "La situation à Gaza suscite beaucoup, beaucoup d'émotion. Et la manifestation, au fond, est à la mesure de cette émotion".
Neutralité et liberté d'expression
Certaines banderoles accrochées dans l'enceinte de l'Université posent aussi la question de la neutralité de l'institution. C'est notamment le cas de celle où l'on peut lire "From the River to the Sea, Palestine will be free" (de la rivière à la mer, la Palestine sera libre, en français, ndlr). Un slogan politique pro-palestinien controversé et antisioniste et pouvant revêtir, dans certains contextes, un caractère antisémite.
Pour Audrey Leuba, il y a là un combat entre la neutralité dont doivent faire preuve les universités et les hautes écoles, une notion "très importante pour la diversité des positions dans le débat", et l'université comme lieu de discussion et d'expression. "Je dirais que cette manifestation s'inscrit à ce jour dans cette liberté d'expression", précise-t-elle.
Quant aux autres étudiants ou membres de l'Université qui seraient mal à l'aise avec cette situation, ils ont accès à "une cellule de confiance" du rectorat. "Une cellule auprès de laquelle ils peuvent s'adresser, faire part de leur ressenti et où des conseils leur seront donnés", conclut la rectrice.
Propos recueillis par Jennifer Covo
Adaptation web: Tristan Hertig