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Le canton de Genève se prépare à l'abolition des statuts fiscaux

Ciel radieux à Genève. [Daniel Simon]
Un taux d'imposition sur les bénéfices de 13% pour toutes les sociétés diviseraient par plus de deux les recettes fiscales du canton de Genève. - [Daniel Simon]
Le canton de Genève a rappelé jeudi que l'apport des sociétés bénéficiant de statuts spéciaux est indispensable à son économie. Le gouvernement genevois prévoit déjà de réclamer des compensations à la Confédération en cas de pertes fiscales.

Alors que les pressions de l'Union européenne (UE) s'accentuent pour que la Suisse supprime les privilèges fiscaux accordés aux entreprises, le gouvernement genevois a mis en garde jeudi: si 945 sociétés bénéficient d'un statut spécial sur son territoire, c'est parce que leur apport est indispensable à l'économie du canton.

Ces entreprises créent près de 20'000 emplois et versent plus d'un milliard de francs de recettes fiscales, selon une étude de l'institut CREA réalisée à la demande du canton. "En additionnant les effets directs, indirects et induits, ces sociétés génèrent environ 50'000 emplois EPT (équivalents plein-temps) et contribuent de près d'un quart au PIB cantonal", souligne même la Chancellerie. Le CREA chiffre cette valeur ajoutée à au moins 9,6 milliards de francs.

Réduction d'impôt pour toutes les sociétés

Le président du Conseil d'Etat genevois Pierre-François Unger. Un taux d'imposition sur les bénéfices de 13% pour toutes les sociétés diviseraient par plus de deux les recettes fiscales du canton de Genève. [Salvatore Di Nolfi]
Le président du Conseil d'Etat genevois Pierre-François Unger. Un taux d'imposition sur les bénéfices de 13% pour toutes les sociétés diviseraient par plus de deux les recettes fiscales du canton de Genève. [Salvatore Di Nolfi]

Or, l'UE réclame l'abolition de ces statuts fiscaux cantonaux, sans quoi elle pourrait imposer à la Suisse de graves mesures de rétorsion. Pour éviter un choc économique et social destructeur en cas de délocalisation de ces entreprises vers d'autres horizons fiscalement plus favorables, le Conseil d'Etat préconise une réduction du taux effectif d'impôt pour l'ensemble des sociétés de 24% à 13%.

Dans ce cas, les rentrées fiscales du canton ne seraient plus que de 457 millions de francs, soit moins de la moitié des recettes actuelles. Le gouvernement genevois juge une telle réforme insoutenable sans d'importantes compensations de la part de la Confédération et veut donc lancer un débat national à ce sujet.

Le gouvernement genevois envisage une série de possibilités: la Confédération pourrait notamment baisser le taux de l'impôt fédéral sur les bénéfices afin de permettre aux cantons de relever leurs propres taux sans affecter le taux effectif global. Ce dernier devrait être comparable à celui de l'Irlande, soit 12,5%. Une autre solution consiste à augmenter la part de l'impôt fédéral direct (IFD) reversée aux cantons qui est aujourd'hui de 17%.

sipa/ptur

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Un think tank pour la fin du "dumping fiscal"

Le réseau de réflexion helvétique Denknetz estime jeudi que la Suisse doit mettre un terme au "dumping fiscal" favorisant les multinationales étrangères, et dénonce le "vol" d'une trentaine de milliards de francs d'impôts par an aux autres pays.

Entre 2004 et 2008, les bénéfices déclarés au fisc suisse par les entreprises ont explosé, passant de 119,7 milliards de francs en 2004 à 280,3 milliards en 2008, selon les chiffres de l'Administration fédérale des contributions.

Plus de la moitié de cette dernière somme proviendrait des bénéfices "transférés" en Suisse pour échapper aux impôts à l'étranger, estime Denknetz. Un chiffre élevé qui s'explique par le fait que les sociétés multinationales réalisant au moins 80% de leur bénéfices à l'étranger bénéficient en Suisse d'un statut fiscal avantageux.

Selon Denknetz, une hausse de l'imposition effective des entreprises à environ 20% des bénéfices augmenterait les recettes fiscales suisses de plusieurs milliards de francs, malgré le départ prévisible des sociétés ayant transféré leur siège en Suisse pour des raisons fiscales.

Stratégie saluée par les milieux économiques, dénoncée par les syndicats

La proposition de fixer un taux d'imposition unique à 13% pour toutes les entreprises réjouit les milieux économiques: la Fédération des entreprises romandes Genève (FER) juge que ce système "permet d'assurer un développement économique maîtrisé et nécessaire", dans un communiqué.

La Chambre vaudoise du commerce et de l'industrie (CVCI) accueille aussi favorablement la démarche, estimant que "les autorités vaudoises devraient s'en inspirer et proposer une diminution substantielle de la fiscalité des entreprises du canton".

Les syndicats sont à l'opposé. "Si tous les cantons abaissent leur taux d'imposition au seuil minimum européen, les pertes fiscales seront importantes", souligne Thomas Zimmermann, porte-parole de l'Union syndicale suisse (USS). "Or, les entreprises doivent aussi participer au financement de l'Etat".