Tout était prêt, le Conseil d’administration de Genève Aéroport avait validé son partenariat avec le groupe turc Limak et l’offre financière devait être déposée d’ici au 4 juillet midi auprès de l'Etat français. Mais le Conseil d’Etat, qui avait déjà dit oui au principe, s'est révisé mercredi.
Une majorité nette de cinq ministres a rejeté le projet sans que le Conseil d'Etat ait à voter. Selon les sources de la RTS, Luc Barthassat, chargé des Transports, était le seul à défendre l'investissement prévu depuis une année par Pierre Maudet, ministre de tutelle de Genève Aéroport.
Le montant de l'investissement explique ce revirement, Genève Aéroport aurait dû sortir 60 millions de francs, au lieu des 40 millions prévus initialement. Le dégât d’image qui aurait pu être causé par la société turque avec laquelle l'aéroport genevois devait s'associer a également joué.
Liens d'intérêt et cas de corruption
La holding, qui possède déjà de petits aéroports comme celui de Pristina, devait amener 90% des fonds, contre 10% pour Genève Aéroport, mais ce partenariat soulevait de sérieuses questions, comme l'indique un rapport de KPMG Turquie, dont la RTS a eu connaissance.
L'audit met en évidence les liens d’intérêt entre le groupe Limak et le président turc Recep Tayyip Erdogan. Il fait également mention de cas de corruption et de non-respect des règles dans l’attribution des marchés publics.
D'ailleurs, en France, l'idée de voir cette société s'emparer des aéroports de Lyon, mais aussi de Nice, l’un des aéroports les plus rentables de France également en vente actuellement, fait hurler plusieurs politiques.
Prospérité menacée
L'aéroport de Genève n’avait guère le choix de s'associer à Limak. Après avoir perdu son principal bailleur cet hiver, un fonds de pension australien, il devait accepter la holding turque ou se retirer du projet. Reste que selon le journal économique français La Tribune, la pré-offre de la société turque sur Lyon et Nice serait pour l’instant en pôle position.
Genève perd ainsi l’occasion de contrôler un concurrent qui pourrait bien menacer la prospérité de son trafic, notamment charter, des vols qui rapportent beaucoup à Genève. L'aéroport perd aussi l’opportunité de se développer. Coincé en pleine ville, il ne sait plus comment absorber l'augmentation du trafic aérien pour toute la région romande.
Laetitia Guinand/lgr