Genève a mis en place il y a trois ans une mesure dite de "préférence aux chômeurs résidents". Celle-ci exige que les postes à pourvoir dans les secteurs public et parapublic soient annoncés en primeur aux personnes inscrites dans les offices régionaux de placement (ORP) genevois.
Syndicats et représentants des frontaliers jugeaient depuis longtemps cette mesure discriminatoire envers les chômeurs frontaliers, dont plusieurs auraient été éconduits alors qu’ils tentaient de s’inscrire dans un ORP. Or, "il existe depuis 2012 une directive européenne, s'appliquant aussi à la Suisse, qui donne accès aux travailleurs frontaliers à des prestations des offices de placement dans les pays où ils travaillent", explique Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d'Unia Genève.
Et d'ajouter: "On a donc alerté l'Office cantonal de l'emploi et on s'est vite rendu compte que cette directive n'était pas appliquée (...) On est donc intervenu au niveau de l'Etat pour que ce déni de droit s'arrête."
"La loi est respectée"
De son côté, le Département genevois de l'emploi dément ces refus d'inscriptions. Selon son chef, Mauro Poggia, il n'y avait pas de demande, ou très peu.
Sous la pression, ce n'est qu'au mois de février que l'Office cantonal de l'emploi a émis une marche à suivre pour les chômeurs frontaliers qui désirent bénéficier des prestations d’un ORP. Or, jusqu'ici cette possibilité n'a fait l'objet d'aucune publicité. Car communiquer activement autour de cette démarche "n’est pas notre préoccupation première", reconnaît Mauro Poggia. "Mais la loi est respectée", assure le ministre MCG.
"C'est ce que j'ai dit aux syndicats, qui semblent très préoccupés par cette question, davantage d'ailleurs que de nos propres demandeurs d'emploi (...). Ce qui en dit long sur le type de sociétaires qui ont un pouvoir de décision au sein de nos syndicats", contre-attaque le conseiller d'Etat.
Fin de la préférence indigène?
Même si des tensions persistent entre l'Etat et les syndicats, les portes des ORP commencent à s’ouvrir pour les frontaliers depuis quelques semaines. Ils sont une vingtaine actuellement à s'y être inscrits. Ce n’est là sans doute qu’un tout début, puisque, potentiellement, ce sont plusieurs milliers d'ex-frontaliers qui pourraient entamer des démarches.
La situation semble ainsi en voie de se régulariser pour les chômeurs frontaliers, ces derniers étant désormais placés sur le même plan que les résidents. Pour les syndicats et le Groupement transfrontalier européen, le modèle de préférence indigène à la genevoise est ainsi de facto enterré.
Faux, rétorque Mauro Poggia. Le magistrat juge que ces changements n’annulent pas sa politique de priorité aux résidents. Car une importante différence de traitement subsiste, grâce à la marge de manœuvre laissée aux cantons: si les employeurs des secteurs public et parapublic ont l'obligation d'auditionner des demandeurs d'emploi résidents quand ils ouvrent un poste, cette obligation ne sera pas étendue aux candidats frontaliers.
"J'attends avec impatience que nos syndicats organisent une manifestation pour s'en plaindre", conclut le conseiller d'Etat MCG.
Mathieu Cupelin/hend