C’est devenu un rituel pour Marie. Chaque matin depuis plus de six mois, cette mère de famille inspecte tous les recoins de sa bicyclette avant de partir travailler. "D’habitude, quand je trouve de la drogue, c'est dans cette partie du vélo", montre-t-elle dimanche aux caméras du 19h30 de la RTS. "Ou bien ici, sous le siège des enfants."
Sa monture est devenue l'une des planques favorites des dealers de son quartier, les Pâquis, à deux pas de la gare Cornavin. Sous les sièges de ses enfants, elle a déjà retrouvé des paquets remplis de cannabis ou d’ecstasy.
"Ma fille a trouvé une fois des petites pilules roses, elle pensait que c’était des bonbons. Je suis allée voir des policiers spontanément dans la rue pour leur expliquer. Ils m’ont dit de vérifier mon vélo tous les jours, comme ils le faisaient eux aussi. On ne peut rien faire de plus", témoigne Marie, qui déplore "ne pas se sentir sécurisée" par la police.
Enfants enfermés, dealers dehors
En plein centre-ville et en plein jour, le deal est monnaie courante dans cette zone piétonne du quartier des Pâquis, au nez et à la barbe des policiers dont le poste est à seulement quelques mètres du vélo de Marie. Dealers et toxicomanes y font leurs affaires à deux pas d’une école primaire.
Plusieurs habitants sont excédés. "A 8h du matin, ils sont là. A midi, ils sont là!", déplore une riveraine. "Ils savent qu'ils sont vraiment proches de l’école et ils vendent de la drogue... ça ne se fait pas!", dénonce une autre. "On a mis des grilles à la cour d’école! Les enfants, on les enferme, mais les dealers, eux, sont libres dans la rue. C'est quand même énorme", s'agace une troisième.
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"Eradiquer le trafic de rue est utopique, peu importe le quartier"
Face au problème, les patrouilles ont été renforcées. Plusieurs fois par jour, les forces de l'ordre inspectent bancs et pots de fleurs, des cachettes où des stupéfiants ou de l’argent peuvent facilement être dissimulés. Leur présence fait fuir les dealers, mais pendant un temps limité. "Lorsqu'on est là, ils partent, mais dès qu'on s’absente pour effectuer une mission pas loin, ils se réinstallent. C'est un jeu du chat et de la souris en permanence", résume un policier.
Près de 2500 interventions ont été effectuées et 600 trafiquants ont été arrêtés cette année. Malgré tout, le deal persiste et progresse. "Eradiquer le trafic de rue est utopique, peu importe le quartier. Si les ressources étaient illimitées, on pourrait, en caricaturant, mettre un policier à chaque coin de rue 24h/24, mais faute de ressources, ce n’est évidemment pas possible", note le chef de section à la Police judiciaire genevoise Michel Gex.
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Conseil d'Etat interpellé
Lassés, plusieurs habitants du quartier des Pâquis se sont tournés vers le Conseil d’Etat pour réclamer des actions fortes. "Nous demandons un arrêté stipulant l'interdiction du deal autour des écoles et des institutions pour enfants", exige le modérateur du collectif Bien vivre aux Pâquis Alain Riesen. Pour lui, "il est possible, avec une volonté politique, d'avoir des actions efficaces pour déplacer le deal".
Contacté, le Conseil d'Etat genevois n'a pas souhaité répondre à la demande d'interview de la RTS. Une des solutions en cours d'étude, a-t-on toutefois appris, passe par l’installation de cinq caméras de surveillance. Elles pourraient faire migrer le trafic loin de l'école, hors du quartier.
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Reportage TV: Laurent Egli et Claire Eckersley
Adaptation web: Vincent Cherpillod