Cinq ans après l'interdiction de la mendicité dans le canton de Genève et malgré plus de 20'000 amendes prononcées, les Roms n'ont toujours pas délaissé la ville. Ils sont toujours entre 50 et 150 à y tendre la main.
La conjoncture européenne n'est pas favorable à une disparition de la mendicité, a indiqué Eric Grandjean, porte-parole de la police de Genève. Malgré les difficultés rencontrées dans le canton, les gains obtenus sont toujours supérieurs à ce que les mendiants obtiennent dans leur pays d'origine.
Distribution d'amendes
Depuis début 2008, 21'073 amendes ont été distribuées. La somme encaissée se monte 109'279 francs, précise-t-il. Même si les mendiants ne paient pas leurs amendes, l'argent saisi lors des contrôles est "séquestré". Il est dévolu à l'Etat, car il s'agit d'argent provenant d'une activité illégale.
Dina Bazarbachi de l'association de défense des Roms Mesemrom avance un chiffre beaucoup plus élevé. Selon l'avocate, de 40'000 à 50'000 ordonnances pénales ont été prononcées en cinq ans. Une partie d'entre elles sont aujourd'hui prescrites.
Procédures lourdes
"Les procédures sont adressées en Roumanie en recommandé, ensuite la justice doit traiter toutes les oppositions. Les magistrats croulent sous les procédures. Cette loi stupide coûte très cher pour un résultat totalement nul", déplore-t-elle.
"Les Roms viennent même s'ils sont persécutés et systématiquement condamnés pénalement. Ils n'ont pas d'autre choix", rappelle l'avocate. "En général, la plupart des magistrats les réduisent de 100 francs à dix francs. Nous ce que nous souhaitons, c'est un acquittement total".
Nouveau plan d'attaque
L'avocate tient aujourd'hui une nouvelle piste pour essayer de faire abroger cette loi. La Cour suprême d'Autriche vient de rendre un arrêt annulant une loi sur l'interdiction générale de la mendicité, semblable à celle en vigueur à Genève, annonce-t-elle.
Ce tribunal a considéré que l'interdiction de la mendicité en général portait non seulement atteinte à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), (droit à la liberté personnelle), mais aussi à l'article 10, (droit à la liberté d'expression). La Cour a estimé que l'Etat n'a pas le droit d'intervenir contre des personnes qui souhaitent faire part de leur détresse, a expliqué l'avocate.
Saisi sur la question en 2008, le Tribunal fédéral (TF) avait estimé que l'interdiction de la mendicité ne portait pas atteinte à la liberté personnelle. Mais il ne s'est pas prononcé sur la liberté d'expression, souligne-t-elle.
ats/aduc
Pétition genevoise étudiée
A Genève, une pétition munie de 3300 signatures et demandant l'arrêt de la criminalisation de la mendicité sera prochainement traitée par le Grand Conseil. "Vu la majorité de droite du Parlement, nous n'avons que peu d'espoir que la loi soit modifiée", a souligné la députée verte Anne Mahrer.
Alors qu'il était maire de la ville de Genève, Pierre Maudet avait estimé que réprimer la mendicité par des amendes était cher et peu efficace. Aujourd'hui conseiller d'Etat en charge de la sécurité, le PLR "entend appliquer cette loi en force", a communiqué son service de presse.
La lutte contre la mendicité organisée est expressément mentionnée dans l'axe "sécurité de l'espace public" convenue entre le Conseil d'Etat et le procureur général. Mais elle ne constitue pas une des deux priorités retenues, rappelle le service de presse.