Quelque 250 recrues ont été évacuées de différents sites militaires vaudois la semaine dernière à cause de la présence de punaises de lit. Cet incident met en lumière l'explosion des infestations en Suisse depuis deux ou trois ans, principalement dans les villes, avec des situations critiques à Genève ou à Zurich.
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Aucun recensement global du nombre de ménages touchés n'est disponible, seules quelques enquêtes locales ont été menées. En effet, il n'y a aucune obligation d'annonce officielle auprès des autorités.
La ville de Zurich indique une "croissance exponentielle des cas", avec plus de 100 infestations officiellement recensées en 2015 contre une vingtaine par an entre 1995 et 2005.
Mais dans le canton de Genève, une enquête menée par un groupe de travail ad hoc a dénombré 4978 contaminations pour la seule année 2014. Ces données très complètes se basent sur le nombre d'interventions des entreprises de désinfection, mais l'absence de suivi pour les années précédentes et suivantes ne permet pas de parler de baisse ou de recrudescence des cas.
Des infestations sont aussi ponctuellement signalés à Lausanne, Fribourg, Neuchâtel et dans la plupart des villes suisses, voire parfois à la campagne.
Comment les reconnaître?
Pas plus grande qu'un pépin de pomme et de couleur brunâtre, la punaise de lit aime les endroits secs et sombres et se nourrit exclusivement de sang, humain ou animal. Elle se niche dans les coutures des matelas et autres textiles, dans les crevasses des murs, aux jointures des meubles, sous les plinthes ou la peinture écaillée... Sa présence se remarque surtout par de petites traces noires de déjections et des marques de sang sur les textiles, dûs à leur écrasement pendant le sommeil.
La personne dont l'appartement est infesté est victime la nuit de piqûres disposées en lignes sur la peau après avoir utilisé son lit ou son canapé.
D'où viennent-elles?
La présence de punaises de lit n'est pas liée à une mauvaise hygiène dans le logement et ne se limite pas aux appartements vétustes. Elles sont rapportées de l'extérieur, souvent dans des bagages lors de déplacements, mais aussi sur des vêtements ou des chaussures, ou sur des objets achetés d'occasion. Parfois, ce sont des visiteurs qui les apportent sans le savoir, sur un manteau ou un sac à main. Elles se faufilent également très facilement d'un logement à l'autre par n'importe quel interstice.
Le caractère international de villes comme Genève ou Zurich en font un terreau privilégié, notamment avec le "boom" des vols low-cost. On les trouve aussi régulièrement dans les cinémas, les hôtels et les sièges des transports publics.
Combien coûte une procédure de désinfection?
Il faut en général compter environ 500 à 1000 francs pour une désinfestation par méthode chimique, en fonction de la taille du logement (hors détection des punaises par une brigade canine). Entre 200 et 500 francs supplémentaires sont aussi à prévoir pour la congélation en chambre froide de certains objets, voire davantage en cas d'incinération de meubles particulièrement infestés. Et ce sans compter les possibles récidives de ces insectes très coriaces.
Qui paie les frais de désinfestation?
Le problème est délicat, car les punaises s'installent rarement d'elles-même dans un logement mais sont rapportées depuis l'extérieur. Ainsi, les régies estiment souvent que les frais incombent au locataire. Des dépenses qui ne sont pas prises en charge par les assurances ménage et responsabilité civile.
"Une infestation est un défaut de la chose louée, au même titre qu'un problème d'humidité, par exemple, dont l'élimination revient au bailleur", affirme Carlo Sommaruga (PS/GE), vice-président de l'Association suisse des locataires (ASLOCA). Un jugement du Tribunal des baux et loyers de Genève en 2014 confirme ses dires.
