Qui, au sein des institutions genevoises, est responsable des nombreux dysfonctionnements qui ont conduit à la mort d'Adeline, la sociothérapeute de La Pâquerette tuée lors d'une sortie d'un détenu le 12 septembre 2013? C'est la question à laquelle doit répondre la commission d'enquête parlementaire (CEP) créée par le Grand Conseil genevois en marge du procès pénal.
Les raisons du retard
Le rapport de cette institution a été plusieurs fois reporté. Vendredi, un communiqué de la CEP indiquait encore que le rédacteur de ce document - le député PLR Pierre Conne - avait été remplacé, alors que les conclusions de l'enquête sont quasi toutes arrêtées depuis juin déjà.
Deux raisons principales expliquent ce retard. Premièrement, le retard apparemment abyssal dans la rédaction du rapport pris par le rapporteur Pierre Conne, remplacé par deux de ses collègues.
Deuxièmement, selon nos informations, la CEP n'a pu consulter qu'au mois de juin dernier les archives du centre thérapeutique de La Pâquerette, situé dans la prison de Champ-Dollon, soit plus d'une année après sa création.
Canton et Confédération pointés du doigt
Les dysfonctionnements pointés du doigt par la CEP touchent notamment les chefs des deux départements qui chapeautaient à l'époque La Pâquerette, à savoir les conseillers d'Etat Pierre-François Unger et Pierre Maudet, ainsi que la directrice de l'établissement, aujourd'hui fermé.
Mais les responsabilités remontent apparemment jusqu'à Berne. En effet, l'Office fédéral de la justice aurait autorisé le transfert de France en Suisse de Fabrice A., pour des faits antérieurs au meurtre d'Adeline, sur la base d'un dossier qui ne comprenait pas les principales expertises psychiatriques.
Plus tard, la directrice de La Pâquerette a obtenu ces documents, mais elle ne les aurait pas transmis à son équipe. Elle aurait aussi autorisé Fabrice A. à chatter avec des femmes de l’extérieur, avant de revenir en arrière et stopper ces activités.
Qui était au courant de quoi?
Une partie de ces informations étaient délibérément tues par la direction à l'endroit des organes de surveillance, genevois mais aussi romands. Pour rappel, La Pâquerette accueillait de dangereux détenus de tous les cantons latins.
En revanche, d'autres pratiques non réglementaires étaient connues, par exemple les conduites non accompagnées. Dans les faits, il pouvait s’agir de laisser aller seul à ses cours de voile un ancien agresseur sexuel sur mineurs qui était devenu un détenu exemplaire.
Toujours selon nos informations, des détenus étaient aussi autorisés à passer la journée à Lausanne pour voir leurs proches. Et parfois, mais c'est un fait désormais connu, certains pouvaient également rencontrer des prostituées, qui ignoraient à qui elles avaient affaire.
Le Conseil d'Etat et la police informés
L'état-major de Pierre Maudet et la direction du pénitentiaire avaient été informés du danger de cette pratique - les conduites non accompagnées - dans un courrier alarmiste envoyé par le directeur de Champo-Dollon datant de 2012 déjà, comme nous l'avions révélé en juillet 2015. La police genevoise était également au courant, confirme aujourd'hui Jean Sanchez, ancien numéro deux de l'institution.
Laetitia Guinand/dk