Fernand Melgar fait une croix sur son mandat à la Haute école d'art et de design (HEAD) de Genève, a appris la RTS jeudi. Le cinéaste lausannois devait animer dès février un atelier d'un semestre en section cinéma. Mais la manière dont il a appelé à agir contre les dealers à Lausanne a suscité de vifs débats au sein de l'institution.
Une forte proportion des étudiants en cinéma se sont déclarés hostiles à sa venue ces derniers jours, menaçant de boycotter son atelier. Certains ont directement interpellé Fernand Melgar sur les réseaux sociaux, parfois avec virulence.
Questionnements éthiques
Face à ces réactions, et après réflexion, le cinéaste a écrit mercredi à la direction de la HEAD pour annoncer son renoncement. Fernand Melgar explique à la RTS qu'il renonce "la mort dans l'âme" à ce mandat, précisant "ne pas pouvoir entrer dans une école se fiant à la vox populi, avec des personnes qui m'insultent et qui vont être mes élèves".
Le directeur de la HEAD, Jean-Pierre Greff, dit prendre acte de cette décision. Il n'y avait pas, de la part de l'école, de volonté de renoncer à cet engagement. Mais le directeur l'admet: suite à la polémique, les conditions ne sont pas remplies actuellement pour des échanges sereins entre le cinéaste et les étudiants. La publication de photos volées de dealers présumés pose des questions sur le plan éthique pour un enseignant en cinéma.
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Fortes réactions dans les milieux culturels et artistiques
Dans le même temps, les réactions très critiques face aux propos et à la démarche de Fernand Melgar se multiplient au sein des milieux artistiques et culturels romands.
Personnalités du cinéma, du théâtre, écrivains, ils sont nombreux à condamner sa démarche. A l'instar du photographe genevois Christian Lutz: "Il y a là un grave problème de déontologie, mais aussi quant au rôle même de l'artiste, de l'auteur, qui doit marquer des temps de réflexion pour permettre au débat de prendre correctement. Ici, le débat part directement dans un sens qui n'est pas le bon", explique Christian Lutz à la RTS. Fernand Melgar aurait posé le débat sur le deal de rue de manière simpliste et caricaturale, avec le risque de nourrir des préjugés racistes.
"Je fais partie d'un milieu de gauche qui est devenu complaisant. Aujourd'hui je suis considéré comme un social-traître, et certains me rejettent", constate de son côté Fernand Melgar.
Mathieu Cupelin/ebz