A commencer par les témoins entendus, ou non, dans cette affaire qui avait créé la polémique voici quelques mois. D’une part, des témoins-clés n’auraient pas été convoqués par la juge, selon les informations de la RTS. Parmi ces témoins se trouve au moins une victime présumée.
Deux professeurs au moins, alertés par des élèves au moment des faits, n’auraient pas non plus été entendus, de même que deux anciennes collégiennes ayant vu la vidéo à caractère pornographique adressée par le professeur, aujourd’hui suspendu, à l’une de ses élèves.
"Entendre l'intégralité des témoins"
Ces faits choquent l'avocate de deux témoins dont une victime présumée, Laura Santonino, "parce que les faits qui font l'objet de l'enquête sont particulièrement graves et que l'Etat a un devoir accru de protection parce qu'on parle d'élèves et notamment de jeunes filles".
Interviewée dans l'émission Forum, elle estime que l'Etat "se devait de faire entendre tous les témoins susceptibles de démontrer les agissements de l'enseignant sans concessions." Or à sa connaissance, tel n'a pas été le cas: "Des témoins importants n'ont pas été entendus", dit-elle.
Me Laura Santonino s'interroge sur la réelle volonté de l'Etat d'établir les faits, tout en ne pouvant affirmer un désir de protéger le professeur mis en cause. L'avocate dit craindre cependant "une enquête alibi."
De son côté, le Département de la formation et de la jeunesse (DFJ) se refuse à tout commentaire sur la procédure en cours.
Mais les témoins entendus poseraient aussi problème. L’une en particulier, également enseignante au collège de Saussure, convoquée pour attester - selon ses dires - des qualités professionnelles de l’accusé.
Conflit d'intérêts
Or, cette personne est également mandatée par le DFJ, au titre de présidente de la commission Egalité pour l’enseignement secondaire. Elle est même membre d’une cellule de veille sur le harcèlement sexuel.
Le problème est identifié, si l’on en croit un document interne au Département datant de mars, que la RTS a pu consulter. Le directeur général de l'enseignement secondaire II y rapportait: "Il y a un paradoxe étrange, selon plusieurs de mes directeurs-trices, à défendre l’égalité dans une position institutionnelle, et, dans le même temps, à avoir une posture corporatiste en défendant un enseignant qui est accusé de harcèlement à caractère sexuel contre des jeunes filles (et qui a reconnu les faits en entretien de service)." "Que faire?", ajoutait-il.
Lettre au Conseil d'Etat
Interrogée, l’enseignante toujours mandatée conteste tout conflit d’intérêt.
Selon les informations de la RTS, le comité contre le harcèlement sexuel a adressé mardi une lettre au président du Conseil d’Etat notamment, s’inquiétant de l’absence de prise de décision dans cette enquête en contradiction avec la tolérance zéro promise récemment par la ministre en charge du DFJ Anne Emery-Torracinta. Jeudi, le Grand Conseil adoptait une résolution pointant du doigt le DFJ pour sa gestion des enquêtes de harcèlement.
Laetitia Guinand/kkub