Genève lance l'idée d'un métro entre le pied du Salève et le pied du Jura en passant sous le lac
Première agglomération de l'espace métropolitain lémanique et porte d'entrée sud-ouest de la Suisse, Genève fait face à une croissance rapide de sa population et de son activité économique. Dans ce contexte, la mobilité devient un enjeu central, pour assurer la qualité de vie et l'attractivité de la région, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
Le Conseil d'État genevois a dévoilé ce mercredi sa stratégie ferroviaire pour les vingt-cinq prochaines années, définissant quatre priorités stratégiques pour moderniser le réseau ferroviaire. Parmi elles notamment, la création d'un nouvel axe Nord-Sud souterrain.
"Un Léman Express numéro 2"
L'inauguration de ce nouveau tracé souterrain, un Léman Express numéro 2, comme le nomme le conseiller d'Etat Pierre Maudet, pourrait se faire en 2045. Concrètement, cette nouvelle ligne ferroviaire devrait relier le pied du Salève, en territoire français, et le pied du Jura, au nord de Genève. Son tracé exact n'est pas encore connu, mais il pourrait passer sous le lac.
Cette liaison sera dotée d'un système de train léger, à l'image des métros modernes, permettant une desserte rapide et fréquente à travers le cœur de l’agglomération. Selon le Conseil d'Etat, la ligne d'une vingtaine de kilomètres bénéficierait à la moitié des habitants du Grand Genève, soit à un demi-million de personnes, et 70% des emplois du canton par une gare à moins de 750 mètres. Estimé à 4 milliards de francs, ce RER souterrain pourra transporter jusqu'à 160'000 voyageurs par jour. A noter toutefois que cette ligne ne devrait pas directement être reliée au réseau CFF.
Des défis de financement et de planification
Afin de ne pas devoir attendre 2050, voire 2070, avant que Berne prenne en compte ce projet d'infrastructure, le Canton se dit prêt à financer la moitié des travaux. Le gouvernement genevois veut aller plus vite que ce qu'autorise le processus actuel en mettant sur pied un partenariat d'un genre nouveau, impliquant des ressources cantonales, des partenariats transfrontaliers et des soutiens fédéraux.
Pour le financement, le Conseil d'Etat veut éviter de passer par le fonds d'infrastructure ferroviaire (FIF) de la Confédération, déjà saturé par de nombreux projets en concurrence. C'est pourquoi le gouvernement genevois voudrait passer par le FORTA, le fonds dédié aux routes nationales et aux projets d'agglomérations.
C'est quelque chose dont Genève a besoin rapidement pour développer l'offre de transports publics de manière à réduire la dépendance à la voiture et répondre aux ambitions du plan climat cantonal
Au-delà du métro, le programme genevois prévoit également le renforcement du réseau du Léman Express, l'amélioration des liaisons internationales – notamment de la ligne Genève-Lyon –, ainsi qu'un coup d’accélérateur sur la nouvelle ligne Genève-Lausanne.
Gouvernement optimiste
De manière générale, tous les partis à Genève saluent un projet "ambitieux". Il s'agit d'un pari, a commenté Pierre Maudet. Invité dans Forum, le conseiller d'Etat a cependant dit avoir bon espoir que Berne se montrera réceptive aux arguments du canton. "Genève prend son destin en main."
Selon lui, le côté disruptif du projet devrait finir de convaincre à Berne. "On part sur une optique où le Canton prend ses responsabilités en disant d'emblée qu'il prendra 50% à sa charge, ce qui devrait ouvrir les chakras des élus fédéraux, et les intéresser", insiste-t-il. "Et on ne peut pas s'extraire du contexte qui est notamment le récent vote négatif sur le développement routier."
C'est une bonne chose, mais en aucun cas cela ne doit se faire au détriment d'autres développements qui concernent notamment le transport individuel motorisé
"C'est quelque chose dont Genève a besoin rapidement pour développer l'offre de transports publics de manière à réduire la dépendance à la voiture et répondre aux ambitions du plan climat cantonal. On ne peut plus attendre 20-30-40 ans pour envisager le développement de ce type de projet et l'option du ferroviaire léger qui est proposée par le Conseil d'Etat permet cela", explique la députée Caroline Marti (PS).
"C'est une bonne chose, mais en aucun cas ça ne doit se faire au détriment d'autres développements qui concernent notamment le transport individuel motorisé. Les finances, quand on voit ce qui s'est fait avec le Léman Express qui a coûté près du double de ce qui était annoncé, vont être un point d'attention tout particulier", tempère Michael Andersen (UDC).
Dans un communiqué diffusé mercredi, l'Association transports et environnement (ATE) s'est déclarée satisfaite de la vision présentée par le gouvernement genevois. Elle constitue "le début d'une réponse rapide et pertinente face à l'urgence climatique et au nécessaire report modal que celle-ci implique".
La réaction est beaucoup plus mitigée à Berne. Plusieurs élus et membres de la commission des transports sont sceptiques. Selon eux, ce projet de grande envergure pourrait prétériter d'autres cantons. Ils critiquent aussi Genève pour sa folie des grandeurs.
ats/fgn