Les conditions précaires des consultants de l'ONU dénoncées à Genève
Selon une étude de l'UN Joint Inspection Unit, entre 35 et 45% des employés de l'ONU sont des consultants, un chiffre qui peut atteindre 60% dans certaines agences. Ces travailleurs, engagés pour des projets spécifiques et souvent de courte durée, sont essentiels pour fournir une expertise ponctuelle et spécialisée aux différentes agences de l'ONU.
Cependant, tous les consultants ne sont pas des experts recrutés pour des missions spécifiques. Certains, notamment des jeunes travailleurs étrangers, se retrouvent dans des situations précaires.
Des salaires "à la tête du client"
Les salaires sont souvent négociés au cas par cas, sans grille de rémunération fixe, ce qui expose certains travailleurs à des rémunérations bien en deçà des normes acceptables, dénonce Ian Richards, président du syndicat de l'ONU, lundi dans l'émission Tout un monde.
Il n'y a pas de grille salariale pour les consultants mais seulement des minimums et des maximums. Tout se négocie
"Les salaires pour les consultants sont négociés à la tête du client. Il n'y a pas de grille salariale pour les consultants mais seulement des minimums et des maximums. Tout se négocie". Il déplore également le recours à des consultants pour des tâches normalement dévolues au personnel permanent, entraînant une précarisation de l'emploi.
De son côté, Alessandra Velluci, porte-parole de l'ONU, assure qu'il y a des règles précises sur les émoluments. "Mais comme la nature du travail des consultants est temporaire, il n'y a pas ces avantages de longue durée dont bénéficient les staff", souligne-t-elle au micro de la RTS.
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Des règles pas toujours respectées
Parmi ces règles, l'une stipule qu'il est interdit pour un consultant d'avoir des fonctions managériales ou de représentation. C'est pourtant ce qui est arrivé à cet ancien consultant de l'ONU qui souhaite rester anonyme. "Quand j'étais consultant, j'ai représenté l'organisation auprès d'autres agences de l'ONU. Même au sein du conseil d'administration, j'ai présenté des papiers. C'est contre le principe de consultant", explique-t-il.
En outre, selon le Consultants coordinating board, plus de la moitié des consultants n'ont pas de vacances ou de congés maladie payés, malgré des contrats qui peuvent parfois durer jusqu'à onze mois. Les consultants peuvent également être soumis à des périodes de "pause de contrat", non rémunérées, pour respecter les règles de l'ONU limitant la durée d'emploi. Ainsi, aucun consultant ne peut être employé plus de 24 mois au cours d’une même période de 36 mois. Des pauses s'imposent, donc, mais elles ne sont pas payées.
Une peur de s'exprimer qui s'explique
Dans le même temps, le statut de "staff" offre des conditions bien plus avantageuses: salaire de base, congés payés, AVS ainsi que des bourses pour les enfants des employés. "Je crois qu'en tout, je gagnais 2 à 3 fois moins net, en tant que consultant que quand j'étais staff", confie l'ex-consultant.
Selon l'association Consultants Coordinating board, 65% des consultants espèrent obtenir un contrat de staff. Ce qui expliquerait en partie pourquoi ils osent peu s'exprimer dans les médias. Travailler à l'ONU est également considéré par beaucoup comme un "honneur" et un "privilège". Il n'est donc pas question de prendre des risques en critiquant publiquement l'organisation.
Sujet radio: Juliette May
Texte: Hélène Krähenbühl