Face à l'héritage raciste, Genève assume son devoir de mémoire sans déboulonner des statues
"Aucun retrait de statues ou de monuments n'est prévu et aucun lieu controversé ne sera renommé", a indiqué Alfonso Gomez, maire de la Ville de Genève. La Municipalité privilégie le dialogue et la recontextualisation sur le lieu même de l'hommage, a précisé le magistrat, en ajoutant qu'"il faut reconnaître cet héritage multifacette".
Le plan d'action fait suite à une réflexion entamée en 2020 dans la foulée du mouvement mondial de dénonciation de racisme suite à la mort du noir-américain George Floyd tué par un policier. Une étude commandée par la Ville sur l'héritage raciste présent dans l'espace public avait permis d'identifier 33 lieux sensibles.
Un groupe de travail impliquant les associations concernées par cette problématique s'est inspiré des pistes esquissées dans le rapport pour cibler les actions à concrétiser rapidement. Il s'agit dans un premier temps de mettre en place un dispositif de recontextualisation autour de cinq figures historiques significatives.
Le buste de Carl Vogt
Parmi ces personnalités, le controversé Carl Vogt. Ce scientifique et politicien, qui a un boulevard à son nom et un buste à son effigie, a combattu pour les libertés individuelles tout en soutenant des thèses racistes. Son buste, actuellement entreposé à l'abri des regards à cause des travaux de rénovation du bâtiment des Bastions de l'Université de Genève, pourrait être déplacé.
Mais la décision sera prise en concertation avec l'Université de Genève. Un nouvel emplacement n'a pas encore été défini. La recontextualisation peut prendre la forme d'une plaque explicative. Mais il peut aussi s'agir d'actions ponctuelles, comme une conférence ou une table ronde. L'approche sera participative, a assuré Alfonso Gomez.
Gustave Moynier, qui un buste ainsi qu'une rue et un parc à son nom, fait aussi partie des personnalités ciblées par cette première phase du plan d'action. L'homme est célébré en tant que membre fondateur du CICR, mais il a aussi été consul général honoraire en Suisse du Congo et a soutenu l'entreprise coloniale leopoldienne qui a causé la mort de millions de personnes.
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Mémorial à l'étude
La Ville de Genève compte aussi ériger un mémorial de l'esclavage et de la colonisation. Il est également question de créer une exposition permanente sur le sujet. A noter que le Musée d'ethnographie de Genève (MEG) propose actuellement et jusqu'en janvier 2025 une exposition intitulée "Mémoires – Genève dans le monde colonial". Une application numérique cartographiant les lieux controversés y est présentée.
Ailleurs en Suisse, Neuchâtel a aussi développé de nombreux projets pour mettre en lumière son passé colonial, notamment autour de la figure de David de Pury, un négociant qui avait fait en partie fortune avec l'esclavage. Sa statue, qui avait été maculée de peinture rouge en 2020, a finalement été dotée d'une œuvre d'art visant à questionner les zones d'ombre du personnage ainsi que d'une plaque explicative.
ats/miro/sjaq