La commune de Chêne-Bougeries privée de pompiers volontaires, sur fond de conflit de "clans"
La Mairie de cette commune genevoise de 14'000 habitantes et habitants reproche à sa compagnie plusieurs dysfonctionnements. Trois audits réalisés l'année dernière ont mis en lumière une consommation problématique d'alcool, un manque général d'organisation, ou encore un "carnotzet secret" trouvé dans la caserne.
Forte de ce constat, elle a suspendu trois officiers en juin. Une quinzaine de pompiers ont alors quitté la compagnie en guise de protestation. L'affaire est portée devant la justice, qui récuse les autorités début octobre. Elle refuse des demandes de mesures provisionnelles et ordonne la réintégration des officiers, le temps d'un jugement sur le fond.
Mais à l’annonce de ces réintégrations, ce sont d'autres pompiers qui rendent leur uniforme. Conséquence: faute de personnel suffisant, la caserne a alors été mise à l'arrêt. Enfin, en décembre, l'exécutif persiste et décide d'exclure de façon définitive deux des officiers, qui ont fait recours.
"Guerre de pouvoir" entre deux clans
Les membres de la compagnie, eux, contestent fermement les conclusions de l'audit. Ils reconnaissent consommer parfois de l'alcool, mais seulement après une garde et jamais entre deux interventions. Ils expliquent aussi qu'il ne s'agit pas d'un carnotzet, mais d'un local qui n'a jamais été utilisé. Les officiers exclus, eux, évoquent un conflit d'intérêt: les audits auraient été réalisés par des personnes impliquées dans l'affaire, notamment le commandant par intérim.
Par ailleurs, selon d'autres pompiers actifs sur le canton, ces reproches ne seraient que des prétextes. Ils évoquent une "guerre de pouvoir" entre deux "clans" du milieu des sapeurs-pompiers genevois, et accusent le Maire de Chêne-Bougeries Jean-Michel Karr, en charge du service du Feu, d'en être partie prenante.
Ils l'accusent ainsi de "faire le ménage pour placer ses protégés" en vue d'un futur projet de regroupement de pompiers volontaires de plusieurs communes adjacentes.
Contactée, la Mairie reconnaît l'existence d'un conflit, mais réfute vivement ces accusations et assure ne pas prendre parti. Elle indique par ailleurs avoir sanctionné des pompiers des deux groupes.
"L'essentiel est assuré"
Invité à réagir dans l'émission Forum, le conseiller national Laurent Wehrli (PLR/VD), président de la Fédération suisse des sapeurs-pompiers, estime qu'il est "toujours malheureux de voir de telles dissensions dans un endroit où les gens doivent se serrer les coudes pour servir et sauver leurs concitoyens". L'essentiel reste cependant garanti, selon lui: "La qualité de l'intervention est aujourd'hui totalement assurée, à ma connaissance [...] par les solutions qui ont été trouvées."
Quant à la question spécifique de l'alcool, "il y a eu une forte évolution ces dernières années", souligne-t-il. "Pendant la garde, c'est zéro pour mille. Pour la conduite de véhicules lourds aussi. Et dans le cas de pompiers volontaires ou professionnels qui ne sont pas de service, mais qui seraient appelés en renfort, la règle de 0,5 pour mille est appliquée."
Charlotte Frossard/jop
Séance extraordinaire en vue au Conseil municipal de Chêne-Bougeries
En l'absence de pompiers volontaires, situation inédite dans le canton, les pompiers professionnels ont repris la main sur le territoire de la commune. En plus des urgences, qu'ils assuraient déjà, ils s'occupent désormais de ce qui incombait aux volontaires, à savoir le sauvetage d'animaux, les chutes d'arbres, les petits feux ou les intempéries.
Ces services supplémentaires sont facturés à la Commune depuis le 1er janvier, alors que celle-ci dépense déjà plus de 600'000 francs pour sa caserne chaque année. La situation suscite donc la grogne au sein du Conseil municipal. Membre du bureau, Marc Wuarin déplore notamment un manque d'information de l'exécutif. Il compte demander une séance extraordinaire pour rétablir une caserne de pompiers volontaires au plus vite.