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La famille de milliardaires voulant écarter ses juges genevois rate encore son coup

La famille de milliardaires voulant écarter des juges genevois ratent encore son coup [keystone - Martial Trezzini]
La famille de milliardaires voulant écarter des juges genevois ratent encore son coup / La Matinale / 1 min. / le 21 mars 2024
La Cour de justice genevoise balaie une demande de récusation du Tribunal correctionnel déposée par des membres de la famille Hinduja, dévoile le Pôle Enquête de la RTS. Poursuivis pour traite d'êtres humains, ils ont déjà tenté dix fois sans succès de mettre leurs juges sur la touche.

Pour Prakash Hinduja, son épouse Kamal, leur fils Ajay et leur belle-fille, tous soupçonnés d'avoir exploité leur personnel et jugés depuis le 15 janvier par le Tribunal correctionnel de Genève, déposer des demandes de récusation est devenu une routine. Un combat vain, aussi.

D'après le décompte du Pôle Enquête de la RTS, les quatre membres de cette famille indienne et suisse ont déjà essuyé quinze échecs avec leurs demandes de récusation: quatre visaient des procureures qui ont mené l'instruction pénale; une s'attaquait à des policiers qui ont enquêté sur l'affaire; et dix ciblaient les magistrats du Tribunal correctionnel qui doivent les juger.

Le dernier revers en date remonte à ces derniers jours. Dans un arrêt mis en ligne sur le site du pouvoir judiciaire genevois, la Cour de justice rejette les demandes de récusation du Tribunal correctionnel déposées par le père et la belle-fille qui reprochaient aux trois juges leur volonté "jusqu'au-boutiste" mais aussi un "acharnement dépassant l'entendement".

Aux yeux de la Cour, les multiples demandes de récusation formulées par les prévenus "prennent toutes les apparences de pressions répétées sur le Tribunal correctionnel pour l'amener (…) à se conformer strictement à leurs vues".

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A l'occasion de la publication de cette décision de justice, le Pôle Enquête de la RTS a souhaité décortiquer chronologiquement les dix demandes de récusation des juges déposées sans succès par les milliardaires.

"Acharnement obsessionnel", "silence embarrassé", "refus douteux", "bricolage", "mensonge", "procédés viciés": pour ces accusés qui risquent la prison ferme, l'impartialité des magistrats est tout sauf garantie…


1/ 21 août 2023 - Une histoire d'image sombre

En avril 2023, le Tribunal correctionnel convoque les prévenus pour le 2 octobre, alors date de début du procès. Au cœur de l'été, la présidente du tribunal leur envoie un nouveau courrier, et les convoque pour le 3 octobre au cas où ils ne devaient pas se présenter le 2 octobre. Le 21 août, six jours après cet envoi, les quatre accusés demandent sa récusation.

Pourquoi cette demande?

Pour les prévenus, avec l'envoi d'une deuxième convocation, la présidente préjuge qu'ils courberont l'ouverture du procès et démontre ainsi qu'elle a une image "sombre et défavorable" d'eux-mêmes.

Que répond la présidente?

Elle dit qu'elle n'a fait que prendre les dispositions nécessaires aux débats, "notamment pour éviter la prescription".

Que décide la Cour de justice?

Le 11 septembre, elle rejette la requête. Elle dit notamment que les prévenus n'expliquent pas pourquoi la volonté de la présidente d'éviter la prescription "laisserait soupçonner chez elle une opinion déjà forgée sur leur culpabilité".

Saisi par les accusés, le Tribunal fédéral, le 24 novembre, rejette leur recours et souligne "les explications transparentes" de la présidente. "Soucieuse de voir certaines infractions se prescrire et que la cause soit jugée dans un délai raisonnable, la présidente a simplement voulu parer à l'éventualité d'un défaut de la part des recourants."


2/ 4 septembre 2023 - Une histoire d'impartialité non garantie

Le 4 septembre, un mois avant le début du procès, alors prévu le 2 octobre, les quatre membres de la famille demandent aux trois juges de se récuser.

Pourquoi cette demande?

Pour les prévenus, malgré les garanties que le Ministère public aurait données, le dossier contient encore des références à la procédure simplifiée, pourtant abandonnée. Les juges ont pris connaissance du dossier dans cet état et leur impartialité n'est donc plus garantie.

