Les citoyens du canton de Genève sont appelés dimanche à voter sur un serpent de mer: la traversée routière du lac. Lancée par l'UDC, l'initiative populaire "Pour une traversée de la rade" demande la construction d'un tunnel au niveau de la nappe phréatique entre le Port-Noir et l'avenue de France. Le texte s'appuie sur un rapport de 2004, enterré depuis par les autorités au profit d'une traversée du lac plus en amont.
Dans le détail, le comité d'initiative réclame la réalisation, à l'horizon 2020, d'une traversée sous-lacustre de deux doubles voies (réservées aux transports privés), ainsi que d'un tunnel de liaison de deux voies entre le Port-Noir et la route de Malagnou.
Les coûts du projet sont estimés à un milliard de francs à la charge du canton, éventuellement à travers un partenariat public-privé.
Réduire le trafic au centre-ville
Le trafic sur les quais et le pont du Mont-Blanc devrait diminuer de 50%, selon le comité d'initiative, qui estime que le trafic de transit continuera à prendre l'autoroute de contournement.
Cette "petite traversée" du lac a pour objectif de réduire la circulation au centre-ville. Elle n'exclut pas une "grande traversée" autoroutière du lac qui servirait à contourner l'agglomération, promet le comité.
Un coup trop élevé pour un effet moindre
Si les autorités reconnaissent que le trafic devrait diminuer sur le pont du Mont-Blanc, elles estiment qu'il pourrait augmenter jusqu'à 50% sur les routes permettant d'accéder à la traversée.
En outre, le tunnel sous-lacustre risquerait d'altérer des nappes qui participent à hauteur de 20% à la fourniture en eau potable du canton. Et les coûts limiteraient pour plus de 10 ans les possibilités d’investissement pour d'autres infrastructures.
Enfin, le Conseil d'Etat craint que la Confédération, qui pourrait financer la traversée du lac entre le Vengeron et Thônex à l'horizon 2030, estime la traversée de la rade suffisante.
L'initiative de l'UDC est soutenue par le MCG et le PBD, ainsi que le TCS. Tous les autres partis la rejettent, notamment en raison des secteurs choisis pour les accrochages.
L'Entente de droite a annoncé début septembre rédiger une initiative en faveur d'une traversée du lac.
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Un serpent de mer lémanique
1896: 34 ans après la construction du pont du Mont-Blanc, Albert Trachsel propose un autre pont, qui est refusé, comme les suivants.
1985: les associations automobilistes lancent une initiative populaire pour une traversée de la rade, sans imposer de plan précis.
1988: les Genevois acceptent l'initiative à 68,5%.
1996: les Genevois refusent les projets concrets, à 69% pour le pont et à 71% pour le tunnel.
2004: publication du rapport d'un groupe de travail réunissant des associations économiques et environnementales proposant un tracé entre le Port-Noir et l'avenue de France.
2006: des études plus poussées fustigent le rapport, estimant que la circulation serait encore plus difficile et que le tunnel porterait une "atteinte grave" à la nappe phréatique sur la rive gauche.
2007: le Conseil d'Etat opte pour une traversée autoroutière du lac, du Vengeron à la Belotte.
2012: l'UDC lance son initiative en s'appuyant sur le rapport de 2004. Elle est jugée partiellement invalide par le Conseil d’Etat, selon qui les objectifs ne sont pas en adéquation avec le délai fixé.
2013: le Grand Conseil juge recevable l'initiative. De son côté, l'Assemblée fédérale refuse d'intégrer la traversée du lac au réseau des routes nationales.
2014: le Grand Conseil refuse le texte UDC sans lui opposer de contre-projet. L'Entente prépare une initiative pour une traversée du lac. La conseillère fédérale Doris Leuthard rappelle que la traversée du lac n'est pas une priorité nationale et que les travaux ne devraient pas débuter avant 15 ans, voire 30 ans.