"Depuis des années, des cas de harcèlements répétés au sein du département du service mondial de Rolex à Genève sont rapportés au syndicat. Au vu du nombre de ces cas individuels, nous constatons qu'il s'agit d'une situation collective", a déclaré devant la presse Alejo Patiño, secrétaire syndical chez Unia.
Une cinquantaine de témoignages sont parvenus au syndicat, tandis qu'une dizaine de licenciements et une quinzaine de démissions ont été signalés, mais les cas pourraient être plus nombreux parmi la centaine d'employés du site. "Nous ne connaissons pas les chiffres exacts puisque seuls nous parviennent les témoignages de ceux qui ont souhaité dénoncer", a relevé le syndicaliste.
Rolex a tout d'abord complètement nié. Dans un deuxième temps, un audit externe n'a pas permis de mettre en place les mesures demandées par les salariés
Alejo Patiño affirme qu'Unia a cherché à trouver des solutions avec Rolex, signataire de la Convention collective de travail (CCT) du secteur de l'horlogerie, mais que le syndicat s'est heurté à "des blocages".
"Ils ont tout d'abord complètement nié. Dans un deuxième temps, ils ont accepté une enquête interne, puis un audit externe qui n'ont pas permis de mettre en place les mesures demandées par les salariés", a dit Alejo Patiño. Une quinzaine de salariés ont alors dénoncé la situation à l'Office cantonal genevois de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) et, sur cette base, l'OCIRT a fait une demande de mise en conformité.
Des pratiques managériales "néfastes"
Dans un document adressé à l'un de ces plaignants en octobre 2023, l'OCIRT dit qu'"il ressort que certains aspects relatifs à l'organisation du travail en place, ainsi que des pratiques managériales et des lacunes en matière de prévention des risques psychosociaux au sein du département 'Service mondial' ont un aspect néfaste sur la santé du personnel de ce département".
L'inspection du travail demande donc "la mise en place de mesures adaptées aux problématiques identifiées". Ces mesures devaient avoir toutes été mises sur pied d'ici au 30 avril dernier, délai qui a été reporté "d'environ deux mois", fait savoir Unia.
Un responsable "protégé"
Un responsable du "Service mondial" est notamment pointé du doigt. Il aurait été "protégé" par la direction alors qu'il faisait régner un climat toxique, propagé par d'autres responsables à sa solde.
Un employé de longue date s'est notamment vu licencier en janvier par Rolex au motif qu'il n'était "plus utile" à l'entreprise après avoir enduré des années de harcèlements et d'humiliations en tous genres, a-t-il affirmé. "L'entreprise le savait mais ce responsable était protégé. C'est ça qui est terrible, les gens avaient tous peur de lui", relate-t-il.
Même après l'intervention de l'OCIRT, certains ont été licenciés pour avoir alerté
Suite à l'intervention de l'OCIRT, le responsable en question a été licencié en décembre dernier, mais Unia souligne qu'il a fallu que "des dizaines et des dizaines de salariés se retrouvent en arrêt maladie", pour en arriver là. "Et même après cette intervention, certains ont été licenciés pour avoir alerté", déplore Alejo Patiño.
Le syndicat va donc déposer d'ici la fin du mois une plainte pour "licenciement abusif" auprès du Tribunal des prud'hommes. "Nous y sommes contraints, nous avons épuisé toutes les possibilités qu'offrait le partenariat social", souligne Alejo Patiño.
ats/asch
"Réorganisation complète du service"
Contacté par AWP, Rolex a réagi aux accusations d'Unia en expliquant qu'"après avoir fait le constat de dysfonctionnements dans l'un de ses services, le groupe a immédiatement pris les mesures nécessaires afin de mettre un terme à la situation".
"Les mesures prises ont entraîné des ruptures de contrat à différents niveaux de la hiérarchie y compris les plus élevés. Elles ont abouti à la réorganisation complète du service concerné", a déclaré une porte-parole.
"Selon ses règles strictes, Rolex a procédé à des licenciements justifiés et en a informé l'OCIRT", a-t-elle ajouté. La marque précise "collaborer activement à l'heure actuelle avec l'OCIRT sur des démarches de prévention et mettre tout en œuvre pour ne plus avoir à prendre de telles mesures à l'avenir".