Que répondent les juges?

Pour eux, la demande de récusation est "tardive" et ne devrait pas être prise en compte.

Que décide la Cour de justice?

Le 25 octobre, elle déclare que la requête est tardive et donc irrecevable. Pour elle, "il saute aux yeux" que les accusés savaient depuis au moins un an que des pièces "indésirables à leurs yeux" se trouvaient au dossier. Pour la Cour, indépendamment de la question de la tardiveté, la requête n'a aucun fondement. Selon elle, les prévenus en ont après le Ministère public qui n'aurait pas respecté les assurances qu'il leur aurait données, mais ils demandent la récusation du tribunal. "Ce faisant, ils se trompent de cible."


3/ 25 septembre 2023 - Une histoire de locataire empruntée

Le 20 septembre, l'avocat Nicolas Jeandin annonce au tribunal qu'il est le nouvel avocat de Prakash Hinduja, le père. Une des trois magistrates devant juger l'affaire relève alors que cet avocat est le cobailleur de son appartement, et qu'un litige au sujet de travaux de surélévation en cours sur l'immeuble pourrait survenir. Elle se demande s'il ne faut pas l'écarter du dossier. Après avoir consulté les uns et les autres, la présidente du tribunal, le 25 septembre, interdit à Me Jeandin de représenter le père. Le même jour, Kamal Hinduja, la mère, requiert la récusation de la juge locataire.

Pourquoi cette demande?

Pour la mère, en envisageant d'écarter l'avocat Nicolas Jeandin, la juge laisse entendre qu'elle pourrait se trouver "elle-même dans une telle situation". Son objectivité est donc compromise.

Que décide la Cour de justice?

Le 25 octobre, elle rejette la requête. Elle relève que l'avocat n'est que l'un des trois cobailleurs, mais aussi que la gestion de l'immeuble est confiée à une régie. Elle constate aussi qu'il n'y a pas de procès lié aux travaux de surélévation, et qu'il n'y a aucun risque concret qu'un jugement défavorable à la juge puisse affecter son impartialité.

Le 27 décembre, le Tribunal fédéral (TF) déclare irrecevable le recours contre cette décision, car l'avocat de la mère n'a pas produit de procuration à l'appui de son recours. Mais pour le TF, le recours aurait de toute façon été rejeté sur le fond. "La juge est une des locataires d'un immeuble dont l'avocat concerné est copropriétaire. Il existe dès lors certes un rapport d'obligation entre cette dernière et le mandataire d'une des parties au procès. Cependant, en l'espèce, l'intensité du lien entre ces deux personnes n'est pas suffisante pour fonder un soupçon de partialité de la part de la juge en question."


4/ 3 octobre 2023 - Une histoire de refus douteux

Le 2 octobre, le tribunal convoque les prévenus pour le 20 novembre, nouvelle date alors retenue pour le début du procès. Le lendemain, 3 octobre, Prakash Hinduja, le père, demande la récusation du Tribunal correctionnel.

Pourquoi cette demande?

Le père multiplie les reproches à l'encontre du tribunal. Il se plaint d'avoir reçu une nouvelle convocation aux débats "en plein été" au cas où il ne se présenterait pas à l'ouverture des premiers débats; il qualifie de "douteux" le refus du tribunal d'admettre la constitution de Me Nicolas Jeandin pour le défendre; il s'étonne que les nouveaux débats ne soient prévus que sur trois jours et non cinq; il relève que les avocats ont trop peu de temps pour prendre connaissance de "vingt-sept millions" de documents. Pour lui, il est "impensable" qu'un procès serein et impartial se tienne devant le tribunal tel qu'il est composé.

Que répondent les juges?

Pour eux, la demande est irrecevable, car les points soulevés ont déjà fait l'objet de recours ou de requêtes en récusation. Ils précisent que c'est dans un souci de célérité que les nouveaux débats ont été convoqués dans les meilleurs délais.

Que décide la Cour de justice?

Le 25 octobre, elle rejette le recours. Elle relève que certains griefs ne sont pas nouveaux et que d'autres ne sont plus d'actualité. Sur le volet de l'annonce de débats sur trois jours plutôt que cinq, elle balaie les craintes du père. "On ne voit pas en quoi l'annonce de prochains débats sur trois jours, plutôt que cinq, révélerait une prévention du Tribunal correctionnel. Le père semble craindre que cette durée ne l'empêche d'interroger exhaustivement chacune des parties plaignantes. C'est pure conjecture."


