Publié

Des immeubles entiers destinés aux petits propriétaires détenus par des promoteurs

A Genève, une nouvelle loi s'attaque à la spéculation immobilière
A Genève, une nouvelle loi s'attaque à la spéculation immobilière / 19h30 / 2 min. / le 12 décembre 2014
A Genève, les constructions de PPE en zone de développement devaient favoriser l'accès à la propriété. Pendant des années, des promoteurs ont gardé à l'écart du marché plus de 150 appartements. Enquête.

Le prix des propriétés par étage (PPE) en zone de développement dans le canton de Genève est bloqué pendant 10 ans. Le but était de permettre à des petits épargnants d'acquérir leur logement. Des promoteurs ont fait fi de cet objectif: plusieurs lotissements complets n'ont pas été mis sur le marché.

80 appartements, un propriétaire

L'exemple le plus spectaculaire se trouve à Bellevue. Là, un promoteur a conservé 80 appartements, construits en 2007 sous le régime de la PPE. Contacté par la RTS, le propriétaire a répondu par courrier électronique qu'il avait changé d'avis concernant ces logements et n'avait plus l'intention de les vendre. Toujours est-il qu'en 2018, ces biens ne seront plus soumis à des restrictions sur le prix de vente.

Plus de 150 logements

Au minimum une dizaine d'immeubles ou partie d'immeubles représentant plus de 150 appartements construits entre 2004 et 2014 se trouvent dans la même situation. Le cadre juridique a changé en mars 2014, lorsque le Grand Conseil a décidé de réserver l'accès aux PPE en zone de développement aux non-propriétaires, soit un seul bien par particulier. Il a prévu aussi l'obligation de mise sur le marché des biens après construction.

"La loi prévoit une obligation de vente dans les trois ans", explique Antonio Hodgers, conseiller d'Etat en charge du Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (DALE). Toutefois, la loi n'étant pas rétroactive, le département "ne pourrait prendre des mesures qu'à partir de 2017", et par conséquent pas sur les cas antérieurs.

Sanctions "insuffisantes"

De plus, selon le conseiller national Carlo Sommaruga (PS/GE), la sanction prévue en cas d'absence de vente est "nettement insuffisante par rapport au gain spéculatif". Elle s'élève à au moins 20% du prix du bien. Si la plus-value après 10 ans est plus importante que la sanction, le propriétaire pourrait donc dégager de l'argent de la transaction.

Du côte de la Chambre genevoise immobilière, on ne croit pas à ce scénario. Son président, le député libéral-radical Cyril Aellen, estime que "la plue-value dépend de la conjoncture. Aujourd'hui, certains appartements ne trouvent pas preneur au prix contrôlé par l'Etat."

Initiative socialiste

Les socialistes, Carlo Sommaruga en tête, estiment que les dispositions légales en vigueur, issues d'un "rabotage" de la loi dite "loi Longchamp" qui obligeait les acheteurs à habiter leur logement, ne vont pas assez loin. Selon lui, la loi actuelle "permet encore les magouilles: une famille peut acheter quatre appartements, un pour un enfant de quatre ans, un pour un enfant de dix ans, un pour monsieur et un pour madame."

Ils ont récolté plus de 9000 signatures pour une initiative intitulée "Halte aux magouilles immobilières, oui à la loi Longchamp". Celle-ci stipule que "si une personne n'habite pas dans un logement qu'elle achète, elle ne pourra plus le vendre, il restera toujours locatif", comme l'explique Carlo Sommaruga. Le texte contrarie Cyril Aellen, qui estime que "c'est une régression puisque n'importe qui peut se porter acquéreur", et que les acheteurs, ensuite, "ne sont plus libres".

Soutien du conseiller d'Etat

Antonio Hodgers a d'ores et déjà annoncé qu'il soutenait l'initiative, même s'il émet quelques réserves. Il estime notamment que, loi actuelle ou initiative, on ne garantit pas l'objectif essentiel, à savoir "que la classe moyenne accède à la propriété". Le conseiller d'Etat affirme que "la fin du copinage" dans l'attribution des appartements en zone de développement ne viendra ni d'une mouture juridique ni de l'autre.

Le ministre relève aussi que les initiants n'ont pas prévu d'interdire la vente en réméré, qui permet au vendeur de racheter un bien après un délai écoulé à un prix fixé, par exemple après le délai de dix ans. Un point que relève aussi Cyril Aellen, prêt lui à combattre l'initiative.

Tybalt Félix et Stephen Mossaz


Un problème parmi d'autres

Les immeubles intégralement détenus par des promoteurs ne sont qu'un volet du problème de l'accès aux PPE en zone de développement. Si l'on croise l'annuaire téléphonique avec le registre foncier, on s'aperçoit que plus d'un tiers des personnes ou ménages inscrits dans celui-ci (341 sur 1009) ne sont pas propriétaires dans les immeubles en PPE en zone de développement où ils résident.

L'échantillon est constitué des personnes vivant dans une PPE en zone de développement construite entre 2004 et 2011 et inscrites dans l'annuaire téléphonique.

Publié