Plusieurs menaces ont plané sur la Suisse et plus particulièrement sur Genève en décembre. Pourtant, un mois après l'alerte, il règne toujours un flou considérable sur l’ampleur réelle du danger. La plupart des enquêtes ouvertes sont d'ailleurs classées ou en passe de l'être.
Peu d'éléments
L’une de ces enquêtes porte sur deux Syriens, arrêtés à Genève le 11 décembre, au hasard d’une crevaison. Dans leur voiture, des traces d'explosifs ont été détectées. Arrêtés, ils ont été placés en détention, puis libérés samedi. Le Ministère public de la Confédération a en effet classé l'affaire le 30 janvier. Les soupçons d’appartenance à un groupe terroriste et de transport d’explosif ne se sont pas confirmés.
Autre enquête, celle qui porte sur une potentielle cellule du groupe Etat islamique qui menaçait Genève, selon une information fournie par les Etats-Unis aux autorités fédérales. Les quatre individus soupçonnés, dont la photo avait filtré dans la presse, n’ont jamais été repérés sur sol suisse. L'enquête du Ministère public genevois piétine, elle devrait être classée faute de nouveaux éléments.
Une troisième affaire concerne de jeunes Belges, liés à un des terroristes des attaques de Paris. Mi-décembre, ils sont localisés à Genève à proximité d'un lieu de culte juif. Les gardes-frontière français confirment un passage de la frontière dans le canton de Vaud. La police s’alarme, mais les individus parviennent à quitter le sol suisse.
La police genevoise a effectué une demande informelle d'information à leurs collègues étrangers mais, depuis, personne ne semble suivre ce dossier. Selon des sources au sein des unités antiterroristes de la police belge - et à leur plus grand étonnement - aucune demande d’information ou d’aide n’a été formulée officiellement par la Suisse.
>> Lire : La Suisse libère deux Syriens arrêtés à Genève lors de l'alerte terroriste
Différentes échelles d'alerte
Au-delà de la menace, que la justice n’a pas pu confirmer, ces différentes affaires révèlent plusieurs dysfonctionnements. Tout d'abord, il n'existe pas d'échelle unique de niveau d'alerte. Genève a élevé durant plusieurs jours son degré d’alerte à 3 sur une échelle de 5, selon la gradation suivante : 1- situation normale. 2- menace floue. 3- menace précise. 4- menace imminente. 5- crise majeure.
Reste la question des critères prédominants pour évaluer la menace. Toutes les institutions ne l’évaluent pas de la même manière. Les gardes-frontière ont une échelle de couleur, les agents de sécurité de l’ONU ont d’autres valeurs de risques, les cantons de Vaud et de Neuchâtel, ainsi que la Confédération n’ont pas de niveaux de menace.
Pour Frédéric Esposito, politologue à l'Université de Genève et spécialiste de la lutte contre le terrorisme en Europe, il est important que la Suisse se dote d’une échelle unique nationale d’alerte à l’image de la France ou de la Belgique. "Seul une réponse cohérente au niveau national peut être efficace. Il faut unifier nos système d’alerte et également centraliser la gestion des moyens humains et matériels en cas de menace d’attentats ce qui n’est pas le cas actuellement".
Manque de coordination
Entre la Confédération et les cantons, un point fait l’unanimité: le besoin de coordination. Officiellement, personne ne relève de manquement. Toutefois, de nombreuses sources cantonales et fédérales ont confié à la RTS qu’il existe des lacunes.
Les cantons ont créé Vigipol, une structure intercantonale pour coordonner la lutte anti-terroriste. Mais il s’agit d’une structure dans laquelle les gardes-frontière et la Confédération sont marginalisés. Pour le politologue Frederic Esposito, "cette structure est en concurrence directe avec la Police fédérale (fedpol), qui veut elle aussi jouer ce rôle de coordination entre les polices cantonales". Concrètement, en cas de crise dans plusieurs cantons, qui assurerait la conduite des opérations? Personne ne semble le savoir.
Sollicité par la RTS, le canton de Genève et son responsable de la Sécurité Pierre Maudet n’ont pas souhaité répondre à nos questions, affirmant avoir déjà largement communiqué sur le sujet.
François Ruchti
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