5/ 5 octobre 2023 - Une histoire de silence embarrassé

Le 4 septembre, la belle-fille s'interroge par écrit sur les "contacts informels" qui auraient eu lieu entre le Tribunal correctionnel, le Ministère public et les parties plaignantes, des contacts qui seraient accrédités par "les délais convenus" et "le déroulement de la procédure". Une semaine plus tard, le tribunal lui répond qu'il ne voit pas en quoi d'éventuels contacts qu'il aurait eus avec le Ministère public seraient utiles au jugement à intervenir. Le 27 septembre, la belle-fille prétend n'avoir reçu "aucune" réponse à son courrier et relance le tribunal. Elle revient à la charge le 2 octobre en donnant vingt-quatre heures au tribunal pour faire état de tous ses contacts avec le Ministère public, mais le tribunal ne s'exécute pas. Le 5 octobre, la belle-fille demande la récusation des trois juges.

Pourquoi cette demande?

Pour elle, le "silence embarrassé" du tribunal après sa lettre du 2 octobre établit l'existence des échanges qu'elle soupçonne. Elle estime que pour n'avoir pas documenté ces échanges, le tribunal cherche à cacher son absence d'indépendance et d'impartialité.

Que répondent les juges?

Pour eux, la requête est tardive. Ils ajoutent que les suppositions de la belle-fille sont sans fondement étant donné que seuls des contacts à des fins organisationnelles ont eu lieu avec les parties.

Que décide la Cour de justice?

Le 31 octobre, elle déclare la requête tardive et donc irrecevable. Indépendamment de la question de la tardiveté, elle dit que les griefs de partialité et de manque d'indépendance du tribunal sont dénués de tout fondement.


6/ 9 octobre 2023 - Une histoire d'acharnement obsessionnel

Le 25 septembre, la présidente du tribunal interdit à l'avocat Nicolas Jeandin de succéder à Me Marc Oederlin pour défendre les intérêts de Prakash Hinduja, le père. Elle invite Me Oederlin à poursuivre son mandat. Une semaine plus tard, le 2 octobre, le tribunal convoque les prévenus pour le 20 novembre, date alors prévue du début du procès. Concernant le père, le tribunal lui envoie les convocations par courriels à différentes adresses ainsi que par poste à son domicile monégasque. Il mandate aussi la police pour se rendre à son domicile genevois et l'informer de la tenue du procès. Le 9 octobre, le père demande la récusation des trois juges.

Pourquoi cette demande?

Le père reproche aux juges d'avoir imposé le retour de l'avocat (Me Marc Oederlin) dont il avait résilié le mandat. Il estime aussi inacceptable que la durée des débats du procès ait été raccourcie. Prakash Hinduja dénonce également le "déluge" de convocations expédiées "urbi et orbi", assorti d'une publication édictale. Il évoque des démarches visant à l'humilier ainsi que l'acharnement "obsessionnel" et "plus que suspect" du Tribunal correctionnel.

Que répondent les juges?

Ils affirment notamment qu'il n'a "jamais" été question de mettre fin aux débats après deux ou trois jours, mais de suspendre l'audience en raison de l'indisponibilité d'un des avocats.

Que décide la Cour de justice?

Le 1er novembre, elle rejette la requête. Elle dit que le tribunal n'a pas fait preuve de partialité en imaginant que l'avocat (Me Marc Oederlin) qui avait longuement défendu le père restait a priori le mieux à même de l'assister encore. "Par ailleurs, on chercherait en vain en quoi des citations envoyées "urbi et orbi" (…) dénoteraient une volonté d'humilier Prakash Hinduja ou de s'acharner contre lui. Le Tribunal correctionnel devait prendre sans retard les mesures nécessaires pour procéder aux débats, dont font évidemment partie les citations à comparaître."


7/ 9 octobre 2023 - Une histoire de justice TGV et de bricolage

Le 2 octobre, le Tribunal correctionnel convoque les prévenus pour le 20 novembre, alors date de début du procès, et précise que les débats se poursuivront le lendemain et le surlendemain, soit le 21 et le 22 novembre. Le 9 octobre, Kamal Hinduja, la mère, requiert la récusation des trois juges.