Mais c'est justement sur la définition du défaut du bien que les visions diffèrent. "Un défaut du bien n'est pas causé par le locataire. Il peut s'agir d'une installation qui marche mal, ou à des besoins d'entretiens liés à la vétusté de l'immeuble. Or, dans le cas des punaises, c'est le locataire qui les amène à l'intérieur", répond Philippe Angelozzi, secrétaire général de l'Union suisse des professionnels de l'immobilier (USPI) à Genève.
C'est en signalant le plus rapidement possible les cas que l'on peut éviter leur propagation.
Interrogé sur la prise en charge des coûts, il répond que chaque régie a sa politique, mais que les frais de désinfestation sont généralement à la charge du locataire "si sa responsabilité est prouvée", c'est-à-dire si son appartement est le seul de l'immeuble à être infecté.
"Avec ce raisonnement, on blâme la personne qui s'annoncera en premier", déplore Anne-Marie Trabichet, conseillère en santé publique et membre du groupe de travail de la Direction générale de la santé à Genève, qui estime qu'il est presque impossible de savoir qui introduit les punaises dans un immeuble.
Il faudrait que la procédure entre gérances et locataires se normalise.
Stratégie de prévention
"Certaines personnes tardent à annoncer une infestation car ils ont peur d'être tenus pour responsables. Or, c'est en signalant le plus rapidement possible les cas que l'on peut éviter leur propagation", explique Gérard Cuendet, responsable de la formation professionnelle à la Société suisse des désinfestateurs, qui a collaboré avec la task force genevoise.
"Il faudrait que la procédure entre gérances et locataires se normalise", estime Anne-Marie Trabichet. Mais seule la jurisprudence semble à même de trancher le débat.
En attendant, le groupe de travail genevois a misé sur une vaste campagne de communication sur le problème. "Il n'y a aucun moyen de débarrasser une ville des punaises de lit, mais nous avons choisi une stratégie de prévention. Ce qui a évolué, c'est que les punaises sont moins un objet de peur lorsque la population est informée. Les gens détectent et signalent les cas plus rapidement. Mais cela ne signifie pas qu'il y en a moins", souligne Anne-Marie Trabichet.
jvia
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Pas un problème de santé publique
Le conseiller national Guillaume Barazzone (PDC/GE), aujourd'hui maire de Genève, avait interpellé le Conseil fédéral en 2014 dans un postulat, demandant un rapport faisant le point en la matière, en collaboration avec les cantons, afin de lutter contre le problème des punaises de lit.
Or, "en Suisse, les punaises de lit ne constituent pas un thème de santé publique (...)", lui a répondu le gouvernement. En effet, aucune base légale ne règle la lutte "contre les organismes non invasifs" étant donné qu'ils ne transmettent pas de maladie infectieuse au sens de la loi sur les épidémies, ni ne menacent la diversité biologique.
Pour le Conseil fédéral, la lutte contre les nuisibles reste du ressort des cantons. Interrogé par la RTS, l'Office fédéral de la santé publique ne dispose d'aucune donnée sur les punaises de lit et leur propagation.
Comment prévenir une infestation?
A l'hôtel ou dans un établissement public, il est conseillé d'inspecter les sièges, le mobilier et les matelas avant de les utiliser. Les valises à coque dure sont à privilégier, et il faudrait éviter de les laisser sur le sol ou sur le lit, mais plutôt les placer dans une zone surélevée (table de nuit, porte-bagages, voire dans la salle de bains car les punaises n'aiment pas le carrelage). Des sacs en plastique fermés peuvent servir à emballer les vêtements que l'on y transporte.
Chez soi, on peut entreposer les effets personnels (sacs à main, manteaux) des visiteurs sur un porte-manteau dédié, dans la cuisine ou la salle de bains.
On peut également emballer son matelas dans une housse de protection spéciale vendue dans le commerce et éviter de coller le lit au mur. Il est également recommandé d'inspecter méticuleusement tout objet d'occasion avant de l'introduire dans le logement.
Par ailleurs, il est souhaitable de passer régulièrement l'aspirateur, notamment sur les rebords du lit et le sommier.