Cette pratique innovante, qui rompt avec les traditions, suscite un choc chez certains. Cela s’explique notamment par le fait qu'il n’y a pas de cercueil, pas de vêtement, le corps est posé à même le sol et recouvert de terre.
"Il est simplement couché sur un lit végétal, puis recouvert de biomasse", détaille jeudi dans La Matinale Sarah Joliat, directrice des pompes funèbres du Léman et fondatrice de l'association humusation Suisse.
"Le corps se transforme petit à petit et normalement, après trois mois, il n'y a plus de chair", ajoute-t-elle. L'étape suivante consiste à rouvrir la butte, récupérer les os, retirer toutes les prothèses ou éléments métalliques. Les os sont alors broyés et remis dans la butte. Selon Sarah Joliat, neuf mois après, tout s’est transformé en terreau et en humus.
Débat passionné au Parlement genevois
Pour des raisons écologiques, cette idée suscite un intérêt croissant parmi une partie de la population. A tel point que la Ville a voté une motion pour rendre possible cette pratique. Le texte a obtenu une majorité confortable avec des voix à droite comme à gauche. Cependant, le débat a été émotionnel. Des élus ont parlé de projet "révulsant" ou encore de "joujou écolo".
Dans un ton plus modéré, Nadine Béné, ancienne directrice d'EMS et conseillère municipale PLR, exprime des réserves quant à cette pratique. Elle soulève des questions sur la dignité et le respect du corps: "Les délais font qu'à un moment donné, il reste des parties de corps qu'il faut broyer".
Elle ajoute que pour permettre la transformation en compost, le corps doit être protégé, notamment par des grilles, pour empêcher les animaux de s'attaquer au défunt lors du processus d'humusation.
Le plaidoyer en faveur de l’humusation
Sarah Joliat, qui travaille dans les pompes funèbres, estime que l'inhumation perturbe davantage la paix des morts. "Dans certains secteurs, nous devons retirer toutes les tombes. Parfois, lorsque nous exhumons les corps après vingt ou trente ans, ce que nous retrouvons n'est pas très joli. La qualité de la terre affecte la décomposition du corps. Nous retrouvons encore de la chair et beaucoup d'autres choses", explique-t-elle.
Les défenseurs de l’humusation mettent souvent en avant la pollution des sols par les enterrements traditionnels, due à une mauvaise décomposition des corps. Des études à Genève ont confirmé cette pollution dans les cimetières locaux, causée par des sols trop argileux et des enterrements trop profonds.
En réponse à ces études, la Ville a instauré un "quartier naturel" au cimetière de Châtelaine. Bien que ce ne soit pas encore de l'humusation, certaines conditions doivent être respectées: les corps ne doivent pas être embaumés, ils doivent être vêtus de matériaux biodégradables et les cercueils ne doivent pas être vernis.
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Contrepoint à l’humusation
Selon Nadine Béné, l'humusation ne serait pas nécessairement plus écologique. Elle se réfère à une expérience pilote en Belgique sur des corps de porc, soulignant que "la détérioration du porc n'a pas été faite dans sa totalité, on voit que l'on a besoin d’énormément de temps pour que la carcasse devienne de l'humus et surtout, ils se sont rendu compte que cela polluait les sols".
La motion va déboucher sur une étude qui devra éclircir la dimension éthique et écologique de ce rite. Mais il est unanimement reconnu que la volonté des défunts doit être respectée.
Sujet radio: Mohamed Musadack
Adaptation web: Miroslav Mares