Pourquoi cette demande?

Pour la mère, en planifiant les débats sur trois jours, le tribunal viole son droit à un procès équitable et son droit d'être entendue. Elle dénonce une "justice TGV" qui crée une apparence de prévention. Une suspicion renforcée, selon elle, par le fait que son avocat avait annoncé de ne pas être disponible avant le 23 novembre.

Que répondent les juges?

Pour eux, la demande de la mère est tardive. Ils ajoutent qu'il n'existe aucune trace préalable d'indisponibilité de son avocat, mais aussi qu'il n'est pas question de clôturer les débats le 23 novembre. Ils continueront ultérieurement.

Aux yeux de la mère, ces explications relèvent d'un rattrapage "désespéré pour ne pas dire d'un bricolage".

Que décide la Cour de justice?

Le 10 novembre, elle rejette la requête, la mère ne rendant pas "plausibles" les griefs qu'elle invoque. Pour la Cour, la mère "se plaignait, dans un premier temps, de la durée limitée des débats", mais elle "vitupère maintenant contre leur possible extension". Au-delà de ça, la Cour rappelle que "le choix de la date des débats était et reste une prérogative" du Tribunal correctionnel, et que ce dernier "se prononce de manière définitive, c'est-à-dire sans recours, sur les demandes d'ajournement qui lui parviennent avant l'ouverture des débats".


8/ 2 novembre 2023 - Une histoire de locataire empruntée (bis)

Le 20 septembre, l'avocat Nicolas Jeandin annonce au tribunal qu'il est le nouvel avocat de Prakash Hinduja, le père. Une des trois magistrates devant juger l'affaire relève alors que cet avocat est le co-bailleur de son appartement, et qu'un litige au sujet de travaux de surélévation en cours sur l'immeuble pourrait survenir. Elle se demande s'il ne faut pas l'écarter du dossier. Après avoir consulté les uns et les autres, la présidente du tribunal, le 25 septembre, interdit à Me Jeandin de représenter le père, une décision cassée par la Cour de justice le 25 octobre. Une semaine plus tard, le 2 novembre, la belle-fille, qui déclare agir aussi pour "tous les prévenus de la famille" demande la récusation de la juge locataire.

Pourquoi cette demande?

Aux yeux de la belle-fille, la question de savoir si la juge locataire peut siéger dans la composition du Tribunal correctionnel n'aurait "pas été valablement abordée". La prévenue relève que la magistrate en question a elle-même considéré qu'il existait "assurément" un motif de récusation.

Que répondent les juges?

Pour eux, la requête est tardive, mais aussi infondée.

Que décide la Cour de justice?

Le 7 décembre, elle déclare la requête tardive et donc irrecevable. La Cour rappelle que les parties à la procédure ont appris le 24 septembre qu'une des trois juges logeait dans un appartement dont l'avocat de Prakash Hinduja était le cobailleur, et que toute demande de récusation aurait dû être déposée dans les jours suivants et non pas plus d'un mois plus tard.


9/ 27 novembre 2023 - Une histoire de mensonges de la présidente

Le 29 septembre, un journaliste de Gotham City demande au Service de presse du pouvoir judiciaire s'il souhaite commenter l'annulation du procès prévu du 2 au 5 octobre. Consultée par ce service, la présidente du Tribunal correctionnel répond qu'il peut confirmer au journaliste que l'audience a dû être annulée et que les débats seront convoqués à une date ultérieure. Dans son article de début octobre, le journaliste écrit ainsi: "Le Tribunal correctionnel indique que "les débats seront convoqués à nouveau à une date ultérieure". Après avoir pris connaissance de cet article, la belle-fille demande à connaître tout échange qui serait intervenu avec tout média au sujet du procès, ainsi qu'entre le tribunal et le Service de presse. Le 1er novembre, la présidente du tribunal lui répond que le Tribunal correctionnel n'a communiqué aucune information aux médias ni directement ni via le Service de presse. Trois semaines plus tard, le 27 novembre, dans une lettre adressée au Tribunal correctionnel et intitulée "Votre pli du 1er novembre, récusation", la belle-fille, qui assure agir aussi pour "tous les prévenus de la famille" reproche à la présidente du Tribunal correctionnel de s'être "autorisée à mentir sciemment".

