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Bâtir des ponts avec les réfugiés mineurs, le projet inédit d'élèves genevois

Entre ados
Entre ados / Mise au point / 12 min. / dimanche à 20:10
A Genève, des élèves du secondaire ont initié un projet d'intégration inédit visant à rassembler adolescents et mineurs non accompagnés. L'émission Mise au point a pu suivre des moments de partage entre ces jeunes.

Mélanie, 17 ans, s'est établie à Genève avec sa famille il y a quelques années. Elle est à l'origine du projet "Bridge builders" (les bâtisseurs de ponts, en anglais), qui a pour but d'aller à la rencontre de jeunes requérants d'asile. L'initiative est portée par plusieurs élèves d'une école privée genevoise.

"L'idée est que des jeunes collégiens et des jeunes réfugiés mineurs non accompagnés se rassemblent autour de différents thèmes et activités, une à deux fois par mois", explique-t-elle dans l'émission Mise au point de la RTS.

Le projet, lancé il y a un an, est inédit et peut surprendre venant d'adolescentes et adolescents issus de familles aisées. Mais cette situation est assumée: "Je suis très privilégiée. C'est la vérité, il ne faut pas que je le cache. J'ai de la chance; j'ai un abri, une famille avec qui j'habite. Ce serait hypocrite de rester dans ma bulle avec d'autres gens privilégiés comme moi", estime Mélanie, à qui ce projet apporte "une énorme fierté et beaucoup de bonheur".

Un parcours migratoire difficile

A proximité de Genève, Mélanie et ses camarades rencontrent des mineurs non accompagnés (MNA) dans un foyer d'accueil de l'Hospice général où réside une quarantaine de requérants d'asile âgés entre 15 et 18 ans.

Côtoyer des jeunes d'ici nous permet de mieux connaître leur culture et nous aide à mieux apprendre la langue

Bilal, jeune réfugié afghan

La plupart sont originaires d'Afghanistan. Depuis l'arrivée au pouvoir des talibans en 2021, le nombre de MNA afghans a explosé. L'année dernière, ils étaient 75% de plus à Genève.

"Ce sont des gens qui ont fui leur pays à cause de la guerre ou parce que leur famille très pauvre les a poussé à essayer de trouver un chemin en Europe. Leur parcours migratoire a parfois duré des années", relate Xavier Henry, responsable du centre d'accueil et ancien travailleur humanitaire, qui souligne que ces requérants ont été confrontés à des situations ponctuées de violences "qui ne sont pas normales pour des jeunes".

Estomper les différences

Dans le foyer genevois, tous les jeunes sont scolarisés et ont comme priorité d'apprendre le français. Les élèves du projet "Bridge builders" leur proposent de se familiariser avec la langue, notamment à travers la pratique du cricket, entre autres activités. Ce choix n'a pas été laissé au hasard, le cricket étant un sport très populaire en Afghanistan.

Bilal, réfugié afghan de 15 ans, initie ses camarades de jeu novices au cricket. [RTS]
Bilal, réfugié afghan de 15 ans, initie ses camarades de jeu novices au cricket. [RTS]

Pour Bilal, arrivé en Suisse à 15 ans après avoir quitté son pays, et sans nouvelles de son frère aîné de qui il a été séparé lors de son périple, ce rapprochement avec les collégiens l'aide à se projeter dans l'avenir. "Côtoyer des jeunes d'ici et s'asseoir ensemble avec eux nous permet de mieux connaître leur culture. Et cela nous aide à mieux apprendre la langue", témoigne-t-il devant la caméra de la RTS.

Mélange de cultures, de statut social et de langues: les différences entre les jeunes semblent s'estomper au fil de l'activité. "Nous essayons de ne pas faire avec ces différences. Nous sommes tous des jeunes, nous avons tous des passions. Et nous faisons de notre mieux pour les intégrer", raconte Giacomo. "On essaie vraiment d'oublier d'où l'on vient et d'être simplement dans une bonne ambiance et se faire plaisir des deux côtés."

Une mission accomplie pour Mélanie lors de cette activité. "Les équipes sont mélangées et tout le monde se parle", se félicite-t-elle.

Par des ados, pour des ados

A 15 ans, Ashqullah a traversé onze pays pendant un an avant de rejoindre la Suisse. Le rapprochement avec des jeunes de son âge à Genève l'aide à amortir le choc culturel.

Nous avons les mêmes intérêts, les mêmes passions, les mêmes émotions

Sophia, élève participant au projet "Bridge builders"

"Le mode de vie de la population ici est complètement différent du nôtre. Cette différence m'a interpellée. Ici, tu peux décider de ce que tu veux et vivre librement", estime l'adolescent, qui se destine à des études dans le commerce ou la médecine.

Sophia, quant à elle, ne perçoit pas cette dissemblance de la même manière. "Nous avons les mêmes intérêts, les mêmes passions, les mêmes émotions. Ce sont devenus des amis normaux", confie la Genevoise.

"Ce qui fait la valeur de ce projet, c'est qu'il est innovant et porté par une jeune fille. C'est remarquable. Finalement, ce sont des ados qui rencontrent d'autres ados et cela crée quelque chose d'unique dans l'entrée en relation", souligne Amira, éducatrice à l'Hospice général, qui espère que ce type de projets se multiplie dans d'autres foyers à l'avenir.

Mélanie est aujourd'hui en dernière année d'école. Dorénavant, l'avenir de son projet dépend de la relève. Elle a déjà entamé des discussions avec ses cadets pour recruter les prochains bâtisseurs et bâtisseuses de pont.

Reportage TV: Yves Godel

Adaptation web: Isabel Ares

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