C’est un coup de tonnerre. Dans une décision très attendue, les juges genevois de deuxième instance condamnent Tariq Ramadan pour le viol il y a plus de quinze ans à Genève de celle que les médias surnomment Brigitte
Le procès en appel de l’islamologue s’est tenu du 27 au 29 mai 2024 et le verdict a été reçu ce mardi par les parties.
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Le procès de première instance, lui, avait eu lieu un an plus tôt, en mai 2023. Tariq Ramadan avait alors été acquitté au bénéfice du doute par le Tribunal correctionnel de Genève. Pour Véronique Fontana, avocate de la victime, grâce à une nouvelle appréciation des preuves, ce doute a désormais été levé.
"Il y a eu une nouvelle appréciation des témoignages, des expertises et de nouvelles pièces qui ont été apportées", explique-t-elle dans l'émission Forum. "Et en fait, il n'y a pas de doute. Et lorsqu'il n'y a pas de doute, on condamne."
Plusieurs témoignages concordants
Dans son communiqué, qui faisait suite à l'information révélée par la RTS, la Cour de justice précise que la Chambre pénale d'appel et de révision "a retenu que plusieurs témoignages, certificats, notes médicales et avis d'experts privés concordent avec les faits dénoncés par la plaignante".
La Chambre pénale d'appel et de révision, dans son arrêt, qualifie la faute de Tariq Ramadan de "très grave". L'islamologue a imposé à sa victime l'acte sexuel ainsi que d'autres actes d'ordre sexuel, "en agissant de manière brutale, violente".
Aucun regret
Les juges ont également reproché à Tariq Ramadan d'avoir persisté à contester les faits, de s'être retranché "derrière des explications visant à discréditer la victime" et de n'avoir exprimé aucun regret. "Ses actes apparaissent d'autant plus répréhensibles qu'il se veut un homme de bien, de valeurs", écrit encore la Cour dans son arrêt.
Tariq Ramadan a bénéficié de la circonstance atténuante du temps écoulé. Sa santé chancelante, lui qui souffre de sclérose en plaques, a aussi été prise en considération par les juges. La peine de prison ferme a ainsi été réduite de six mois.
L'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral dans un délai de 30 jours. Dans le 12h30, Me Yaël Hayat, qui défend Tariq Ramadan avec son confrère Guerric Canonica, a déclaré que la défense allait désormais attendre "que le Tribunal fédéral "soit l'arbitre" dans ce dossier et qu'il "restitue les principes de présomption d'innocence, y compris pour Tariq Ramadan".
Egalement invitée dans Forum, Yaël Hayat affirme que son client est déçu. "Mais plus que ça, il y a une sorte d'indignation. C'est un innocent condamné", affirme l'avocate. "Le dossier contient de telles failles, de tels écueils, qu'il y a une seule lecture possible à ce stade: c'est que Tariq Ramadan a été condamné parce qu'il s'appelle Tariq Ramadan. C'est la condamnation d'un nom, mais pas la condamnation d'un acte", ajoute-t-elle.
La plaignante soulagée
Pour les avocats de "Brigitte" Robert Assaël et Véronique Fontana, "la vérité a enfin triomphé". L'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision "balaie tous les arguments fantaisistes du prévenu, qui n'a eu de cesse de salir la victime et de la discréditer, pour préserver son image déjà bien écornée", ont-ils ajouté.
"A l'inverse du Tribunal correctionnel, la juridiction d'appel a tenu des débats dignes, équilibrés et à l'écoute de toutes les parties", ont souligné les deux avocats. Ils ont précisé que "Brigitte" était soulagée par ce verdict, rendant hommage à "son courage, sa résilience et sa détermination hors normes".
"Elle a expliqué les faits toujours de la même façon. On ne peut pas simuler ce qu'elle a vécu", souligne Véronique Fontana. "Pour une victime, c'est très difficile d'expliquer ce qu'on a vécu puisque réexpliquer, c'est revivre. Et là, elle a fait preuve d'une très grande authenticité".
Procédure rouverte en France aussi
Yaël Hayat regrette quant à elle que certains éléments aient été écartés "au bénéfice d'une seule chose: la parole de la plaignante". "Sa parole a été érigée en preuve. C'est-à-dire que l'on a donné à cette seule parole une force probatoire absolue, en marge de tous les autres éléments du dossier qui venaient la contredire", dit-elle.
En France, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris avait décidé, au début de l'été, de renvoyer Tariq Ramadan devant la cour criminelle de Paris pour des viols sur trois femmes, commis entre 2009 et 2016. "C'est la même chose en France comme en Suisse", affirme Yaël Hayat qui estime qu'un "combat" est livré contre Tariq Ramadan.
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"Ce n'est pas une affaire de justice, c'est au-delà", déclare-t-elle. "Une justice qui condamne sans preuve et qui écarte des éléments importants, ce n'est pas une justice. On est dans quelque chose qui est en marge de cela".
Fabiano Citroni/ebz et les agences
La victime a eu peur de mourir
En première instance, la victime, surnommée Brigitte par les médias, avait raconté avoir eu peur de mourir sous les coups de Tariq Ramadan, lors de cette nuit passée à l'hôtel en sa compagnie. Elle avait expliqué que l'islamologue l'avait jetée sur le lit et s'était mis à califourchon sur elle, la frappant au visage.
En appel, la quinquagénaire avait indiqué que ces violences qu'elle avait subies avaient bouleversé son rapport avec les autres. "J'ai un sentiment de honte, une perte de confiance en moi et je fais des cauchemars", avait-elle déclaré. La victime avait aussi concédé avoir eu de l'admiration pour Tariq Ramadan et lui avoir écrit "compulsivement" pendant une période.
Accusations vivement contestées
Devant la Chambre pénale d'appel et de révision, Tariq Ramadan avait contesté vigoureusement les accusations portées contre lui par cette femme âgée aujourd'hui de 58 ans, affirmant n'avoir jamais eu de relations sexuelles avec elle. "Je suis absolument innocent de tout ce qui est dit et de tout ce qu'on affirme que j'ai pu faire", avait-il souligné.
L'islamologue avait expliqué avoir été abordé sur les réseaux sociaux par cette femme qui se montrait "extrêmement entreprenante". Piqué par la curiosité, il lui avait proposé de la rencontrer. C'est une fois à l'hôtel avec elle que Tariq Ramadan a déclaré avoir eu l'impression d'avoir été piégé. La victime portait des extensions de cheveux et avait ses règles.