Pourquoi cette demande?

Dans sa lettre comprise comme une demande de récusation, la belle-fille produit des courriels de la Direction de la communication du pouvoir judiciaire reçus dans l'intervalle qui démontreraient que des contacts ont existé entre les juges et les médias. Pour elle, la réponse de la présidente du 1er novembre est donc "sciemment contraire à la vérité".

Que décide la Cour de justice?

Le 7 décembre, elle rejette la requête. Pour elle, la présidente du tribunal n'a fait que "confirmer une information dont le journaliste disposait déjà", et elle n'a donc "commis nul mensonge, nulle dissimulation, nulle tromperie (…) L'information, véridique, que le procès était reporté ne révélait aucune prévention, aucun parti pris ni aucune violation des devoirs d'un magistrat". Selon la Cour, "les reproches énoncés dans la lettre de la belle-fille du 27 novembre sont dénués de tout fondement".

Saisi par les prévenus, le Tribunal fédéral, le 28 février 2024, rejette leur recours. Il écrit notamment que "si on peut certes admettre que les propos tenus le 1er novembre 2023 ne sont pas strictement conformes à la réalité, puisque le tribunal a eu, par l'intermédiaire du service de communication, des contacts avec la presse, on ne saurait affirmer, comme le font les recourants, que le tribunal leur aurait menti et que les exigences d'indépendance, d'impartialité et d'intégrité seraient en l'espèce compromises".

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10/ 22 et 23 janvier 2024 - Une histoire de volonté jusqu'au-boutiste

Les 11 et 12 janvier, le père demande le report des débats (qui doivent s'ouvrir le 15 janvier) pour raison de santé. Le 13 janvier, son avocat, Me Nicolas Jeandin, fait savoir que son propre état de santé l'empêche d'assister son client pendant quelques jours. Le 15 janvier, Me Romain Jordan, avocat de la belle-fille, écrit au Tribunal qu'il n'est pas non plus en état de comparaître pour raison de santé. Il joint quatre photos d'un thermomètre. Le même jour, à l'ouverture du procès, le Tribunal correctionnel constate l'absence du père et ajourne les débats au surlendemain pour traiter des questions préjudicielles. Une semaine plus tard, les 22 et 23 janvier, la belle fille et le père demandent la récusation des trois juges.

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Pourquoi ces demandes?

Pour la belle-fille, le fait que l'audience du 15 janvier ait eu lieu malgré l'absence de son avocat, Me Romain Jordan, démontre une volonté "jusqu'au-boutiste" du tribunal. Elle précise avoir ainsi été exposée à la chronique judiciaire et sans que le tribunal n'ait jamais "recadré" les interventions des parties adverses.

Pour le père, la tenue de l'audience du 15 janvier en dépit de son absence et de celle de son avocat, Me Nicolas Jeandin, relève d'une "grossière erreur" du tribunal. Des juges dont "l'acharnement dépasse l'entendement" et dont les procédés sont "viciés". Le père craint ainsi que, dans cette affaire, "la messe soit dite" en raison du cumul de "postures" du tribunal.

Que répondent les juges?

Pour eux, si le procès s'est bien ouvert le 15 janvier, "aucun débat" ne s'est tenu ce jour-là, "aucune question préjudicielle" n'a été traitée, "aucune audition" n'a eu lieu. L'absence de deux avocats a conduit à ajourner les débats. La requête doit donc être déclarée irrecevable.

Que décide la Cour de justice?

Le 27 février, dans un arrêt que l'on peut qualifier de sévère, elle rejette les requêtes. Elle dénonce certaines formulations "elliptiques ou ambiguës" des accusés et affirme que, "contrairement à ce qu'ils semblent laisser entendre, la police de l'audience n'a pas été défaillante ni partiale". La Cour enfonce le clou: "En d'autres termes, rien, dans le déroulement de l'audience du 15 janvier, ne démontre de parti pris des juges contre les requérants, dont les demandes successives en récusation prennent toutes les apparences de pressions répétées sur le Tribunal correctionnel pour l'amener (…) à se conformer strictement à leurs vues".

Le procès entrera dans le vif du sujet dès le 10 juin avec l'audition des prévenus.

Fabiano Citroni - Pôle Enquête RTS

Sujet développé dans La Matinale du 21 mars

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