Le conseiller d’Etat Mauro Poggia exige le licenciement de l’un d'eux en évoquant la préférence cantonale. "Je l'exige... Maintenant il va de soi que c'est un rapport de droit entre un employeur et employé dans lequel l'Etat n'intervient pas. Si l'employeur considère ne pas avoir à licencier cet employé, nous ne pouvons pas demander qu'il le fasse effectivement. Par contre je rappelle que cette fondation reçoit des subventions pour plus de 19 millions. Il est exclu que nous utilisions l'argent de l'Etat pour assumer le salaire d'un employé engagé en violation des directives que cette fondation a acceptées", a-t-il précisé jeudi dans Forum.
Le ministre estime aussi que certains profils non retenus présentaient pourtant des compétences "clairement supérieures".
L'affaire commence en janvier lorsque Clair Bois, une fondation de droit privé, mais largement subventionnée par l’Etat de Genève, ouvre deux postes, un comme responsable du restaurant pour son foyer de Pinchat et un autre comme coordinateur du secteur alimentaire.
Préférence cantonale
L’Office cantonal de l’emploi en est informé en primeur, comme l’exige une directive en vigueur depuis 2015, qui vise à favoriser, à compétences égales, l’engagement des chômeurs par les collectivités publiques. Une dizaine de personnes sont présentées, dont plusieurs correspondent en tout point aux exigences, selon Charles Barbey, directeur de l’Office cantonal de l’emploi.
Clair Bois recevra en tout une quinzaine de dossiers mais préférera aux chômeurs deux Français établis en Haute-Savoie. L’un est au bénéfice d’un permis frontalier, et travaille déjà en Suisse depuis quelques années. Pour le deuxième, en revanche, la délivrance d'un nouveau permis sera spécifiquement demandée.
Licenciement exigé
Informé, le Département de l’emploi se fâche. Dans un courrier que la RTS a pu consulter, le conseiller d'Etat Mauro Poggia, chef de l’emploi, exige le licenciement de la personne au bénéfice du nouveau permis, encore à l’essai, et la reprise du processus de sélection.
Autre point qui fâche: les deux frontaliers sont domiciliés dans le même village de Haute-Savoie que le directeur adjoint de Clair Bois.
Clair Bois rejette "le soupçon de copinage"
Clair Bois emploie 700 collaborateurs dont 25% de frontaliers, rappelle dans le 12h30 le président de la fondation, Horace Gautier, qui n'apprécie pas que l'on laisse entendre qu'il y a eu "soupçon de copinage".
Dans le cas particulier, rappelle-t-il, "il y a eu une réclamation de la personne qui a été écartée pour des motifs qui ne touchent pas à une question de permis et qui sont parfaitement valables". Horace Gautier note que les décisions qui sont prises par Clair Bois en matière d'embauche relèvent de la direction des ressources humaines, de la direction générale et de la direction du lieu de travail incriminé. "Et dans le cas présent, elles ont été prises conformément aux politiques de la maison."
"Pas d'ordre à recevoir de l'Etat"
Le président de Clair Bois refuse d'accéder à la demande de Mauro Poggia et de licencier l'une des deux personnes engagées. "Cela nous semblerait abusif (…), c'est une personne qui donne satisfaction", dit-il. "Le fait que l'Etat vienne donner des ordres à Clair Bois quant à sa gestion des ressources humaines me semble relever quand même un peu de l'abus".
Laetitia Guinand/lan