Depuis dimanche, les fuites du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca ébranlent le monde politico-financier. Et si elles ne dévoilaient qu'une petite partie des sociétés offshore dissimulées dans le petit paradis fiscal d'Amérique centrale?
Pour évaluer l'ampleur des révélations, la RTS a analysé les créations de sociétés au Panama par des avocats genevois, très actifs selon les "Panama Papers". Nous avons croisé la liste des 1356 hommes de loi référencés sur le site du Barreau de Genève avec les données du registre du commerce panaméen allant de 1960 à 2011. Celles-ci avaient été mises en ligne en 2013 par un militant de la transparence fiscale.
Résultat: 248 avocats genevois en activité, près d'un sur cinq, sont à l'origine de 5017 sociétés au Panama sur la période analysée. Entretemps, certaines d'entre elles ont été liquidées. Et rien ne permet de savoir si elles cachent des activités illégales.
Plus surprenant dans le contexte des "Panama Papers", une infime partie de ces sociétés ont été créées via Mossack Fonseca. La firme au coeur du vaste scandale n'a enregistré que 3% des sociétés liées à des avocats genevois. Plusieurs dizaines d'autres cabinets proposent en effet les mêmes services.
Certains concurrents de Mossack Fonseca ont créé jusqu'à quatre fois plus de sociétés offshore au Panama pour des avocats genevois.
Une étude genevoise liée à près de 700 sociétés
Toujours d'après le registre du commerce panaméen, une majorité des avocats genevois ne sont associés qu'à quelques sociétés. Pour d'autres, les liens avec Panama sont quasi industriels. La palme revient au cabinet Merkt. Deux de ses associés comptabilisent 669 sociétés créées entre 1960 et 2011.
A noter que René Merkt, patriarche de l'étude qui n'a pas été répertorié dans notre analyse puisqu'il n'est plus référencé sur le site du Barreau genevois, comptabilisait à lui seul plus de 700 sociétés panaméennes, soulignait déjà en mars 2013 Le Courrier.
Le quotidien avait alors fait réagir plusieurs avocats concernés. Ceux-ci insistaient sur la légalité de leurs affaires, notamment de "planification successorale" et d'"optimisation fiscale". Les raisons de choisir le Panama? La création rapide, simple et à bas prix de sociétés, et la discrétion.
>> Lire aussi :
Valentin Tombez et Tybalt Félix
Les "Panama Papers", c'est quoi?
Le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) et une centaine de médias internationaux ont commencé dimanche 3 avril au soir à divulguer des informations sur des avoirs cachés dans des paradis fiscaux par des dirigeants politiques, des personnalités sportives, voire des organisations criminelles.
Baptisée "Panama Papers", cette enquête menée pendant un an par 378 journalistes dans 77 pays a porté sur 11,5 millions de documents provenant de la firme panaméenne Mossack Fonseca, spécialisée dans le montage de sociétés offshore.
Ces documents, remis au journal allemand Süddeutzsche Zeitung par un lanceur d'alerte dont l'identité n'a pas été révélée, ont permis d'analyser dans le détail près de 214'500 entités offshore créées par ce cabinet entre 1977 et 2015 dans une vingtaine de paradis fiscaux, pour le compte de clients issus de plus de 200 pays.